Troisième partie : Idéologie, roman et altérité chez Gustave Aimard

3.1. Une vision tronquée du monde indien

3.2. Le dépérissement d’un imaginaire

 

3.2. Le dépérissement d’un imaginaire

3.2.1. La fin d’un genre

3.2.2. L’Indien et la colonisation : du recul à la soumission

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3.2.        Le dépérissement d’un imaginaire

 

 

Des Trappeurs de l’Arkansas (1858) aux Bandits de l’Arizona (1881), Gustave Aimard n’a semble-t-il jamais quitté l’Amérique, ni les héros trappeurs qui ont peuplé ses récits. Or, il va sans dire qu’entre la fin des années 1850 et le début de la décennie 1880, les données historiques et culturelles ont évolué, tout comme le goût des lecteurs. Entre le premier succès littéraire d’Aimard et le dernier quart du XIXème siècle, de nouveaux auteurs sont apparus dans le milieu florissant de l’édition populaire, transportant la littérature d’aventures vers d’autres lieux et d’autres préoccupations. [1] Ainsi, vers 1880, la Frontière américaine ne semble plus être le seul espace à focaliser l’attention d’un lectorat en quête de nouveautés. De plus, la disparition de la Frontière relègue progressivement l’Ouest au rang de passé mythique : les manifestations folkloriques, preuve de cette relégation, tendent alors à effacer la réalité historique de cette période de l’histoire américaine.[2]

Face à ce phénomène, Aimard ne peut qu’adapter son discours aux changements historiques survenus durant la seconde moitié du XIXème siècle : le roman de trappeur, genre né avec Fenimore Cooper, ne peut survivre à la disparition de la Frontière. De même, l’Indien, sur la voie de la défaite[3], ne peut plus figurer aussi nettement la menace qui autrefois pesait sur la Prairie. Le roman de l’Ouest subit donc des inflexions et des changements qui annonceront un autre type de récit, le western.

 

 

 

3.2.1. La fin d’un genre

 

Lorsqu’en 1881 paraît Les Bandits de l’Arizona, Gustave Aimard semble être le dernier auteur pratiquant encore le roman de l’Ouest tel qu’il est né dans les années 1820 : personnages de trappeurs à la moralité irréprochable, Indiens féroces et bandits sans foi ni loi, tous sont encore présents, mais de manière sensiblement différente. Bien que la trame narrative de ce roman ne diffère que légèrement des autres oeuvres d’Aimard, on ne constate pas moins une inflexion dans un genre qui, comme le titre le laisse supposer, voit s’affirmer l’influence du roman des bas-fonds, fait de complots mystérieux, de haine indéfectible et de crimes crapuleux, dont les auteurs sont des malfrats prêts à tout pour arriver à leurs fins.

Dans Les Bandits de l’Arizona, les trappeurs, personnages caractéristiques du roman de l’Ouest, ouvrent toujours le récit.[4] Toutefois, ils n’en sont pas moins relégués au second plan et ne constituent plus les véritables héros du roman.[5] Un personnage comme Sans-Traces, héritier d’une longue tradition de trappeurs[6], s’efface ainsi devant la présence de l’aventurier français, incarné par Coulon de Villiers, largement influencé par le type du héros colonial tel qu’il se déploie dans la littérature populaire à la fin du XIXème siècle.[7] Preuve de cette mutation, le trappeur et l’aventurier ne semblent plus composer un couple efficace par leur complémentarité, puisqu’ils agissent de manière indépendante et n’entretiennent plus que des relations distendues.[8]

Ce recul du trappeur au profit de l’aventurier colonial n’est toutefois pas le seul changement opéré dans le schéma général du roman de l’Ouest : les ennemis héréditaires, incarnés originellement par les Indiens, se trouvent en effet remplacés par d’autres protagonistes tout aussi cruels, bien qu’ils ne soient plus caractérisés par leur appartenance raciale mais bien par un comportement individuel.[9] Ces personnages, bandits et hors-la-loi tout-droit sortis des bas-fonds des sociétés européennes et américaines, semblent de véritables incarnations du Mal, bien plus redoutables que les Indiens. Le portrait du Coyote est là pour le démontrer au lecteur[10]:

