Première partie 

Contexte historique et culturel de la seconde moitié du XIXe siècle

1.1 L'ère de la culture de masses

1.2 L'imaginaire de la prairie

1.3 Le discours de l'aventure

 

1.1. L’ère de la culture de masse

1.1.1. Naissance du feuilleton et de la presse à grand tirage

1.1.2. Qui lit ? Que lit-on ? Quel lectorat pour la littérature populaire ?

1.1.3. Gustave Aimard ou comment l’on devient un grand écrivain populaire

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 Appréhender la littérature populaire du XIXème siècle nécessite la connaissance des conditions d’émergence afin de mieux comprendre les enjeux qui se déploient autour de son écriture. Il nous paraît donc important de revenir sur le contexte historique et culturel du milieu du XIXème siècle avant de s’intéresser aux oeuvres de Gustave Aimard proprement dit.

1.1. L’ère de la culture de masse

 

Le XIXème, inaugurant l’ère de la diffusion de la culture à grande échelle, a vu s’instaurer de profonds changements dans la manière d’écrire, de lire et de diffuser les imprimés. C’est dans ce contexte que les premiers lecteurs d’Aimard ont eu à apprécier ses œuvres.

 

1.1.1.   Naissance du feuilleton et de la presse à grand tirage

 

Dominique Kalifa, dans son ouvrage intitulé La culture de masse en France décrit en ces termes la première moitié du XIXème siècle :

 

« Le XIXème siècle est, pour la société française, celui d’une lente transition vers la lecture de masse. L’immense production d’imprimés à bas prix parvient en effet à trouver assez vite son public. L’accélération du processus d’alphabétisation rend disponibles de nouveaux lecteurs, jusque-là tenus en lisière du monde de l’écrit. Les réseaux de diffusion s’améliorent également vers le milieu du siècle, notamment grâce au chemin de fer, permettant aux journaux et aux livres de pénétrer en profondeur la société française. Au plaisir de lecture, qui s’étend peu à peu dans les milieux populaires, s’ajoutent les effets d’un très ample processus d’acculturation et d’homogénéisation.[1]»

 

Les premières années du XIXème siècle voient en effet un début de bouleversement des pratiques culturelles héritées de l’Ancien Régime. Parmi celles-ci figure la consommation de journaux qui, banalisée par la Révolution française puis limitée jusqu’à la Restauration (1815-1830), tend à se démocratiser sous la monarchie de Juillet (1830-1848), notamment grâce à l’initiative d’entrepreneurs qui entendent importer dans le milieu éditorial les méthodes capitalistes de rationalisation des coûts. Cantonnée sous la Restauration à une frange très limitée de la haute bourgeoisie, ce que, depuis cette époque, nous appelons par métonymie la « presse », voit ses pratiques bouleversées par des « patrons de presse ».

Ainsi, Emile de Girardin, avec la création en 1836 de son journal la Presse inaugure une formule faisant date dans l’histoire de l’édition. Partant du principe que la publicité est le seul moyen d’abaisser le coût de l’abonnement au journal, principal frein à la progression des ventes, Girardin mise sur l’attrait d’un nouveau type de publication, le roman-feuilleton, qui, trois mois après la parution du premier numéro, fait son apparition dans le journal. Figurant en bas de la première page, le premier roman-feuilleton, la Vieille fille d’Honoré de Balzac, paraît ainsi dans la Presse du 23 octobre au 4 novembre 1836, entraînant un développement considérable du nombre d’abonnés en quelques semaines (auquel il faut ajouter, entre autres, les lecteurs pratiquant la consultation payante dans des cabinets de lecture et ceux qui ont souscrit collectivement un abonnement). Dans la lignée de Girardin, suivent alors de nombreuses publications reprenant la même formule : le Siècle, le Journal des Débats, publient les romans-feuilletons d’Alexandre Dumas, d’Honoré de Balzac, d’Eugène Sue, l’auteur des Mystères de Paris, œuvre édifiante dont les visées humanitaristes sont à l’origine d’une frénésie populaire dont Umberto Eco analyse les ressorts dans De Superman au surhomme.[2]

