Conclusion 

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Conclusion 

 

L’étude des œuvres de Gustave Aimard nous semble intéressante pour la connaissance du roman d’aventures et de son fonctionnement idéologique et romanesque. Conçus par un écrivain aux qualités littéraires médiocres, un roman comme Balle-Franche ne renouvelle pas la vision de l’Ouest. L’Indien y demeure ce sauvage respecté pour sa différence, mais finalement inférieur à cause de son appartenance à une race vouée à être dominée. Trop imprégné par son époque, Gustave Aimard n’a pas déployé assez d’art et d’intelligence pour se soustraire à l’idéologie racialiste et aux clichés qu’elle véhicule. Son oeuvre doit donc être lue en gardant à l’esprit les données du contexte éditorial et culturel du milieu du XIXème siècle. C’est en effet à cette époque que l’audience de la littérature s’étend et se diversifie : l’accession du plus grand nombre au statut de lecteur se fait alors au profit d’une homogénéisation et d’un standardisation des produits culturels. La naissance d’une littérature populaire écrite par des auteurs soumis à une rentabilité financière contribue également à faire naître des œuvres dont l’objectif n’est pas la création artistique, mais bien la satisfaction des attentes de lecteurs ne maîtrisant pas tous les jeux de lecture qu’imposent les textes.

C’est dans ce contexte qu’apparaît un auteur dont l’aura d’aventurier contribue à faire vendre les romans, et en particulier sa première oeuvre, Les Trappeurs de l’Arkansas. Le genre du roman d’aventures est alors un bon moyen pour faire part de son expérience d’un monde, l’Amérique indienne, que beaucoup découvrent encore. Grâce à ses personnages de trappeurs, Aimard exploite ainsi l’attirance d’un grand nombre de ses lecteurs pour un contact direct avec la nature, porteur d’une forme de spiritualité originelle. L’Ouest sauvage et désertique, avec ses paysages grandioses et vierges de civilisation, sert de support à ces rêveries. L’espace américain devient alors un enjeu symbolique, mais aussi idéologique : destinés par leur nature conquérante à régner sur les sauvages Indiens, les désirs de conquête des aventuriers français ne résistent pas face à l’emprise américaine sur ces territoires et avortent de manière inévitable. Ces héros se conforment finalement à un destin moyen, le mariage et le retour à la civilisation, et abandonnent leurs ambitions premières. Dans l’existence de ces personnages, c’est alors le destin de la France en Amérique qui peut être lu : d’abord mus par une volonté de conquête, les Français ont abandonné la Louisiane par manque d’ambition et d’esprit de conquête. Dans ses récits, Gustave Aimard semble pourtant penser que son pays a un rôle à jouer en Amérique, en tant que représentant du progrès et de la civilisation. Selon lui, la France est ainsi capable de reprendre pied sur le continent, dans des contrées telles que la Sonora, où l’empire espagnol, puis les États-Unis, ont été incapables d’apporter les bienfaits de la civilisation et où le peuple mexicain semble attendre une délivrance. Gustave Aimard rêve de cette nouvelle alliance entre le Mexique et la France et la met en scène dans Les Bandits de l’Arizona, donnant en exemple ces deux familles française et mexicaine qui, en s’unissant, inaugurent le destin commun de leurs pays.

Ce point de vue français a bien entendu des conséquences sur la manière dont est abordée l’altérité indienne et sur le discours idéologique tenu dans le roman. L’aventurier français n’étant pas impliqué dans le processus de colonisation du territoire américain, il lui est en effet d’autant plus facile de déplorer la disparition des peuples indiens et de prendre leur défense. Toutefois, cette composante du discours ne trouve pas d’écho dans les récits : l’Indien y demeure cette figuration stéréotypée et fantasmatique du sauvage, caractérisée essentiellement par la menace qu’elle fait peser sur l’homme civilisé et les valeurs qu’il représente.

Nous avons ainsi pu voir que dans les romans de Gustave Aimard le discours prenant parti pour le peuple indien ne peut être efficace à partir du moment où il adopte une grille de lecture racialiste empêchant l’élaboration d’un véritable contenu critique. Reprenant à son compte une représentation racialiste de l’Indien et une lecture évolutionniste de l’Histoire, Aimard s’interdit de repenser l’objet de son discours, la question de l’appartenance des peuples indiens à l’humanité. Voyant se dessiner l’impasse à laquelle aboutirait cette reconsidération avortée de l’Indien, Aimard se voit finalement obligé d’opérer une distinction entre bons et mauvais Indiens, faisant ainsi voler en éclats la légitimité de son discours.