 

« Cet individu auquel Sans-Traces avait donné le nom de Petermann (...) était quelques chose d’impossible, d’illogique, un fantoche, un polichinelle, un casse-noisettes de Nuremberg ; il avait une toute petite tête ronde comme une pomme, des yeux gris et vairons, pas de front, des pommettes saillantes, un nez recourbé sur une bouche fendue d’une oreille à l’autre, un menton pointu et relevé vers le nez ; pas de barbe, à peine quelques cheveux d’un jaune sale venant jusqu’aux sourcils ; son buste était court, ses jambes et ses bras, d’une longueur hors de toutes proportions, lui donnaient, quand il marchait, l’apparence d’un énorme faucheux dressé sur ses pattes de derrière ; ce fantoche construit à coups de hache était d’une maigreur si invraisemblable que de quelque côté qu’on le regardât on ne le voyait jamais que de profil ; sa physionomie souriante avait une expression de bonhomie narquoise ; cependant quand il était en proie à une vive émotion, ce masque qu’il s’était fait tombait subitement, et alors ses traits prenaient une expression de scélératesse effrayante. »[11]

 

Une nouvelle fois, la difformité physique du personnage trahit une infirmité morale patente : la monstruosité apparente du Coyote[12] renvoie en effet à l’intériorité déficiente du personnage et à son incapacité compassionnelle fondamentale. Rien chez cet individu ne peut expliquer cette tendance à pratiquer le Mal [13] :

 

« Les plus terribles bandits des savanes redoutaient cet homme à cause de sa méchanceté innée, sa cruauté, sa perfidie, ses mœurs infâmes et la force herculéenne qu’il possédait et qu’il mettait au service de ses mauvaises passions ; c’était un misérable sans foi ni loi, devant lequel chacun tremblait.

On le disait natif de Stettin, chef-lieu de la Poméranie en Prusse, où il avait commis des crimes si horribles qu’il avait été condamné à une réclusion perpétuelle dans son pays.

Comment avait-il réussi à s’échapper et à passer en Amérique, on l’ignorait ! mais ce qui était certain, c’est que, après un séjour de quelques mois à peine à Washington, il avait été contraint de se réfugier au désert pour ne pas être lynché ; peine à laquelle il avait été condamné par la population exaspérée, pour avoir assassiné froidement et sans autre motif que sa férocité innée, toute une famille allemande, le père, la mère et trois enfants tout jeunes, qui avait eu pitié de sa misère et lui avait donné une généreuse hospitalité qui l’avait empêché de mourir de faim.

On l’avait surnommé le Coyote ; jamais nom n’avait été aussi bien appliqué, car c’était une hyène, un monstre. »[14]

 

Suivant le principe qui servait à caractériser l’Indien dans les premiers moments du roman de l’Ouest, Aimard naturalise les traits moraux de son personnage : si le Coyote est un être de la violence à l’état pur, cela s’explique par cette « férocité innée », c’est-à-dire originelle, native et consubstantielle au personnage.

Le Coyote remplit donc fondamentalement le rôle de repoussoir contre l’action duquel le héros doit agir pour faire triompher les valeurs du Bien, de l’ordre et de la justice. Et dans cette fonction, le bandit remplace allègrement le guerrier indien. En effet, dans Les Bandits de l’Arizona, l’Indien ne constitue plus une menace pressante pour les héros car, comme l’avoue don José, les pirates des prairies sont désormais plus à craindre que les Indiens :

 

« — Dans un pays comme celui-ci, il ne faut négliger aucunes précautions, si l’on veut conserver sa chevelure ; les rôdeurs indiens sont toujours aux aguets et savent profiter de la moindre négligence.

— D’après ce que j’ai vu il y a quelques heures, je vous croyais dans de bons termes avec ces pillards des savanes.