La demande du public et des journaux se faisant de plus en plus pressante, la production de roman-feuilleton s’élargit au cours des décennies 1840-1850 (de quelques milliers d’exemplaires au début de la monarchie de Juillet, on passe à plusieurs centaines de milliers pour le très populaire Petit Journal que crée Moïse Polydore Millaud en 1863). Apparaissent alors dans les colonnes des romans-feuilletons des thèmes et des genres littéraires inédits, à même d’intéresser les nouveaux lecteurs. Tels sont le roman judiciaire, précurseur du roman policier inventé dans les années 1860 par Emile Gaboriau, ou encore les romans mettant en scène le petit peuple et les bas-fonds de la société urbaine à la manière des Mystères d’Eugène Sue.

Parallèlement à l’explosion des ventes de journaux, le livre semble profiter de ce nouvel intérêt pour la lecture. Tirant profit à la fois de l’amélioration des techniques d’imprimerie, de l’adoption de nouvelles méthodes éditoriales et de la multiplication des auteurs dont ils reprennent les œuvres publiées d’abord en feuilleton, les éditeurs lancent sur le marché de nouveaux formats, plus petits et plus abordables que les éditions réservées aux auteurs de la grande littérature. Ils voient ainsi leur diffusion progresser rapidement parmi la population. Inabordable pour la majorité dans les années 1830, le livre entre dans les circuits de la grande consommation culturelle à partir des années 1850. Peu à peu, la production imprimée se démocratise, et passe de la domination des ouvrages à caractère religieux (dont Balzac, dans la première partie d’Illusions perdues, montre l’importance pour les petits imprimeurs de province) en se renversant au profit d’une littérature dont les enjeux sont laïcisés.

 

 

1.1.2.   Qui lit ? Que lit-on ? Quel lectorat pour la littérature populaire ?

 

D’abord circonscrite aux lecteurs de la haute et moyenne bourgeoisie des villes, la lecture des romans-feuilletons se développe peu à peu jusque dans les milieux ouvriers, comme en témoignent les récits de contemporains.[3] Un des facteurs déterminants est à l’évidence la scolarisation de plus en plus fréquente des individus appartenant aux classes inférieures de la société[4] et le taux d’alphabétisation nécessairement plus élevé qui en résulte. De même, la progression générale du pouvoir d’achat, conjugué à la diminution du temps de travail, offre une disponibilité nouvelle pour les loisirs culturels.

 

Si l’enseignement scolaire ne devient gratuit et universel que sous la IIIème République et si le nombre d’écoles reste insuffisant pendant la majeure partie du XIXème siècle, l’école permet à un nombre de plus en plus important d’individus d’accéder à l’écrit, y compris par la pratique personnelle de la lecture, grâce notamment à la traditionnelle remise des prix au cours de laquelle les élèves les plus méritants se voient décerner un livre. Ce nouveau type d’ouvrage doit bien souvent se démarquer des manuels scolaires classiques et répondre à une demande croissante pour les jeunes lecteurs : instruire en amusant[5], credo d’un homme comme Jules Hetzel, éditeur de Balzac et de Hugo avant d’être celui de Jules Verne.

Lus par les enfants, les feuilletons, parus dans la presse et repris ensuite en volumes, n’en sont pas pour autant l’apanage de la jeunesse scolarisée. Même s’ils sont loin d’être lus par l’ensemble de la population française (des différences étant notables entre milieu urbain et rural, et entre France du nord et France du sud), les feuilletons puisent leur audience chez des catégories de lecteur se situant eux-même au bas de l’échelle culturelle :

 

« Lecteurs "illettrés", en ce qu’ils ne disposent ni de références littéraires, ni de capacité de mise à distance critique, ils n’inscrivent pas leur lecture dans une quelconque stratégie distinctive et y recherchent avant tout le plaisir immédiat. Souvent convaincus du caractère indigne ou vain de ces lectures, ils se perçoivent comme des lecteurs dominés. [6]»

