Jean d’Agraives (de son vrai nom Frédéric Causse) a été l’un des grands écrivains de la Bibliothèque Verte d’Hachette. S’il n’a pas publié que des livres pour la jeunesse (on lui doit aussi divers roman populaires, ainsi que des ciné-romans, comme Vent debout ou Scaramouche - qui lui vaudra un conflit avec l'auteur du roman original, Rafael Sabatini), c’est dans ce domaine qu’il a connu le plus grand succès. En cela, il se veut l’héritier de son père, Charles Causse, qui avait connu son heure de gloire en littérature de jeunesse en publiant, sous le pseudonyme de Pierre Maël, des romans écrits en collaboration avec Charles Vincent.
C’est d’ailleurs sous le nom de Fred Maël que Jean d’Agraives publie en 1916 son premier roman, L’Ile qui parle. Sous la pression des héritiers de Charles Vincent, il doit cependant y renoncer, et il opte pour le nom de Jean d’Agraives. C’est sous ce nom qu’il va publier une cinquantaine de romans, avec un succès non démenti, jusqu’à sa mort en 1951, atteignant pour certains de ses livres des tirages cumulés de près de 180.000 exemplaires. A partir de 1941, l’activité de l’auteur dans le domaine de la littérature de jeunesse s’est étendue à l’édition, avec la création successive de Colbert, puis des Deux Sirènes, qui publieront l’un comme l’autre un grand nombre de romans d'aventures et des récits maritimes.
Largement tournées vers le roman d'aventures géographiques et le récit d’aventures maritimes, les œuvres de Jean d’Agraives exaltent généralement les vertus de la France coloniale, que ce soit à travers le portrait de vaillants marins ou de serviteurs de la Nation. Nombreux sont ses récits qui vont emprunter, même de façon lointaine, à l’histoire militaire ou coloniale du pays (Le Maître du simoun, La gloire sous les voiles), et les récits d’imagination eux-mêmes savent emprunter parfois à ces pages héroïques, comme le curieux Aviateur de Bonaparte, qui permet la victoire de l’Empire en Italie grâce à l’invention d’un aéroplane. C’est d’ailleurs la période bonapartiste qui paraît avoir le plus clairement attiré l’auteur, qui ne cache pas une fascination pour l’Empereur (La frégate de l’Empereur, L’espionne de Nelson). Dans les œuvres privilégiant un cadre contemporain, l’aventure évoque les exploits des français dans le monde (La Cité des sables, Le Maître-coq du Kamchatka) ou se concentre sur les menaces venues de l’extérieur, avec une germanophobie significative de l’époque, et une prédilection pour le motif du « péril jaune », autre serpent de mer de la littérature populaire depuis le début du siècle, dans des œuvres souvent teintées d’anticipation (Le Sorcier de la mer, Le dernier pirate, L’Empire des algues). Face à ces multiples dangers, les héros de Jean d’Agraives, de braves marins ou des officiers de l’armée, presque tous Bretons comme l’auteur, représentent des modèles de courage et d’abnégation.
On le voit, l’œuvre de Jean d’Agraives est une illustration de cette littérature pour garçon qui a fleuri dans l’entre-deux guerres, et qui paraît vouée à préparer les plus jeunes à devenir les serviteurs de la Nation et de l’Empire. Comme c’est souvent le cas à l’époque, elle oscille entre une exaltation de la puissance de la France, et le sentiment diffus que cette puissance est menacée : les grandes heures de conquêtes sont reléguées dans un passé héroïque, tandis que le présent paraît déjà plein de dangers. C’est ce qui explique également que les motifs de l’aventure géographique traditionnelle tendent à être concurrencés par d’autres thématiques, celle du récit d’espionnage (Les portes du monde) ou de l’anticipation (Le virus 34) : le monde est entièrement balisé, les pays lointains ne sont plus des terres vierges à coloniser, mais des espaces peuplés, avec leurs opposants au régime français, prêts à l’affronter par les armes. Le monde n’est déjà plus celui Jean d’Agraives meurt en 1951. Au moment de sa mort, ses œuvres connaissent encore un grand succès, mais l’Histoire, (Dien Bien Phu et la guerre d’Indochine…) va rapidement balayer le monde et les valeurs qui étaient les siens.
