Emilio Salgari et Luigi Motta

 

 

 

1881-1955

 

Présentation.

Principales œuvres en français.

Bibliographie critique.

Liens.

Où trouver les œuvres de Motta?

Autres auteurs italiens.

Retour à la page d'accueil.

Me contacter.

 

Présentation.

Luigi Motta est né à Vérone le 11 juillet 1881. Dans son enfance, il lit avec avidité les œuvres de Jules Verne et d’Emilio Salgari… comme tous les garçons de son temps dirait-on, mais chez Luigi Motta, ce n’est pas anodin, car ses récits se situeront au croisement de l’imaginaire des deux œuvres. On retrouve en effet chez lui le goût pour l’anticipation de Jules Verne, ainsi que l’univers du roman d'aventures coloniales qu’il a initié et que ses imitateurs (Louis Boussenard, Paul d’Ivoi) ont développé. Mais il est bien souvent associé à l’univers des pirates indo-malais chers à Emilio Salgari.

Comme son maître italien, Luigi Motta tente de devenir capitaine au long cours et, comme lui, il échoue. C’est durant ses études que Motta se met à écrire, prenant explicitement l’œuvre de Jules Verne comme modèle de ses récits. Sa première œuvre, I Flagellatori dell’Oceano (Gènes, Donath, 1901), se ressent fortement de l’influence du français : la science et les techniques modernes tiennent une place considérable dans l’intrigue et vulgarisations et discours éducatifs se rencontrent fréquemment. Mais ces traits n’étaient pas absents de nombreuses œuvres d’Emilio Salgari. L’œuvre est d’ailleurs éditée avec une présentation d’Emilio Salgari, pour la plus grade joie du jeune écrivain.

Viennent d’autres romans, qui donnent une place plus considérable encore à l’intrigue scientifique : c’est le cas d’Il Raggio Naufragatore (1903) ou, plus tard, de L’onda turbinosa (1908, traduit en français chez Delagrave sous le titre de L’eau tournoyante), de La principessa delle Rose (1911, La princesse des roses, Delagrave), Il vascello aereo (1913). C’est radicaliser le projet scientifique et positiviste de Verne. De cet écrivain, c’est surtout l’imaginaire de machines que retient Luigi Motta, comme en témoigne la dédicace à Verne d’Il raggio naufragatore dans laquelle Luigi Motta écrit : « l’Arte Vostra ma ha lungamente allietato e aperto sconfinati orizzonti. Le immagini di Nemo, di Sandorf, di Robur e degli altri eroi, cui la vostra penna infuse vita eterna e rigogliosa ». Les personnages qu’il cite sont avant tout des ingénieurs et des inventeurs de machines prométhéennes, celles-là mêmes que l’on retrouvera chez Luigi Motta (rayon de mort, formidables véhicules volants ou tunnels sous-marins). En ce sens, moins qu’à Verne, c’est à ses épigones plus fantastiques que fait penser Motta : Paul d’Ivoi, le capitaine Danrit ou même, pour les œuvres plus tardives, Jean de La Hire et Gustave Le Rouge se présentent à l’esprit du lecteur. Plus tard dans sa carrière, Luigi Motta va encore proposer des récits d’aventures futuristes, comme I giganti dell’infinito (1930), roman de guerre futuriste comme en proposaient à l’époque le capitaine Danrit (La guerre de demain) ou Pierre Giffard (La guerre infernale), dans lequel se constitue une terrible flotte de 150 machines de guerre aériennes.

De telles œuvres ont conduit les critiques italiens à présenter fréquemment Luigi Motta comme l’un des pères de la science-fiction italienne. En réalité, il s’inscrit dans une tradition à la fois plus large et plus ancienne, celle des romans de machines et de voyages extraordinaires, dont les illustrations les plus fameuses sont celles, en France, de Jules Verne (20.000 lieues sous les mers, Robur le conquérant) et de Paul d’Ivoi (Le corsaire Triplex, Le docteur Mystère). En Italie, Emilio Salgari avait déjà publié des œuvres dans cet esprit, comme La montagna d’oro ou le cycle de l’air ; Yambo a été un autre de ces précurseurs de la science-fiction italienne, dans un esprit cette fois plus proche de Robida (Gli eroi del Gladiator, 1900) ; Ulisse Grifoni enfin a proposé à l’époque bien des œuvres dans l’esprit de celles de Jules Verne (Il giro del mondo in trenta giorni, 1899).