— Cela est vrai quant aux Indiens, mais vous oubliez les pirates et autres bandits de toute sorte qui pullulent en quête d’une proie »[15]

 

Privilégiant la lutte entre héros blancs et pirates des prairies, Les Bandits de l’Arizona sont donc le signe d’une mutation du roman de l’Ouest. Le genre voit en effet s’effacer un à un les personnages qui l’ont autrefois peuplé : signe d’une lassitude de la part du public ou conséquence de la disparition de la Frontière[16], le trappeur est devenu un personnage secondaire qui, bien qu’il apporte une aide précieuse aux héros, n’a plus la dimension héroïque d’un Balle-Franche ou d’un Coeur-Loyal ; de même, l’Indien n’est plus l’adversaire tant redouté pour sa ruse et sa cruauté, car il est remplacé par un autre personnage archétypal, le bandit, emprunté au genre des mystères urbains.[17]

Parallèlement à cette dislocation du genre, le lecteur assiste à une résurgence des thématiques issues du mélodrame, car derrière la lutte entre les bandits et les Sandoval, se cache un autre enjeu, familial celui-ci[18] : sous les traits de l’Urubu, le compagnon du Coyote, se dissimule en effet un certain Gaspard de Mauvers, qui n’est autre que le cousin effroyablement jaloux du général Coulon de Villiers, prêt à faire payer ce dernier pour tous les malheurs et toutes les frustrations qu’il lui a causés.[19] Reprise du thème des frères ennemis[20], cette rencontre tend à intensifier l’intrigue assez simpliste des Bandits de l’Arizona[21], en greffant sur les événements principaux des épisodes mélodramatiques générateurs d'émotions chez le lecteur.[22]

 

En perdant les héros originels du roman de l’Ouest, Les Bandits de l’Arizona semble donc abandonner une partie de ce qui a fait l’identité et l’unité du genre. Au début des années 1880, la littérature de l’Ouest semble en pleine mutation. En effet, un autre type de récit, que nous qualifions, après les films d’Hollywood, de roman-western, semble être en germes dans des oeuvres comme Les Bandits de l’Arizona : la lutte entre bandits et héros blancs, incarnés par la suite par le cow-boy, est déjà en place dans le récit de Gustave Aimard ; de même, les Indiens jouent déjà un rôle plus ou moins secondaire dans l’action.[23] L’’imaginaire du roman de l’Ouest meurt donc au grand profit de celui du western, davantage axé sur la lutte entre hommes blancs et la mise en scène de types.  

 

 

3.2.2. L’Indien et la colonisation : du recul à la soumission

 

Nous avons déjà eu l’occasion de dire que le conflit racial opposant l’Indien à l’homme blanc est progressivement évacué de l’œuvre de Gustave Aimard. Constatant ce fait, il nous faut dorénavant essayer de comprendre les modalités de ce recul de l’Indien.

Il semble qu’à partir de la fin des années 1870, il soit de plus difficile d’ancrer la représentation de l’Indien dans une réalité qui lui est de plus en plus réfractaire. À cette époque, nul n’ignore en effet que l’Indien est sur le point de disparaître du continent américain et que le processus de colonisation du territoire bat son plein.[24] Gustave Aimard choisit tout de même de faire figurer les Indiens dans ses derniers romans, car ils font partie intégrante de l’imaginaire de l’Ouest. Toutefois, si ses héros persistent à décrire les Comanches comme les seuls « véritables rois du désert », il ne semble faire aucun doute que ce discours n’est plus cohérent, non seulement avec la réalité, mais également avec les faits mis en scène dans le roman.

