(1842-1912)

 

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Présentation générale.

Méconnu en France où il n'est plus édité que sporadiquement et sans l'appareil critique qu'il mériterait, Karl May est l'auteur le plus lu et le plus vendu en Allemagne, loin devant Goethe. Bien plus, on lui voue un culte qui dépasse largement celui de Dumas en France, de Rice Burroughs aux Etats-Unis ou de Salgari en Italie. Adapté continuellement au cinéma, à la télévision, en bande dessinée, et même en jeu vidéo, il connaît également, fait plus rare, de très nombreuses adaptations théâtrales encore de nos jours, et plusieurs festivals - qui tiennent du wild west show, du théâtre et du symposium western - lui sont consacrés. Plusieurs éditions complètes de ses oeuvres sont disponibles: l'édition populaire en 70 volumes, l'édition savante en 99 volumes, et l'on ne compte pas les versions simplifiées pour la jeunesse. Auteur favori d'Albert Einstein et d'Adolf Hitler, cité aussi bien par Oskar Lafontaine et le chancelier Kohl, Karl May est en réalité l'une des figures clé de la culture allemande qu'il synthétise et qu'il a contribué à construire.

La vie de Karl May appartient à la légende: né en 1842 dans une famille pauvre de neuf enfants dont quatre sont morts en bas âge, de parents tailleurs, il est aveugle jusqu'à l'âge de 5 ans. Fort intelligent, il conduit ses parents à se sacrifier pour lui permettre de mener à bien ses études d'enseignant. Mais à peine sa licence obtenue, Karl May vole la montre de son camarade de chambre, et perd tout droit d'enseigner. La suite de son existence est une lente dérive: il multiplie les fraudes et les impostures (il s'est, entre autre, fait passer pour un policier allemand pour confisquer de la prétendue fausse monnaie) et se retrouve en prison. C'est là qu'il découvre Fenimore Cooper et décide d'écrire à son tour.Sorti de prison, il commence à écrire en 1874, et connaît un succès retentissant avec le premier tome de Winnetou, qui en comprendra trois. Par la suite, il publie de très nombreux romans: une trentaine de récits de l'ouest (dont une quinzaine est centrée sur le couple de Winnetou et de Old Shatterhand), autant de récits se déroulant dans le Moyen Orient (dont les héros sont le couple, parallèle de Winnetou et de Old Shatterhand, de Hadji Alef Omar et de Kara Ben Nemsi). Très vite, il devient une sorte d'institution en Allemagne, visité par les prince et multipliant les conférences. Il s'installe à Radebeul dans la villa Shatterhand, somptueusement meublée de prétendus souvenirs de voyages. Car sans être jamais allé en Amérique (un seul voyage aux Etats-Unis en 1908), ni dans la plupart des pays qu'il décrit dans ses œuvres (un voyage en Orient en 1899), il prétendra tirer le sujet de ses récits d'expériences personnelles. Ses mensonges sont éventés et son image, un peu ternie à la fin de sa vie, sans que son succès soit pour autant démenti.

Son oeuvre lui survit aujourd'hui, même si son succès lui a fait connaître un destin étrange: après la première guerre mondiale, on multiplie les versions édulcorées de son oeuvre, supprimant les termes d'origine française, simplifiant la narration, densifiant l'action. Puis vient l'époque du nazisme, durant laquelle Hitler décide de faire de Old Shatterhand le modèle du surhomme allemand. On ajoute dans certains romans des remarques antisémites (mais les textes originaux n'en étaient pas dénués), et des fêtes enfantines sont fondées, durant le IIIè Reich, sur les aventures de Winnetou et de son ami allemand. Après-guerre, comme Salgari en Italie qui avait été trop aimé par le fascisme, Karl May connaît le purgatoire, lui qui avait pourtant inlassablement défendu la paix entre les peuples de sang différents (Winnetou et Old Shatterhand, comme Hadji Alef Omar et Kara Ben Nemsi, sont des modèles de fraternité entre les races), qui s'opposait à l'impérialisme (le yankee, dans la série des Winnetou, est toujours celui qui tente d'arracher la terre aux Indiens), et qui écrivit bien des oeuvres où il défendait la paix entre les peuples

