Les trois héros du Coureur des jungles.

 

1837-1890

 

(Merci à Jean-Yves JOSEPH qui a rendu cette page possible).

 

Eléments biographiques

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Eléments biographiques.

Né à Charolles en 1837, mort à Saint Thibault des Vignes en 1890.

Jacolliot appartient à cet ensemble d’écrivains serviteurs de l’Empire dont les exemples les plus fameux sont à rechercher dans la tradition anglo-saxonne (avec des auteurs comme Henry Rider Haggard, John Buchan ou Rudyard Kipling). Mais son oeuvre précède de plusieurs décennies celle de ses pairs, et cela entraîne des différences sensibles dans la représentation du monde, qui rapproche également Jacolliot de la génération de Jules Verne et de G. A. Henty.

L'importance des valeurs coloniales dans l'oeuvre de Jacolliot s'explique par des spécificités biographiques. Jacolliot fut en effet président du tribunal de Chandernagor, puis de celui de Tahiti. Comme Rudyard Kipling, son séjour en Inde fut l’occasion pour Jacolliot de découvrir la culture et les populations locales et de s’en servir comme matière pour les nombreux ouvrages qu’il rédigera au cours de son existence. Il portera en particulier un grand intérêt à la culture religieuse indienne, et va écrire de nombreux ouvrages de spiritualité qui sont aujourd’hui encore cités par les amateurs d’occultisme et de mysticisme oriental, mais qui obéissent souvent à une exigence de romanesque, multipliant les anecdotes fantaisistes et sensationnelles. Ainsi, dans un ouvrage de 1884, décrit-il une séance de lévitation à laquelle il aurait assisté, et où le fakir se serait élevé plusieurs pieds au dessus du sol pendant plus de vingt minutes… Si ses écrits donnent souvent des anecdotes de seconde main, ils ont certainement participé à la découverte d’autres cultures à une époque ou les peuples colonisés étaient regardés avec mépris. D'autres textes proposent des anecdotes sur les moeurs des différentes contrées du globe. On peut citer, parmi ses essais, La bible dans l’Inde (1869), L’Olympe brahmanique (1881) et une Histoire naturelle et sociale de l’humanité (1884). On lui doit également quelques récits de voyage, parmi lesquels Voyage au pays des fakirs charmeurs (1881) ou Voyage au pays des palmiers (1884).

Une scène de bataille issue du Coureur des bois.

Mais ce n’est pas tant pour sa production d’ethnologie et de vulgarisation scientifique que Louis Jacolliot nous intéresse que pour l’usage qu’il a su faire de ses connaissances dans de nombreux romans d’aventures. On lui doit en particulier (mais la liste n’est pas exhaustive) Les mangeurs de feu (1887), Voyages aux pays mystérieux (1887), Les chasseurs d’esclaves (1888), Le coureur des jungles (1888), dont le titre rappelle étrangement celui du fameux Coureur des bois de Gabriel Ferry – comme si l’auteur voulait inventer une figure d’aventurier en Inde aussi marquante que celle des héros américains inventés par Fenimore Cooper et popularisés en France par Gabriel Ferry et Gustave Aimard (mais la personnalité du héros, franc-tireur au service de la patrie, fait également penser au « coupeur de têtes » de Louis Noir). On lui doit encore Les ravageurs de la mer (1890) et, dans un genre différent, Le crime du moulin d’Usor (1888) et L’affaire de la rue de la banque (1890 pour le tome I, 1892 pour le tome II, Le père la fouine).

Quelques romans encore ont été publiés après sa mort, tels Perdus dans l’océan (1893) ou Un policier de génie (1890)

Ses œuvres romanesques ont été publiées chez Flammarion (collection « Auteurs célèbres ») ou chez Dentu (dans diverses collections). Non rééditées depuis le début du siècle, elles sont difficiles à trouver chez les libraires. En revanche, la Bibliothèque Nationale semble posséder toutes les œuvres de Jacolliot (ce qui n’est pas le cas pour bien des auteurs de récits d’aventures).

 

Etude d’une œuvre, Le coureur des jungles

Les romans d’aventures de Jacolliot se nourrissent de ses compétences d’historien et de géographe de l’Inde pour décrire le pays avec agrément ; l’auteur se présente lui-même dans les récits comme un « historien » plutôt que comme un romancier (Le coureur des jungles I,1). Mais le discours didactique est moins importants que chez d’autres écrivains, tels Verne ou Boussenard. Jacolliot cherche moins à instruire qu’à mettre en valeur l’Empire français, et son projet semble être en grande partie politique : serviteur de l’Empire dans une région dominée par les Britanniques, il ne manque pas d’opposer la réussite française au désastre de la colonisation anglaise : en témoigne la logique narrative qui prévaut dans le récit Le coureur des jungles. Ainsi, dès le premier chapitre, nous donne-t-on une vision particulière de la situation politique et économique de l’Inde : « depuis dix ans [il] parcourait l’Inde en tous sens, révolté par la rapacité britannique qui pressurait ce beau pays par les mille formes d’exploitation qu’avaient pu inventer les marchands de la cité » (Le coureur des jungles, I, 1). Certes, cette description correspond pour l’essentiel aux positions actuelles des historiens anglo-saxons, mais elle ne sert ici qu’à exalter en contre-partie le travail des français : ainsi apprend-on dans ce même chapitre, que « les souvenirs laissés par la France dans le cœur de tous les Indous de la pointe orientale étaient tels, que, sur un signal parti de Pondichéry, tous se soulèveraient comme un seul homme et courraient sus aux habits rouges [pour défendre la France] » (I, 1). Étrange contraste entre une sévère clairvoyance dans un cas, et un tranquille aveuglement dans l’autre.