Des Trappeurs de l’Arkansas aux Bandits de l’Arizona, les Indiens semblent en effet avoir radicalement changé de position : d’une situation dominante, de celles qui permettent de s’opposer par les armes au colonisateur[25], les Indiens se voient en effet attribuer un rôle subalterne dans la dernière oeuvre d’Aimard. Ce recul de l’Indien, déjà manifeste dans L’Éclaireur au travers de la figure de l’Aigle-Volant, compagnon dévoué aux Blancs[26], se radicalise dans Les Bandits de l’Arizona avec la soumission des Comanches à la famille Sandoval, censée descendre directement des empereurs incas et incarnant pour cette raison une véritable aristocratie mexicaine.[27]

Les liens entretenus par les Sandoval avec les Comanches semblent pourtant répondre au principe de réciprocité : les Indiens servent de garde rapprochée tandis que les Sandoval leur offrent protection dans leur citadelle. Cependant, la résolution de l’intrigue laisse percevoir une ambiguïté dans les rapports entre les Indiens et cette élite civilisée.

En effet, pour pouvoir attirer l’Urubu et ses hommes vers un guet-apens dressé dans la ville indienne, don José de Sandoval se fait passer pour un Indien auprès des bandits. Révélant cette supercherie après le récit de la bataille opposant bandits et Comanches, le narrateur feint d’avoir oublié ce détail pour ménager un effet de surprise chez le lecteur :

 

« Nous avons oublié de mentionner un fait d’une importance relativement assez grande. Don Estevan et son frère don José, quand ils habitaient leur résidence de l’Arizona, avaient contracté l’habitude de porter le costume et les peintures des Peaux-Rouges.

Cette mesure, essentiellement politique, flattait beaucoup les Indiens et donnait une grande influence aux fils de don Agostin sur les Comanches, en leur prouvant que les descendants des Incas, dont quelques gouttes de sang coulaient dans leurs veines, ne dédaignaient pas les coutumes de leurs pères.

Les deux hommes en étaient arrivés à s’identifier si bien avec ce costume qu’il était impossible de soupçonner un déguisement, ce qui augmentait leur prestige et rendait les Indiens fiers de leurs chefs, que du reste ils adoraient. »[28]

 

À mots couverts, le narrateur avoue donc que les Sandoval ne peuvent pas être considérés comme de véritables Indiens (seules quelques gouttes de sang inca coulent dans leurs veines). De même, l’adoption du costume indien par les frères Sandoval semble plus proche de la démagogie que d’une véritable adhésion à un autre mode de vie.[29] Mais ceci ne semble point troubler le narrateur. Don José ne cache d’ailleurs pas cette relation basée sur le mépris de la race indienne lorsqu’il parle des Apaches : « ces démons adorent ma famille, je n’ai rien à redouter d’eux, ils me sont dévoués, sur un geste, un clignement d’yeux, ils m’obéissent. »[30]

En évacuant tout conflit racial, et en le remplaçant par un affrontement d’ordre moral entre bandits et héros blancs, Aimard tend à réifier la représentation de l’Indien. La représentation de l’Indien n’étant plus véritablement un enjeu du discours, sa figuration n’en est que plus statique. Il devient ainsi cet ami respectueux et dévoué, qui ne s’oppose et ne trahit à aucun moment.[31] Qu’ils soient comanches ou apaches, les Indiens présents dans Les Bandits de l’Arizona sont donc soumis aux Sandoval, sans que cette domination soit questionnée ou remise en cause par le narrateur : la soumission indienne apparaît donc comme un fait inhérent à la nature des Peaux-Rouges. Et de ce point de vue, le narrateur, ainsi que les personnages, ne manifeste aucune mauvaise conscience devant le spectacle qu’offrent ces Apaches alcooliques venus servilement renseigner don José sur les agissements des bandits. Son triste sort ne suscitant plus l’indignation de quiconque, l’Indien du roman de l’Ouest est donc peu à peu condamné à périr (ou à se figer dans une posture, ce qui revient au même).

En ce sens, Les Bandits de l’Arizona nous semblent, plus que les autres romans de l’Ouest d’Aimard, témoigner de la disparition de l’Indien dans le discours de la littérature d’aventures et de l’effacement progressif de l’imaginaire qu’il a contribué à créer au cours du XIXème siècle.