S'il a écrit quelques 70 ouvrages, Karl May est avant tout connu pour ses récits d'Indiens, imités en grande partie de Fenimore Cooper. Il s'inscrit dans une tradition du récit de l'Ouest bien enracinée chez les écrivains allemands. Il a été précédé par Charles Sealsfield (1793-1864, auteur, trois ans après le dernier des Mohicans de Tokeah), Balduin Möllhausen (1825-1905, auteur de très nombreux romans et de récits de voyage dans l'ouest américain) ou Friedrich Gerstäcker (1816-1872, auteur des fameux Pirates du Mississippi). Mais aucun ne connaîtra ni un succès aussi durable ni une influence aussi forte sur l'imaginaire allemand que lui. Son héros le plus fameux est Winnetou, chef des Mescaleros, qui partage les aventures d'Old Shatterhand le trappeur capable de tuer un homme avec ses poings (shatterhand vient de shatter, "fracasser", et hand, la main). On retrouve ici la trace du Natty Bumpo de la série des Leather-stocking de Cooper. Comme chez cet auteur, May tient un discours ambigu sur la civilisation, semblant à la fois en condamner les outrages, et en vanter la marche inexorable. Dans le premier Winnetou, par exemple, le jeune Shatterhand travaille pour le chemin de fer (et donc pour le progrès de la civilisation), mais son initiation au wild west (orchestrée par Sam Hawkens) est identifiée au monde de la sauvagerie par un certain nombre d'épisodes clés à la signification transparente: la chasse au bison, la capture des chevaux, et surtout la fascination pour Winnetou, l'indien qui a su rester pur. Reste que Winnetou est capturé, puis délivré par les héros, et que l'amitié des deux hommes se fera sous la forme d'une allégeance de la sauvagerie à la civilisation… Plus génération, sa défense des droits des Indiens s'accompagne de l'idée de leur inexorable disparition: la grandeur de l'Indien vient de ce qu'il s'agit d'une race condamnée; et le rousseauisme de Karl May se double d'un romantisme crépusculaire: n'a-t-il pas évoqué sa "profonde compassion pour le sort des peuplades concernées les Indiens]"? Que l'on songe encore au discours sous-jacent, y compris dans Winnetou, qui veut que la "race indienne" soit condamnée à disparaître devant la marche triomphante de la civilisation blanche plus évoluée. Ainsi, Klekih-Petra, pourtant l'allié des Indiens, affirme dans Winnetou: "la race rouge est lésée dans ses droits, mais en qualité de blanc, je sais que ses tentatives de résistance sont vouées à l'échec". Il n'y a pas lieu alors de s'étonner de ce que le destin de Winnetou confirme cet amer triomphe de la colonisation blanche: dans Winnetou III, l'Indien meurt, après s'être in extremis, converti au christianisme. Si la mort de l'Indien est l'occasion d'un lamento sur la tragédie d'une race, sa conversion insiste, a contrario, sur le triomphe des valeurs occidentales.

En ce sens, Karl May se situe dans la tradition de Fenimore Cooper, celle du premier récit de l'Ouest, qui sera condamné par la critique et le lectorat américain dès les années 1850, pour qui l'Indien apparaît progressivement comme une menace pour la survie de la jeune nation coloniale (voir les analyses de Richard Slotkin sur la question dans The Fatal Environment) Comme Fenimore Cooper, Karl May qui chante fréquemment la simplicité des sauvages (au moins certains d'entre eux: les Kiowas sont quant à eux décrits comme des voleurs, des menteurs, des lâches et des alcooliques). Ce rousseauisme se marie cependant avec l'imaginaire du roman d'aventures géographiques européen: Old Shatterhand est allemand (il s'appelle d'ailleurs Karl, comme son auteur), comme Valentin Guillois est français chez Gustave Aimard, et comme les héros de Mayne Reid sont anglais; et en luttant contre le développement des yankees assoiffés d'argent en Amérique, le coureur des bois assure aussi la prééminence d'une vieille Europe de plus en plus menacée (de telles idées seront explicitées quelques décennies plus tard par un romancier comme le Français Gustave Le Rouge). L'Amérique de Karl May est d'ailleurs largement germanique: on y trouve un moralisme et un christianisme conservateur qui s'inscrivent dans le modèle d'éducation prussienne, largement militariste, qui prévalait à l'époque. Old Shatterhand refuse ainsi d'épouser la soeur de Winnetou parce que celle-ci n'est pas baptisée (Winnetou II). De même les expressions des coureurs des bois, les "Uff, uff" et "Hough" que Karl May présente comme typiquement américaines, évoquent-elles plutôt d'autres exclamations allemandes.