D’autres œuvres cependant s’inscrivent plus nettement dans la tradition d’Emilio Salgari, à qui Luigi Motta avait dédié son premier roman. Déjà, I misteri del Mare Indiano (1903, suite d’I Flagellatori dell’oceano) rappelait par bien des points l’univers indo-malais. Par la suite, des romans comme Il dominatore della Malesia (1909, Le dominateur de la Malaisie, Delagrave) ou Le Tigri del Gange (1931, Tigres du Gange, O.D.E.J.) s’inspirent plus nettement encore de l’univers et de l’imaginaire de l’Italien. Dans d’autres œuvres, Luigi Motta revendique franchement sa filiation avec Salgari, allant jusqu’à abuser de ce nom fameux, puisqu’il publie de nombreux romans sous la double signature d’Emilio Salgari et Luigi Motta, prétendant écrire sur une trame laissée par l’Italien après sa mort, alors qu’il n’en est rien. Il propose ainsi coup sur coup une série de récits prolongeant les intrigues du cycle indo-malais et en reprenant les personnages : La Tigre della Malesia (1927), Lo Scettro di Sandokan (1928), La Gloria di Yanez (1929) et Addio Mompracem (1929), dans lequel Luigi Motta imagine la mort de Sandokan et l’anéantissement de Mompracem. Cette dernière œuvre a connu un ultime et surprenant prolongement, puisqu’elle a donné lieu à une réécriture malicieuse dans un roman récent de Paco Ignacio Taibo II, A Quatre mains. Outre ces quatre œuvres, Luigi Motta écrit d’autres romans prétendument en collaboration avec Emilio Salgari : Il naufragio della Meduse (1928, traduit en français chez Ferenczi sous le titre du Radeau de la Méduse) ou encore, beaucoup plus tard, Sandokan il Rajah della jungla nera (1950). Si ces récits ne possèdent pas le souffle de ceux de Salgari, ils n’apparaissent pas tous comme de simples palimpsestes. La première série des quatre nouvelles aventures des Tigres en particulier propose une relecture du cycle en présentant des héros déchus, épuisés : Sandokan et Yanez ont vieilli, et leurs cheveux ont blanchi. Yanez en particulier est devenu obèse, et son humour pince-sans-rire est devenu plus gras, se traduisant par moult chamailleries avec son ami Van Horn : de personnage distant et ironique, Yanez est devenu grotesque, source de quolibets de ses amis. Quant à Sandokan, voyant Mompracem prête à tomber entre les mains de ses ennemis, il préfère se faire sauter avec l’île. Cette version de l’œuvre, en présentant une version dégradée des héros inverse certes le mythe en farce, mais en agissant de la sorte, elle s’inscrit dans une vision du monde qui n’est pas si éloignée du pessimisme héroïque d’Emilio Salgari où se mêle constamment des images de grandeur et de déclin.

Sous la double influence du roman d'aventures coloniales à la française et d’Emilio Salgari, les œuvres de Motta se succèdent à un rythme effréné, privilégiant largement les thèmes du roman d’aventures géographiques popularisés à l’époque par les écrivains français du Journal des voyages : Paul d’Ivoi, Henry Leturque, Louis Boussenard… Luigi Motta entretient avec ce dernier des relations très amicales, au point de le faire figurer dans une des nouvelles d’Il devastatore della jungla et de voir l’un de ses romans, L’oceano di fuoco, préfacé par lui. Dans ce bref texte introductif, Louis Boussenard n’hésite fait part de sa grande passion pour l’œuvre de l’Italien, qu’il compare à Mayne Reid et Fenimore Cooper, et qu’il présente, de façon abusive comme le « capitaine Motta », entretenant la légende des écrivains voyageurs italiens. Comme Louis Boussenard, Luigi Motta mêle étrangement le ton du récit pour la jeunesse avec une véritable fascination pour la violence et les scènes d'horreur frénétique. Les cadavres et squelettes sont nombreux dans ses oeuvres, comme les scènes de torture ou de massacre. C'est qu'il paraît conserver encore, en plein vingtième siècle, une part de l'imaginaire gothique et feuilletonesque qui a fait les beaux jours du roman populaire du premier dix-neuvième siècle: on ne compte pas chez lui les passages secrets, documents mystérieux, conspirations et empoisonnements, comme si l'espace exotique devait retrouver dans son paysage l'écho des anciens mystères urbains. En réalité, s'ils prennent presque toujours la forme du roman d'aventures géographiques, les romans de Luigi Motta empruntent également à tout le prisme stylistique et thématique du fantastique. Preuve de son intérêt pour cet autre genre, il a dirigé à partir de 1907 une collection de récits fantastiques, la Biblioteca fantastica dei giovani italiani.

C’est surtout dans ses romans prenant pour cadre l’Afrique que l’influence du Journal des voyages se ressent. Mais les romans asiatiques eux-mêmes voient l’ascendant de Salgari pondéré par celui du roman d’aventures coloniales à la française. Ses œuvres sont d’ailleurs largement traduites en français par l’éditeur Tallandier, qui propose également à la même époque les récits des grands auteurs du Journal des voyages. Ainsi, Il secreto dei Re Bassutos (1903) a donné chez cet éditeur Le secret des rois Bassoutos, L’oceano di fuoco (1903) a donné L’océan de feu, Gli abandonati del Galveston (1903) devient Les abandonné du Galveston et I drammi dell’Africa Australe (1901, publié depuis sous le titre d’Un dramma nell’Africa Australe) devient Prisonniers chez les Cafres (dont la seconde partie est Dans la jungle transvaalienne). Les dates de ces ouvrages témoignent de la prolixité de l’auteur. Elle ne se démentira pas par la suite, même si le succès de l’écrivain s’essoufflera après la seconde guerre mondiale.