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[1] Avec son Voyage au centre de la Terre, Jules Verne inaugure en 1863 le genre des « voyages excentriques » mêlant aventures et préoccupations scientifiques propres à la fin du XIXème siècle.

[2] Le Wild West Show de Buffalo Bill, spectacle représentant les « combats furieux entre la race sauvage et barbare et la race civilisée » (affiche du spectacle reproduite dans la Terre des Peaux-Rouges de Philippe Jacquin, Découvertes Gallimard, Paris, 1987, p.124) est une des illustrations de cette folklorisation de l’Ouest : à partir de 1883, Buffalo Bill, un ancien chasseur de bisons (engagé pour nourrir les hommes chargés de construire une voie ferrée entre l’Utah et l’Omaha, il tua plus de quatre mille bisons en dix-huit mois, cf. Claude Fohlen, les Indiens d’Amérique du Nord, Que sais-je, PUF, Paris, 1985) fait le tour de l’Europe avec une troupe composée d’Indiens condamnés à l’ennui des réserves américaines (dont le fameux chef sioux Sitting Bull, liquidé en 1890 à cause de son activisme militant), et d’animaux sauvages mis en scène dans un spectacle offrant naïvement une représentation grotesque de l’Indien.

[3] Quelques années après la mort de Gustave Aimard (1883), le massacre de trois cents Indiens, hommes, femmes et enfants dans la plaine de Wounded Knee, le 29 décembre 1890, signe définitivement la défaite des Indiens face à un État prêt à tout pour se débarrasser des ultimes soubresauts de la révolte indienne.

[4] Les romans d’Aimard commencent en effet de manière invariable et selon un rituel bien défini : la mise en scène d’un personnage-clé du récit, seul ou accompagné, devant le spectacle grandiose de la nature (cf. l’incipit des Trappeurs de l’Arkansas, de Balle-Franche et des Bandits de l’Arizona). Bien sûr, ce personnage est représentée dans une attitude typique de son mode de vie, car il faut dès les premières lignes mettre en place un univers de référence capable de mobiliser l’attention du lecteur. Dans les Bandits de l’Arizona, l’ouverture du récit se conclut par cet étrange soliloque du trappeur : « — Allons ! je suis content de moi ; je ne me suis pas trompé d’une ligne, bien que cette fois soit la première que je vienne dans cette contrée ; et il y a loin d’ici à Montréal ; voici la vallée jonchée de poteries brisées ; voici sur ma droite la casa de Mocktekuzoma, là-bas les ruines d’une ville qui a dû être riche et bien fortifiée ; et, ce qui est plus important, à l’orée de ce bois de châtaigniers, l’immense mahogani — acajou — entouré de quatre cèdres qui lui servent de gardes du corps ; donc, tout est bien et je n’ai plus qu’à attendre. » (Les Bandits de l’Arizona, p.780)

[5] S’il incarne toujours des valeurs positives, telles que le courage ou l’abnégation, le trappeur semble en effet dépassé dans ce rôle par le héros français. Ainsi Coulon de Villiers prend-il le relais des trappeurs par sa capacité à épouser une cause qui lui est de prime abord totalement étrangère : c’est en effet le hasard et l’instinct qui l’amènent à défendre les membres de la famille Sandoval au cours d’une attaque de bandits ; mais c’est son courage et sa capacité d’abnégation qui le conduisent à s’opposer aux desseins des bandits et à être blessé par ces derniers lors d’une attaque visant le rapt des femmes de la famille (cf. les Bandits de l’Arizona, p.826).