 

A la fois dominés d’un point de vue symbolique et culturel, les lecteurs du roman-feuilleton appartiennent aussi à la bourgeoisie aisée, comme le montre la répartition des librairies de l’éditeur parisien Dentu à la fin du XIXème siècle.[7] En dehors de Paris, les chiffres montrent un net avantage pour la France « culturellement favorisée », les stations balnéaires (Biarritz, Trouville) et les villes d’eaux (Vichy) regroupant à elles seules près d’un quart de ses librairies de province vers la fin du siècle.[8]

Mais si cette concentration est significative, il ne faut tout de même pas négliger l’importance d’un réseau parallèle de vente d’imprimés. En effet, pour toucher un public plus modeste et ne disposant pas d’un capital économique et culturel lui donnant accès à la librairie, les éditeurs-libraires trouvent dans les commerces, alimentaires et autres, des relais dans la diffusion vers un public éloigné des grands centres et de moins en moins desservi par le colportage.[9]

 

Devenu omniprésent dans la vie quotidienne des Français à partir du Second Empire (1853-1870), le roman-feuilleton, accusé par Sainte-Beuve d’avoir introduit l’industrialisme en littérature[10], voit ses lecteurs et leurs déviances tournés en dérision par la littérature « légitime » : des personnages comme Emma Bovary, et plus tard Frédéric Moreau[11], stigmatisent de manière acerbe l’imprégnation du stéréotype chez des individus bourgeois nourris de « romans à quatre sous », dans lesquels « les personnages sont souvent réduits à des rôles allégoriques, voire à des concepts anthropomorphisés (le Vengeur, le Mal, la Victime), aptes à provoquer l’identification la plus absolue. »[12]

Entrée dans l’ère de la circulation accélérée des textes et des idées, la littérature fait face au nivellement de la production littéraire destinée au peuple par la constitution d’un discours critique et d’une stratégie visant à défendre l’Art contre l’ombre d’une littérature moins ambitieuse mais en pleine expansion commerciale et fort profitable pour les éditeurs. Néanmoins, l’arrivée progressive de produits culturels dont la valeur artistique est quasi-inexistante, n’entame en rien la supériorité de l’Art sur la marchandise, bien au contraire. Elle ne fait que créer un phénomène de division entre tenants d’une « bonne » culture et lecteurs populaires :

 

« L’ancienne distinction lettrés vs illettrés est tout à la fois déplacée et conservée : au critère de la compétence pratique (savoir lire) est substitué le critère de la disposition esthétique (savoir ce qu’il faut lire et comment). N’ayant pas les moyens de maîtriser l’univers littéraire, ses classements et ses règles, ne pouvant produire tous les jeux de mise à distance du quotidien que suppose le regard « artiste » ou « intellectuel », le public populaire reste ce repoussoir contre lequel se conquiert la reconnaissance culturel.»[13]

 

Cette distinction se retrouve  à l’intérieur même de la profession d’écrivain : une nette séparation divise d’un côté les auteurs dont les écrits leur assurent pouvoir et prestige littéraire, et de l’autre, les écrivains populaires dont les créations sont subordonnées à des contraintes rédactionnelles, économiques et même intellectuelles. Dominique Kalifa note ainsi : « Dans le domaine de la grande diffusion, l’écriture devient une industrie, le livre une marchandise, et l’auteur un producteur parmi d’autres. »

 

Les critiques que l’on a pu formuler à l’égard des « maigres » qualités littéraires du roman populaire d’aventures, n’ont en ce sens que fort peu touché leur cible. Le souci d’un écrivain tel que Gustave Aimard n’est ni d’inventer, ni de renouveler l’expression littéraire, mais bien d’apporter à son lecteur ce qu’il attend précisément : d’être ému par la simplicité d’une jeune fille naïve découvrant l’amour, de frémir à l’apparition d’un sauvage embusqué le long d’un chemin et de maudire le bandit sans foi ni loi.

