Introduction

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Gustave Aimard (1818-1883) est un des écrivains les plus prolifiques du XIXème siècle. Auteur de nombreux romans parmi lesquels figurent pêle-mêle des romans d’aventures, de flibusterie et des robinsonnades, il est cependant resté dans les mémoires jusque dans les années 1950, comme un des héritiers de Fenimore Cooper, célèbre romancier américain qui, dans des ouvrages comme le Dernier des Mohicans, présente le point de vue américain sur la guerre coloniale qui opposa la France et l’Angleterre durant le XVIIème siècle.

Adoptant résolument le point de vue opposé, Gustave Aimard choisit de mettre en scène une autre colonisation grâce à des personnages de coureur des bois, population le plus souvent de souche française mais dont les habitudes de vie, proches des peuples amérindiens, les ont amenés à se métisser avec les autochtones. Ainsi placées sous le signe du métissage grâce à des héros éponymes (Balle-Franche), les œuvres de Gustave Aimard que nous nous proposons d’étudier ne révèlent pas moins une profonde ambiguïté dans la façon d’aborder et de traiter l’altérité, qu’elle soit représentée par le métis hispano-indien ou par le « sauvage » Indien.

Dans des romans tels que Balle-Franche, l’Indien est en effet décrit comme un assaillant usant volontiers d’une violence démesurée pour repousser toute tentative d’intrusion sur son territoire. Toutefois, cette représentation, aussi massive soit-elle, se double d’un certain intérêt pour le sauvage : fustigeant le caractère outrancier que prend la lutte indienne contre la colonisation et dénonçant les mœurs sauvages des Indiens, le narrateur se propose néanmoins de reconsidérer la race indienne en tentant d’évacuer une à une les idées reçues à son propos.

Littérature populaire, les romans d’aventures de Gustave Aimard ne peuvent être appréhendés qu’en relation avec les données nouvelles d’un contexte culturel émergeant à partir de la seconde moitié du XIXème siècle : publication fragmentaire en feuilleton[1] et diffusion croissante vers des lecteurs à faible capital culturel imposent de multiples contraintes tant d’ordre intellectuel que romanesque. Tiré à plusieurs milliers d’exemplaires, le roman-feuilleton des années 1850-1860 doit susciter un intérêt constant chez le lecteur ; d’où le recours à des « recettes » éprouvées faisant largement appel aux clichés et à la figuration manichéenne du monde, partageant celui-ci entre représentants du Bien, trappeurs et aventuriers, et représentants du Mal, Indiens et bandits, véritables dangers pour la stabilité et l’équilibre d’un espace imaginaire, la Prairie, dans lequel les lois et l’ordre moral n’ont plus de prise sur les êtres.

Littérature datée, au sens où elle n’a pas survécu à la disparition du contexte qui a vu son élaboration, l’œuvre de Gustave Aimard nécessite donc de se replonger dans le contexte historique et culturel de l’époque. Période d’expansion coloniale pour les grandes puissances européennes, dont la France, la seconde moitié du XIXème siècle voit l’achèvement de la conquête du continent nord-américain commencée trois siècles plus tôt au détriment des populations amérindiennes. Forcés de s’adapter ou de disparaître face à une présence culturelle européenne de plus en plus oppressante, ces peuples se trouvent dans une situation d’échec que rien ne saurait améliorer. Les romans de Gustave Aimard décrivent cette disparition progressive et programmée des Indiens, parfois sur le ton de la déploration, mais le plus souvent en des termes renvoyant à une lecture fataliste de l’Histoire. L’étude de  ces oeuvres nous semble donc présenter un intérêt pour la connaissance de l’horizon idéologique du roman d’aventures, et en particulier du roman de l’Ouest, à un moment où les ambitions colonialistes des grandes puissances européennes se réalisent, non en Amérique, mais sur d’autres continents.

Nous nous pencherons donc tout d’abord sur le contexte culturel et littéraire dans lequel les oeuvres de Gustave Aimard ont été publiées, afin de mieux comprendre les enjeux et les modes de lecture d’une littérature qui est aujourd’hui tombée en grande partie dans l’oubli. Puis, nous verrons que derrière les personnages de trappeur et d’aventuriers, se cache en fait une certaine nostalgie de la présence française sur le continent américain, ce qui n’est pas sans influence sur la représentation de l’Indien dans le roman. Enfin, nous aborderons les implications romanesques de l’idéologie racialiste et nous tenterons de montrer qu’à la fin du XIXème siècle l’imaginaire du roman de l’Ouest amorce progressivement une mutation, notamment au profit des thématiques propres à un genre littéraire appelé plus tard « western ». Évacuant tout conflit racial et le remplaçant par un affrontement entre bandits et aventuriers, un des derniers romans de Gustave Aimard, Les Bandits de l’Arizona, marque alors la progressive disparition de l’imaginaire de la Prairie.

 

 

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[1] Avant de désigner un type de texte, le terme « feuilleton » s’appliquait à la partie inférieure de la page d’un journal. L’habitude de publier des textes littéraires à cet endroit de la page a peu à peu forgé l’expression consacrée de « roman-feuilleton ».

 

Mémoire de lettres modernes d'Emmanuel Dubosq.