[6] Cf. Les Bandits de l’Arizona, p.781 : « il avait de qui tenir : il appartenait à une vieille famille de chasseurs tous renommés depuis plus d’un siècle et dont quelques-uns jouent des rôles importants dans plusieurs de nos précédents récits. »

[7] Afin d’être auréolé de prestige militaire (le lecteur apprendra quelques pages plus loin que Coulon de Villiers est « un des plus brillants officiers de l’armée française »), l’aventurier s’adresse en ces termes à l’ancien spahi Sidi-Muley : « Assieds-toi là près de moi, ce ne sera pas la première fois que nous serons côte à côte ; tu n’as pas oublié nos campagnes d’Afrique, hein ? » (les Bandits de l’Arizona, p.788)

[8] Dans les Bandits de l’Arizona, le trappeur est en effet remplacé dans son rôle de compagnon héroïque par un ancien soldat de l’armée française, Sidi-Muley, stéréotype du Français agité et truculent mais efficace à la tâche (cf. les Bandits de l’Arizona, p.790). Sans-Traces ne figure donc plus aux côtés du héros blanc et se voit marginalisé dans l’action romanesque : il capture le Coyote au premier chapitre du roman et réapparaît aux chapitres X et XII pour la capture de deux malfrats et la découverte du repaire des bandits. Signe de l’intégration forcée du trappeur à la société civilisée, il se voit offrir à la fin du roman une somme d’argent par Coulon de Villiers en récompense de ses services : « Le général avait pris congé de son dévoué Sans-Traces, en lui donnant cinq cents louis, une fortune pour le chasseur, et que le général avait eu toutes les peines du monde à lui faire accepter ; l’argent n’était rien pour ce brave cœur. » (les Bandits de l’Arizona, p.939)

[9] Un déterminisme racial est toutefois encore présent chez un personnage tel que le Coyote, puisque sa nationalité allemande le désigne tout naturellement pour figurer un personnage extrêmement laid et cruel à outrance. Ceci doit toutefois être mis au compte d’un nationalisme revanchard dont le patriote Aimard semble avoir des difficultés à se départir (n’oublions pas en effet que la défaite française de 1870 contre l’Allemagne de Bismarck et l’annexion de l’Alsace-Lorraine qui en fut la conséquence a nourri jusqu’à la seconde Guerre Mondiale un courant violemment nationaliste et belliqueux dans l’opinion française).

[10] Situé dans le premier chapitre du roman, ce portrait fait suite à la capture du bandit par Sans-Traces, venu l’attaquer par surprise.

[11] Les Bandits de l’Arizona, p.784.

[12] Sa « toute petite tête ronde comme une pomme », son absence de front et la petitesse de son buste mise en rapport avec la « longueur hors de toutes proportions » de ses membres suffisent à donner au Coyote une allure inhumaine et le l’apparentent davantage au singe qu’aux individus de race européenne.

[13] Le spectre fantasmatique du Juif violent et transgresseur de la morale ne semble pas éloigné de l’esprit d’Aimard lorsqu’il décrit le Coyote : « des pommettes saillantes, un nez recourbé sur une bouche fendue d’une oreille à l’autre, un menton pointu et relevé vers le nez » sont en effet, dans l’iconographie populaire, les traits physiques ordinairement attribués à l’archétype du Juif.

[14] Les Bandits de l’Arizona, p.784.

[15] Les Bandits de l’Arizona, p.931.

[16] Ajoutons une troisième explication : l’émergence de nouveaux personnages, tels le héros colonial, plus en phase avec l’impérialisme dominateur et arrogant des grandes puissances européennes que les trappeurs métis du XVIIIème siècle.

[17] Il est d’ailleurs significatif de voir que dans les romans du type des « mystères urbains » ces personnages, véritables aventuriers des villes au service du Mal, prennent les dénominations d’ « Apaches » ou de « Mohicans » (cf. Gustave Aimard, Les Peaux-Rouges de Paris, publication posthume en 1888 chez Dentu).

[18] Les thèmes issus du mélodrame (tels que les retrouvailles familiales après maintes péripéties ou l’amour d’un homme pour une femme qui se refuse) étaient déjà présents dans une oeuvre comme les Trappeurs de l’Arkansas. Toutefois, ils semblent faire leur réapparition dans Les Bandits de l’Arizona.

[19] Cf. les Bandits de l’Arizona, p.931.