Pour expliquer le phénomène de nivellement des textes, Anne-Marie Thiesse a analysé le mode de lecture du roman populaire:

 

« par leur formation scolaire ou extrascolaire, les membres des classes populaires ne peuvent aborder les textes littéraires comme les illustrations diverses de possibles stylistiques et narratifs : tout au contraire, ils tiennent pour "naturelle" une norme conventionnelle, celle qui régit les oeuvres communes. Ils apprécieront d’autant plus un ouvrage que celui-ci s’approche plus de la perfection conventionnelle, du modèle implicite. » [14] 

 

            A l’heure d’une accélération de la diffusion de l’écrit, un nouveau mode de lecture des textes littéraires apparaît grâce à l’effet conjugué de deux phénomènes : l’arrivée de lecteurs ne disposant pas des références culturelles suffisantes pour « décrypter » les textes comme autant de jeux de relecture, de réécriture, d’interprétation élaborés par un sujet ; et le développement d’un « prolétariat littéraire » davantage soumis à des contraintes économiques.

 

« Tout concourt donc pour que la littérature populaire soit le domaine par excellence du stéréotype et de la répétition : les écrivains spécialisés, tenus de produire rapidement une copie abondante, recourent aux recettes éprouvées, tandis que les éditeurs, qui cherchent des succès à court terme, poussent à la reprise des thèmes ou des titres "qui ont marché". »[15]

 

Que la littérature populaire soit un des lieux privilégiés pour la production de stéréotypes ne fait aucun doute. Le regard critique que nous sommes amenés à porter sur ces textes ne doit toutefois pas nous faire oublier que, ce qui n’est plus vivant dans notre imaginaire l’était tout à fait dans l’esprit du lecteur contemporain. Et peut-être devrions-nous avoir à l’esprit en lisant les romans d’Aimard ces lignes d’Umberto Eco à propos du film Casablanca de Michael Curtiz (1942) :

 

« Quand tous les archétypes déferlent sans aucune décence, on atteint des profondeurs homériques. Deux clichés font rire. Cent clichés émeuvent. Parce qu’on ressent obscurément que les clichés parlent entre eux et célèbrent une fête du renouvellement. Comme le sommet de la douleur rencontre la volupté et comme le comble de la banalité laisse entrevoir un soupçon de sublime. »[16]

 

           

1.1.3.   Gustave Aimard ou comment l’on devient un grand écrivain populaire

 

Avec une bibliographie dépassant les soixante-dix titres en vingt-cinq ans d’activité littéraire[17], Gustave Aimard fait sans aucun doute partie de ces « industriels de la littérature ». Pour preuve, il fut parfois amené à recourir à des procédés douteux pour maintenir un rythme de production soutenu.[18] Le lecteur retrouve ainsi de nombreuses ressemblances, voire des reprises, entre les romans de l’auteur. Citons comme exemple la similitude entre Les Bandits de l’Arizona (1881) et l’Eclaireur (1858), tous deux constituant une variation sur le thème des frères ennemis.

En bon romancier d’aventures, Gustave Aimard privilégie dans ses récits les péripéties et les longues descriptions du désert américain, car il lui faut montrer que « c’est sa vie qu’il raconte ».[19] En effet, avant d’être romancier populaire, l’histoire dit qu’Aimard fit une longue carrière d’aventurier et voyagea durant de longs mois parmi les peuples qu’il décrit.[20] Et c’est d’ailleurs ce qui constitue son principal argument publicitaire quand paraît en 1857 son premier roman, Les Trappeurs de l’Arkansas. Français parmi les Indiens durant son séjour en Amérique, Gustave Aimard joue tout au long de sa carrière avec son aura d’aventurier[21] et revendique une lecture autobiographique de ses oeuvres.[22]

Comment Gustave Aimard, de retour en France, en est arrivé à écrire des romans d’aventures, nul ne semble le savoir, mis à part Pierre Larousse qui, au détour d’une phrase, laisse entendre que le mariage d’Aimard n’est pas sans avoir eu des conséquences sur son entrée en littérature :