 

Une édition française de Winnetou.

Ce qui explique le succès durable de Karl May, c'est peut-être ce caractère naïf de ses récits qu'il faut rechercher le charme du récit. L'Amérique qu'il campe est un espace atemporel, peuplé d'Indiens et de trappeurs stéréotypés: les Indiens sont soit des âmes nobles et courageuses, farouchement attachés à leur vie sauvage, soit des traîtres et des menteurs (vision stéréotypée duelle qui perdure aujourd'hui encore dans le western cinématographique). L'Amérique qu'il dépeint est un espace iconique, échafaudé à partir de la lecture de Fenimore Cooper et de ses épigones, et indifférente à l'espace réel. Les récits de l'auteur tentent moins de rendre la réalité du monde qu'ils dépeignent qu'une image idéale de ce pays, un espace de liberté très éloigné de l'Allemagne répressive de l'époque. Avec Karl May, comme avec son homologue français Gustave Aimard, le roman d'aventures atteint les limites du romance: seule compte l'imagination du lecteur et le plaisir d'évoluer dans de vastes espaces fantasmatiques; le réalisme des situations devient presque négligeable, au risque de perdre tout vraisemblable…

(Sur les problèmes du vraisemblable et du réalisme dans le roman d'aventures, voir l'analyse de la place du roman d'aventures dans la littérature).

 Mais si les récits de Karl May ont des intrigues simplistes et manichéennes, toujours construite sur le même schéma de poursuite des méchants par Old Shatterhand, rapidement rejoint par Winnetou, si son style tend parfois à la rhapsodie d'épisodes, il n'en reste pas moins que cet auteur a joué un rôle (bien plus que Gustave Aimard) dans la constitution du western comme genre à part entière en précisant les caractéristiques d'un certain nombre de thèmes clés: la figure du trappeur et du cow boy qui refusent la civilisation est épurée (avec le développement d'un vocabulaire et d'un profil "psychologique" spécifiques), le thème de la marche du progrès est accentué, et le motif de la loi de l'Ouest (les règles du duels, la conception originale du Bien, du Mal et de la légalité-légitimité) est précisé. Certes, nombre de ces éléments sont déjà chez Fenimore Cooper, mais en comprenant que ce sont eux plus que d'autres thèmes qui font la spécificité et le charme du genre, Karl May a participé à cette distinction progressive qui se fera entre le western et le reste du roman d'aventures, et que le cinéma consacrera au début du XXème siècle. Bien plus, les spécialistes du cinéma populaire européen ont pu montrer que la série des Winnetou, et ses nombreuses adaptations cinématographiques a joué un rôle fondamental dans l'invention du western spaghetti: les acteurs et les décors sont souvent les mêmes, et c'est ici que s'invente le bricolage qui fera les beaux jours de Django et de Trinita.

Comme Emilio Salgari, mais à plus grande échelle encore, Karl May eut les honneurs de Mattel qui lui consacra six figurines "Big Jim" et une grande quantité de costumes et d'accessoires à son nom (merci au site Big Jim pour ses informations).

 

Liens vers d'autres pages.

Il existe de nombreux liens vers des sites consacrés à Karl May, preuve du succès non démenti de l'auteur. La plupart sont en allemand. Parmi ceux-ci, on citera:

Karl May Museum: Site très complet, en allemand.

Karl May And Co : journal (en allemand) consacré à l'auteur.

Association Karl May : cette page possède quelques informations en anglais, ainsi que plusieurs traductions d'œuvres dans cette langue.

 

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