[20] Gaspard de Mauvers voue en effet une haine indéfectible à son cousin, qu’il accuse de lui barrer la route à chaque nouvelle entreprise de sa part. Cette haine l’a d’ailleurs conduit à se bannir lui-même de la société, après des activités frauduleuses exécutées de concert avec le Coyote et qui avaient pour objet la concession familiale en Arizona. Ancien capitaine déserteur de l’armée française, Gaspard de Mauvers incarne parfaitement le type du bandit qui agit par haine de l’autre et non pour lui-même.

[21] L’intrigue principale du roman pourrait en effet se résumer à ceci : la tentative de rapt des femmes de la famille Sandoval par l’Urubu et leur libération, prévisible, par un Indien nommé l’Oiseau-de-Nuit, derrière lequel se cache en fait don José de Sandoval. Aimard accomplit tout de même l’exploit de faire tenir cette histoire sur plus de cent soixante pages...

[22] La résolution finale, l’assassinat de l’Urubu par Sidi-Muley, met fin au dilemme entre, d’un côté, les liens du sang qui unissent Coulon de Villiers à son cousin, l’empêchant de le considérer comme un vulgaire bandit, et de l’autre, le droit de le traiter comme tout malfrat ayant commis ses méfaits au détriment d’autrui. Pourtant, si la bienveillance des Blancs obtient que le bandit ne soit pas scalpé comme ses hommes, c’est cette deuxième option que fait prévaloir Sidi-Muley, en tuant Gaspard de Mauvers d’un coup de poignard dans la nuque alors qu’il tente d’étrangler le général venu lui rendre visite. À cette résolution par la mort fait toutefois pendant la rédemption finale du Coyote, venu au cours d’une scène vibrante demander à Coulon de Villiers de protéger sa fille restée dans un couvent en Allemagne (cf. les Bandits de l’Arizona, pp. 937-938).

[23] Philippe Jacquin note que sur mille sept-cent films « western », seuls deux cents mettent en scène les Indiens (La Terre des Peaux-Rouges, op. cit., p.180). Ceci tend à prouver que dans la vision de l’Ouest qui se développe avec le western littéraire et cinématographique, l’Indien ne tient qu’une place très limitée face à l’homme blanc.

[24] L’année 1861 a ainsi vu l’achèvement de la première ligne télégraphique reliant l’est à l’ouest des États-Unis. Au cours de la décennie, le maillage du territoire américain débute également avec la première ligne ferroviaire transcontinentale.

[25] De s’opposer ou même de se ranger volontairement du côté de l’homme blanc lorsque celui-ci tente de rétablir l’ordre dans la Prairie en combattant des bandits (cf. le revirement d’attitude de la part de la Tête-d’Aigle dans Les Trappeurs de l’Arkansas).

[26] Le guerrier se plaint d’ailleurs du peu de cas que font les aventuriers blancs de lui et des volontés indiennes, en voulant se rendre dans la ville sacrée de Quiepaa-Tani (cf. l’Éclaireur, pp. 677-678). Néanmoins, cela ne l’empêchera pas de mener à bien cette expédition en conduisant le trappeur Bon-Affût au cœur même de la ville. Dans les Bandits de l’Arizona, cette tendance à considérer l’Indien comme un être discipliné et obéissant à l’égard des Blancs est flagrante (cf. p.886, les paroles échangées entre le Nuage-Bleu et don Agostin de Sandoval).

[27] Un des fils de don Agostin de Sandoval n’est rien moins que chargé d’affaires à Paris pour le gouvernement mexicain. De plus, la famille Sandoval possède plusieurs riches résidences au Mexique et un mode de vie bien proche de celui de l’aristocratie française, au grand étonnement de Coulon de Villiers.

[28] Les Bandits de l’Arizona, p.933.

[29] L’emploi du verbe « flatter » et le syntagme adjectival « essentiellement politique » ne laissent aucun doute à cet égard.

[30] Les Bandits de l’Arizona, p.802.

[31] Cf. le personnage affable incarné par le chef indien le Nuage-Bleu dans les Bandits de l’Arizona.

 

Mémoire de lettres modernes d'Emmanuel Dubosq.