Par leur fonctionnement romanesque et idéologique, les oeuvres de Gustave Aimard constituent donc un exemple éclairant pour l’approche de cette littérature produite dans des conditions éditoriales particulières : bien que médiocres d’un point de vue artistique, les romans de Gustave Aimard semblent en effet nous en apprendre autant sur l’horizon intellectuel du lecteur-type du XIXème siècle, que les chefs-d’œuvre de la littérature écrits durant la même période. Et si l’étude de la littérature populaire doit répondre à la question de sa légitimité, il nous semble bien que ce soit là une réponse.

 

 

Bibliographie

 

 

L’édition sur laquelle nous avons travaillé est la réédition récente des oeuvres de Gustave Aimard ( publiée en 2001 et actuellement la seule disponible) :

 

-         Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas et autres romans de l’Ouest, édition établie par Matthieu Letourneux, éd. Robert Laffont, collection «Bouquins», Paris, 2002 (comprend quatre oeuvres, Les Trappeurs de l’Arkansas, Balle-Franche, L’Éclaireur et Les Bandits de l’Arizona, dont la publication s’étend sur toute la période d’activité littéraire de l’auteur).

 

-         Une dizaine d’ouvrages de Gustave Aimard sont consultables à partir du site Internet de la Bibliothèque Nationale de France, à l’adresse suivante : http://gallica.bnf.fr . Ce site propose notamment les oeuvres les plus tardives de l’auteur, ainsi que des romans écrits en collaboration avec Jules Berlioz d’Auriac (même si dans ce dernier cas, la paternité d’Aimard n’est pas avérée).

 

 

Ouvrages et revues consacrés à Gustave Aimard ou portant en partie sur l’auteur :

 

-     Pour une bibliographie détaillée des articles et études consacrés à l’œuvre de Gustave Aimard, se reporter à l’édition « Bouquins » des Trappeurs de l’Arkansas et autres romans de l’Ouest, page 951.

-         Jean Bastaire, Sur la piste de Gustave Aimard, trappeur quarante-huitard, éditions Encrage, collection « Travaux bis », 2003.

-         Le Rocambole, revue de l’Association des Amis du Roman Populaire, n°13, hiver 2000 (dossier entièrement consacré à Gustave Aimard).

           

 

 

 

 

Sur la question du discours de l’aventure à partir de la seconde moitié du XIXème siècle :

 

-         Sylvain Venayre, la Gloire de l’aventure, Genèse d’une mystique moderne, 1850-1940, Aubier, « collection historique », Paris, 2002.

-         Sylvain Venayre, « Le moment mexicain dans l’histoire française de l’aventure (1840-1860) », revue Histoire et Société de l’Amérique latine, n°7, premier semestre 1998, p.123-137.[1]

 

 

Ouvrages portant sur le contexte éditorial et culturel des années 1850-1880 :

 

-         Dominique Kalifa, la Culture de masse en France, tome I, 1850-1930, éd. de la Découverte, «Repères», Paris, 2001.

-         Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, tome III, « Le Temps des éditeurs : du Romantisme à la Belle Epoque », Promodis, Paris, 1985.

-         Jean-Yves Mollier, l’Argent et les lettres : histoire du capitalisme d’édition :1880-1920, Fayard, Paris, 1988 (en particulier le chapitre intitulé «la librairie politique, le cas d’Edouard Dentu», pp. 300-318).

 

 

À propos de l’histoire de la colonisation américaine, nous avons principalement consulté :

 

-         Claude Fohlen, Les Indiens d’Amérique du Nord, coll. « Que sais-je ? », PUF, Paris, 1991.

-         James Wilson, La terre pleurera, une histoire de l’Amérique indienne, Albin Michel, coll. « Terre Indienne », 2002 (édition originale américaine, 1998).

-         Philippe Jacquin, La terre des Peau-Rouges, « Découvertes Gallimard », Paris, 1987.

-         Philippe Jacquin et Daniel Royot, Go West ! Histoire de l’Ouest américain d’hier à aujourd’hui, Flammarion, Paris, 2002.

-         Philippe Jacquin, « Les Français à la conquête de l’Ouest » in Le Mythe de l’Ouest : l’Ouest américain et les « valeurs » de la frontière, Hors-série Autrement n°71, octobre 1993.

 

 

 

Annexes.

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[1] Consultable sur Internet à l’adresse : http://www.sigu7.jussieu.fr/hsal/hsal981/sv98-1.pdf .

 

Mémoire de lettres modernes d'Emmanuel Dubosq.