 

« Après de nouvelles courses lointaines et un séjour au Mexique, M. Gustave Aymard se fixa à Paris, et entreprit de se créer des ressources en abordant la littérature. Il éprouva d’abord beaucoup de difficultés à mettre au jour ses productions (...). De nouvelles relations s’étant ouvertes pour lui par son mariage, il publia coup sur coup, chez l’éditeur Amyot, ses premiers romans, qui eurent une vogue inespérée »

 

La dédicace à son beau-père, figurant sur la page de titre des Trappeurs de l’Arkansas, confirme d’ailleurs ces propos. Véritable amitié ou simple connivence, dans un milieu littéraire où un article d’un journaliste influent suffit à faire et défaire une réputation ? Toujours est-il qu’en 1858, Aimard débute brillamment sa carrière littéraire par un succès de librairie, qui sera toutefois difficile à renouveler par la suite.

 

S’il ne semble faire aucun doute que les relations d’Aimard ont beaucoup aidé son entrée en littérature, il n’en demeure pas moins que son oeuvre fut une des plus lues du XIXème siècle[23] et qu’elle a fortement influencé l’imaginaire de la Prairie durant cette période et jusqu’à une époque récente. Sa renommée est telle que plusieurs auteurs lui ont fait l’honneur de le citer, souvent il est vrai par dérision, et pour dénigrer son manque de style.[24] Tout du moins, l’évocation d’Aimard est ambivalente chez l’un d’entre eux, Alphonse Daudet. [25]

Ses anciens lecteurs oscillent souvent entre un dégoût ostensible, tel Lautréamont, et un souvenir amusé, comme Marcel Pagnol.[26] Toutefois, une constante est la contribution d’Aimard à l’univers adolescent de bon nombre d’écrivains. Gustave Aimard, entre autres, a suscité chez eux le désir d’un Ailleurs que seul le roman d’aventures a pu faire vivre. Devenu autonome au XIXème siècle, le genre devient en effet synonyme d’exotisme, c’est-à-dire de découverte du monde et de sa diversité et, par un phénomène de retour, de découverte de soi. Là où l’Aventure ne devient plus possible (l’Europe), le roman d’aventures semble prendre le relais vers un Ailleurs (l’Amérique ou l’Orient[27]) censé incarner d’autres valeurs face à un Occident dévoyé : la conquête d’une spiritualité, passant par la communion avec une nature hostile mais salvatrice et le goût pour l’Aventure, à la fois mise en danger et tentative de réalisation de son être ; autant d’idées qui sont aptes à fasciner les lecteurs adolescents.

 

            Arrivé en littérature à une époque où se créent de nouvelles manières d’écrire comme de publier les textes, les oeuvres de Gustave Aimard ne peuvent se comprendre qu’en fonction de ce nouveau contexte culturel : l’arrivée de nouveaux protagonistes appartenant aux milieux populaires et la création d’une littérature produite par des écrivains peu reconnus, pour des lecteurs dont les exigences se résument à des passages obligatoires et pour lesquels la littérature doit avant tout divertir, instruire et émouvoir.

 

 

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[1] Dominique Kalifa, la Culture de masse en France, éd. de la Découverte, « Repères », Paris, 2001, p. 23.

[2] Umberto Eco,  De Superman au surhomme, Grasset, Paris, 1993, chap. « Eugène Sue ; le socialisme et la consolation » (pp. 38-83).

 

[3] Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, tome III, Promodis, 1985, p.464-465.

[4] La loi Guizot sur l’enseignement public primaire date de juin 1833 et oblige chaque commune à disposer d’une école primaire non-obligatoire destinée aux garçons, mais gratuite pour les plus pauvres.