- Jean-Paul Bouchon, Pierre Maël et l’affaire Pierre Maël, Poitiers, Paréiasaure Théromorphe, 1996.
- Bernard Le Nail, « Un grand romancier populaire d’origine bretonne, Jean d’Agraives (1892-1951) », Bulletin et mémoires de la société polymathique du Morbihan, tome CXXVII, 2001.
- Jacqueline et Bernard Le Nail, Dictionnaire des auteurs de jeunesse de Bretagne, Gourin, Keltia Graphic, 2001
Principales œuvres de l'auteur.
Les œuvres de Jean d'Agraives (publiées sous ce nom ou sous l'un ou l'autre de ses autres pseudonymes: Fred Maël, Fred Causse-Maël, Midship, J. d'Agrèves...) est top abondante pour que nous en donnions tous les titres. Nous ne donnons donc que les références des œuvres les plus fameuses. Pour une bibliographie très complète, on peut cependant se reporter à la bibliographie que proposent Bernard Le Nail et Jean-Luc Buard dans Le Rocambole, n° 18, "Aspects du roman d'aventures", printemps 2002.
1924. La cité des sables, Gedalge, puis Hachette, 1926.
1925. Le Maître du Simoun, Hachette, puis Colbert, 1943.
1925. Scaramouche, Baudinière.
1926. Le château du reliquaire, Gedalge.
1926. L’aviateur de Bonaparte, Hachette (en fascicules puis en volumes).
1927. Le sorcier de la mer, Hachette.
1927. Le dernier faune, Renaissance du Livre, puis Colbert, 1944.
1928. Mirage d’Asie, Hachette.
1928. La croisière de l’Argonaute, Hachette ; réédité sous le titre Le sillage pourpre, Fayard, 1930 et sous celui d’Un cargo dans la nuit, Hachette 1935.
1928. La princesse aux dragons verts, Hachette.
1929. Le Rayon Svastika, Fayard.
1929. Le filleul de La Perouse, Hachette.
1930. Le Virus 34, Editions Cosmopolites, puis Hachette 1936.
1930. Le trois mats fantôme, Editions Cosmopolites, puis Hachette, 1936.
1930. L’énigme du pastel, Hachette.
1931. Le sorcier jaune, Berger-Levrault ; réédité sous le titre Du sang sur l’étrave, Fayard, 1939.
1931. La frégate de l’empereur, Hachette.
1932. Le maître-coq du Kamtchatka, Plon, puis Hachette 1936
1932. Le tueur de navires, Berger-Levrault, puis Fayard, 1937.
1932. Le petit roi du lac, Nathan.
1932. L’ancre sous les ailes, Berger-Levrault ; puis Hachette, 1938.
1933. La gloire sous les voiles, Berger-Levrault ; puis Hachette, 1938.
1934. Les deux sirènes, Berger-Levrault.
1934. Le fléau de Neptune (suite du précédent), Berger-Levrault.
1935. La sirène des îles d’or, Fayard.
1935. Les frères de la côte (suite du précédent), Fayard.
1936. La gitane du roi, Fayard.
1936. Dague contre épée (suite du précédent), Fayard.
1936. L’espionne de Nelson, Hachette ; réédité sous le titre Le cimeterre de Tamerlan, Deux Sirènes, 1947.
1937. L’avion perdu, Fayard.
1937. La mer en feu (suite du précédent), Fayard.
1937. Empreinte sur la vase, Hachette.
1941. La maison des sept sirènes, Colbert.
1942. Le jardin au clair de lune, Colbert.
1944. Le toubib aux yeux clairs, Colbert.
1948. La marque d’Atllila, Deux Sirènes.
1949. Monsieur de Saint-Tropez, France-Empire.
1949. Les roses de Chiraz, A La Belle Hélène.
Où trouver les œuvres de l'auteur?
Jean d'Agraives, qui a fait les beaux jours de la Bibliothèque Verte et des autres collections d'Hachette n'est plus édité aujourd'hui. On trouve cependant assez facilement ses principaux romans chez les bouquinistes.
On trouvera quelques uns de ses ouvrages chez l'un ou l'autre des bouquinistes spécialisés dans la littérature populaire évoqués sur la page d'adresses.
Dans le cas d'une recherche d'un ouvrage particulier, le plus simple est de tenter une recherche sur abebooks.fr, principal fournisseur de livres d'occasion.