Ces remarques politiques, comme les descriptions des régions et des mœurs de l’Inde sont le plus souvent intégrées au cours du récit : ici, la « description » du comportement des colons britanniques sert d’explication aux motivations du héros, « cet

Le redoutable coureur des jungles.

 aventurier de génie [qui] rêvait de venger Dupleix et la France de toutes les trahisons des Anglais » (I, 1) ; ailleurs, elle justifie la révolte d’Indiens ou la perte d’un gouverneur. En cela, il s’agit bien en un sens d’un récit de propagande, dans la mesure où le discours idéologique fonctionne d’autant mieux qu’il est porté par la logique de la fiction, beaucoup plus insidieuse qu’une démonstration explicite. Les crimes et les massacres des Anglais deviennent des éléments de l’action : ici, il s’agit de venger les infamies commises par les Anglais sur les Français, là, il s’agit de sauver le major Campwell, abandonné par son propre pays (I, 3) ;  ailleurs, un gouverneur britannique est tenté de mitrailler la foule par pure cruauté (I, 6) ; les Anglais ont mille espions, tous plus fourbes les uns que les autres ; le vice-roi, sir John Lawrence, enfin, est un ambitieux cruel : « souverain à temps, confondant la raison d’Etat et les intérêts d’une ambition égoïste et mesquine, ni plus ni moins que ses confrères dynastiques, au point d’excuser les mesures les plus cruelles et les plus inhumaines » (IX, 1). On retrouve dans cette dernière citation les caractéristiques de ce type d’écrivains particuliers au roman d'aventures à la française : cocardier, colonialiste et républicain, comme l’étaient Louis Noir (en plus raciste) ou Alfred Assollant (en plus picaresque). Comme chez Assollant en effet, le discours est ambigu : il s’agit certes de délivrer les Indiens de la domination britannique – et le récit est donc une œuvre d’émancipation – mais il s’agit également de le faire au nom de la France (puisque le coureur des jungles est un français, serviteur de son pays) – et la conquête coloniale n’est pas loin : pour s’en convaincre, il suffit de comparer Le coureur de jungles aux romans d’Emilio Salgari, où la volonté émancipatrice, figurée par les personnages de Sandokan ou de Kammamuri, reste entre les mains des autochtones. 

Ces remarques faites, il reste à remarquer que les récits de Jacolliot sont, au niveau stylistique et narratif largement supérieurs à ceux de ses contemporains. Le discours est intégré avec art au récit et les connaissances de l’auteur trouvent naturellement leur place dans l’action (les Thugs, le fakirisme, etc.). Contrairement au cas de bien des romans exotiques français, les épisodes s’enchaînent sans qu’on ait trop l’impression de lire une rhapsodie de scènes mal rattachées entre elles. Certes, le récit abuse des effets propres à la littérature populaire : coups de théâtre, reconnaissances, et effets inspirés de la tradition frénétique du roman gothique anglais ; certes, l’auteur pratique un peu trop le style hyperbolique qui mime l’émotion au lieu de la susciter (« et quand il vit la charmante enfant […] l’implorer, les larmes aux yeux, en faveur de son père, ce fut avec tout son cœur qu’il répondit : « je vous jure que votre père vivra, dussé-je mettre le feu aux quatre coins de l’Inde pour la sauver ! » », II, 8), mais comme d’autres – Dumas, Féval père ou Zévaco – le charme opère, sans doute parce que Jacolliot, moins pressé que d’autres par des considérations financières, pouvait prendre davantage le temps de construire son récit. Le lien qu’on peut faire avec ces auteurs de romans d'aventures historiques n’est pas anodin : il y a comme chez Dumas ou Zévaco, une volonté de donner une dimension historique au récit, en mêlant à l’action des événements politiques dont la portée dépasse la seule sphère privée : les échos de la révolte des cipayes résonnent encore, comme les affrontements franco-britanniques et certains massacres coloniaux. La lutte que mène le coureur de jungles contre le mauvais gouverneur semble refléter les oppositions politiques de la France et de l’Angleterre à l’époque. Mais comme c’est le cas dans le roman d’aventures historiques, la politique semble être une affaire de passions privées, et la politique devient une affaire d’enjeux personnels et masqués, dont les sociétés secrètes sont un des témoignages (même si ici les Esprits des Eaux et les Thugs ont remplacé les Jésuites et les Francs-Maçons - preuve que les Indiens sont encore considérés comme des êtres inquiétants, oscillant entre fanatisme et cruauté).

Entre aventures débridées et discours idéologique, entre reconnaissance de l’identité d’un peuple et paternalisme, entre facilités d’écriture et efficacité du récit, ce roman de Jacolliot témoigne des ambiguïtés du roman d’aventures coloniales de l’époque.

 

Où trouver les oeuvres de l'auteur?

 

 

On trouve parfois des titres de Jacolliot sur  abebooks.fr, mais les titres sont rares (et souvent assez chers).

Parfois les librairies possèdent quelques titres (voir en particuliers les éditeurs spécialisés, référencés sur la page adresses).

On peut télécharger en mode image (faible qualité) trois romans de l'auteur sur le site de la Bibliothèque nationale: Bibliothèque Nationale de France (nécessite Acrobat Reader).

 

 

 

 

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