[5] Sur cette question, voir Sylvain Venayre, la Gloire de l’aventure, Genèse d’une mystique moderne, 1850-1940, Aubier, « collection historique », Paris, 2002, pp. 62-63 et l’article de Martine Lyons, « les nouveaux lecteurs au XIXème siècle, femmes, enfants, ouvriers » in Guilliermo Cavallo et Roger Chartier (dir.), Histoire de la lecture dans le monde occidental, Seuil, Points, 1997.

[6] Dominique Kalifa, la Culture de masse en France, op. cit., p.23.

[7] Jean-Yves Mollier, l’Argent et les lettres : histoire du capitalisme d’édition :1880-1920, Fayard, Paris, 1988, pp. 300-318, chap. « La librairie politique, le cas d’Edouard Dentu ». Il faut toutefois nuancer cette prééminence d’un lectorat aisé dans la France des années 1880,  par le fait que ce maillage inégal du territoire français est partie prenante d’une stratégie économique privilégiant le secteur plus rentable de l’édition à destination d’un public fortuné (cf. p. 307).

[8] Jean-Yves Mollier, l’Argent et les lettres, op. cit., p. 308.

[9] Moyen de diffusion parmi la population rurale depuis le XVIIIème siècle, le colportage a peu à peu disparu au cours du XIXème, car il était soumis à la concurrence des dépositaires et à un pouvoir politique soucieux d’étouffer un réseau de diffusion qu’il ne contrôlait pas.

[10] Sainte-Beuve dit ainsi dans son article « De la littérature industrielle » publié dans le numéro du 1er septembre 1839 de la Revue des deux mondes : "Chaque époque a sa folie et son ridicule; en littérature nous avons déjà assisté (et trop aidé peut-être) à bien des manies; le démon de l’élégie, du désespoir, a eu son temps, l’art pur a eu son culte, sa mysticité; mais voici que le masque change; l’industrie pénètre dans le rêve et le fait à son image, tout en se faisant fantastique comme lui ; le démon de la propriété littéraire monte les têtes, et paraît constituer chez quelques-uns une vraie maladie pindarique, une danse de saint Guy curieuse à décrire."

[11] Cf. Gustave Flaubert, l’Education sentimentale (1869) et Madame Bovary (publié en 1857 chez Michel Lévy, éditeur par ailleurs impliqué dans l’édition de volumes bon marché diffusés en livraisons, ce qui ne signifie pas pour autant que l’auteur destine son oeuvre à un public populaire. Le cas de Flaubert semble faire figure d’exception parmi la littérature « légitime » : les revenus principaux de l’auteur ne dépendant pas de la vente de ses ouvrages, il pouvait se permettre d’en vendre les droits à un éditeur pour une somme modique. Comme le remarque Dominique Kalifa, « à quelques exceptions près, comme l’œuvre de Hugo, les circuits du livre de grande diffusion ne recoupent guère ceux du livre institué. L’entrée de la littérature dans les circuits de l’industrie culturelle se solde par une radicalisation des fractures sociales. »).

[12] Dominique Kalifa, op. cit., p.31.

[13] Henri-Jean Martin et Roger Chartier (dir.), Histoire de l’édition française, op. cit., p. 469.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Umberto Eco, La Guerre du faux, le Livre de Poche.

[17] Cf. le travail de recensement des oeuvres publiées sous le nom de l’auteur effectué par James Cartier et Thierry Chevrier dans la revue le Rocambole, n°13, hiver 2000, et repris dans l’ouvrage de Jean Bastaire, Sur la piste de Gustave Aimard, trappeur quarante-huitard, éditions Encrage, collection « Travaux bis », Paris, 2003.

[18] Gustave Aimard a en effet eu recours à plusieurs reprises au procédé de l’auto plagiat sans toutefois duper ses contemporains (cf. le Rocambole, n°13 et Jean Bastaire, Sur la piste de Gustave Aimard, op. cit., pp.93-94). Un aperçu de l’audace de Gustave Aimard peut être donné par le titre prometteur d’un de ses romans : les Fouetteurs de femmes. Annoncé chez Degorce-Cadot dans une édition de la fin du XIXème siècle, nous n’en avons pas trouvé de correspondance dans les bibliographies. Peut-être s’agit-il d’une réédition, sous un titre modifié, d’une oeuvre déjà parue.

[19] Cf. note de la première édition des Trappeurs de l’Arkansas (p.8 de l’édition des romans de Gustave Aimard, Les Trappeurs de l’Arkansas et autres romans de l’Ouest, établie par Matthieu Letourneux pour la collection « Bouquins » et publiée en 2001 chez Robert Laffont ; désormais, ce volume est notre édition de référence, sauf indication contraire).

[20] « Chasseur intrépide, il a poursuivi les bisons avec les Sioux et les Pieds Noirs des prairies de l’Ouest (...). Deux fois il a été attaché par les Apaches au poteau de torture (...). Tour à tour squatter, trappeur, partisan, gambusino ou mineur, il a parcouru l’Amérique, depuis les sommets élevés des cordillères jusqu’aux rives de l’Océan, vivant au jour le jour, heureux du présent, sans souci du lendemain, enfant perdu de la civilisation. » (« note de la première édition » des Trappeurs de l’Arkansas, pp.7-8)

[21] Ce qui lui vaut, entre autres perfidies, cette remarque du Grand dictionnaire universel du XIXème siècle (1867) de P. Larousse : « Son style a (...) certaines allures cavalières qui vont à merveille à ces aventures que Fenimore Cooper, le capitaine Mayne-Reid et Gabriel Ferry ont si admirablement décrites avant lui. Sa manière, tout inhabile qu’elle est, a parfois quelque chose de sauvage qui fait oublier volontiers que M. Gustave Aymard n’est qu’un reflet éloigné des écrivains qui l’ont précédé dans cette carrière, où l’imprévu et le pittoresque offrent tant de ressources au romancier. » (article « Aymard », p.1103 du premier volume).

[22] Voir la post-face des Trappeurs de l’Arkansas dans laquelle le narrateur est appelé « don Gustavio » par un des personnages du récit (p.213). Cette lecture biographique des oeuvres de l’auteur a d’ailleurs permis à Jean Bastaire de reconstituer la vie d’Aimard (Cf. Sur la piste de Gustave Aimard, trappeur quarante-huitard, op. cit.).

[23] Cf. l’inventaire de la bibliothèque de Brive en 1872 établi par Alain Corbin, dans lequel Aimard figure en cinquième place des romanciers les plus représentés après Dumas, Erckmann-Chatrian, Mayne-Reid et Jules Verne (cité par Sylvain Venayre dans la Gloire de l’aventure, op. cit., p.42). Profitant de leur popularité, les éditeurs ont publié les romans d’Aimard jusqu’à la seconde Guerre Mondiale.

[24] Flaubert le fait figurer dans l’Album de la marquise, pour ce sommet du lyrisme indien version Aimard: « Lorsqu’il m’était permis de la voir, la peau dont mon cœur est couvert s’enlevait subitement et les paroles que soufflaient ma poitrine étaient inspirées par le Wacondah. » (l’Album de la marquise dans l’édition Folio de Bouvard et Pécuchet, Gallimard, Paris, 1999, pp. 482-483).

[25] Avec les Aventures prodigieuses de Tartarin de Tarascon (1872), c’est un regard à la fois goguenard et nostalgique que porte Alphonse Daudet sur les romans d’aventure de sa jeunesse. Et si « l’intrépide, le grand, l’incomparable Tartarin de Tarascon » est un lecteur d’Aimard et de Fenimore Cooper, c’est que leurs récits ont constitué l’univers romanesque de bon nombre d’adolescents en manque de voyages et d’aventures.

[26] Jean Bastaire, op. cit., pp.124-125.

[27] Réunis ici sur le même plan, les périples vers l’un ou l’autre de ces deux extrêmes géographiques répondent à une même logique initiale sans que toutefois s’en dégagent les mêmes enjeux. 

 

Mémoire de lettres modernes d'Emmanuel Dubosq.