Si elle est influencée par le roman d’aventures géographiques et coloniales à la française, l’œuvre de Luigi Motta ne se confond cependant pas avec le nationalisme viscéral et agressif de ces récits. Certes, il abandonne généralement les personnages de rebelles à la colonisation qu’affectionnait Emilio Salgari ; mais ses héros sont généralement des étrangers, anglais (Il secreto dei Re Bassutos, I drammi dell’Africa Australe et la plupart des héros des romans se déroulant en Asie) ou espagnols (L’oceano di fuoco), rarement des italiens, preuve que dans l’imaginaire du roman d'aventures, c’est le dépaysement et le romanesque qui l’attire, pas la vision du monde qui les accompagne. Sa position s'est traduite par un statut ambigu de ses oeuvres. Elles ont connu un grand succès à l'époque du fascisme, et Luigi Motta, profitant des goûts du régime pour l'esprit d'aventure, a cherché à en tirer parti en publiant ses oeuvres. Le paratexte éditorial de ses récits tendent à souligner ses relations avec l'idéologie fasciste: exaltation de la force, de l'esprit de conquête, etc. Ils vont même jusqu'à se réclamer d'une caution officielle. Pourtant, cette adhésion paraît plus opportuniste qu'authentique. Loin des dérives nationalistes de ses contemporains français, allemands ou italiens, Luigi Motta est resté hostile aux nationalismes dans ses récits, et la nature de ses oeuvres n'est pas fondamentalement affectée par le discours politique. Il semble même que Luigi Motta ait participé, à sa mesure, aux luttes antifascistes : en 1939, il est arrêté une première fois pour avoir tenu des propos hostiles au régime; en 1945, il est emprisonné pour avoir hébergé, à partir de 1943, un officier britannique, le docteur Waw, sans doute un prisonnier évadé. Luigi Motta racontera en partie cet épisode dans un roman autobiographique resté inédit, La grande tormenta. S'il a vu son succès s'user après la seconde guerre mondiale, il a été l'une des figures majeures de la littérature populaire et enfantine italienne pendant un demi siècle. Il a joué un rôle important dans le succès du journal d'Emilio Salgari, Per terra e per mare, et a dirigé deux revues du même type: Intorno al mondo et surtout, à partir de 1906, un journal qui a connu un grand succès, L'Oceano.

 

Dans ses oeuvres, Luigi Motta privilégie l'exotisme asiatique (dans la tradition de Salgari) et africain (dans celle des romans d'aventures français et anglais); il ne néglige pas pour autant le paysage américain (La fanciulla del West, 1910, profitant sans doute de la mode de l’Ouest relancée par la grande tournée européenne de Buffalo Bill. L’écrivain publie d’ailleurs plus tard deux romans qui profitent de la popularité de l’aventurier-forain : Il figlio di Buffalo Bill et Il nemico di Buffalo Bill (1934). Le « western » est l’une des seules incursions de Luigi Motta dans le roman d’aventures historiques – si tant est que l’on puisse présenter le western comme un roman historique !

Moins originale que celle d’Emilio Salgari, l’oeuvre de Luigi Motta s’inscrit toujours dans la perspective d’autres œuvres : celles de Jules Verne, du roman colonial français ou de la première anticipation. Le ton est plaisant, les aventures bien menées, même si elles souffrent d’une écriture un peu mécanique, dans laquelle la structure épisodique commande sans grande passion à l’enchaînement des mésaventures. Là où chez Salgari, une certaine authenticité se devinait paradoxalement derrière les stéréotypes romanesques, le procédé se ressent presque toujours chez son épigone. On a d'ailleurs soupçonné Motta d'employer des nègres, citant les noms de Calogero Ciancimino (pour le cycle de Buffalo Bill), de Beccari ou d'Emilio Moretto. Ce dernier s'est présenté en 1931 comme l'auteur véritable de la quadrilogie indo-malaise. Un procès s'en est suivi qui a donné tort à Moretto. Mais si le soupçon d'entreprise d'écriture industrielle reste, c'est que le style et les trames impersonnelles de Motta se prêtent en définitive au soupçon de l'écriture collective. Reste cependant l’imaginaire fantastique, le charme des retrouvailles avec l’univers indo-malais, et une qualité d’écriture qui fait de Luigi Motta un auteur qui se laisse lire avec plaisir, et n’a guère à rougir de la comparaison avec des contemporains qui ont souvent supporté plus difficilement que lui l’épreuve du temps. Ses premières œuvres en particulier, et même de nombreux romans jusqu’aux années 1930, restent d’un abord agréable. Elles font en tout cas de lui l’un des auteurs de romans d'aventures italiens les plus importants, et une figure marquante du roman d'aventures mondial.

Outre ces nombreux romans, Luigi Motta a connu quelques expériences malheureuses dans le domaine théâtral, et a participé à de nombreux scénarios de bandes dessinées. Il est mort en 1955, à 74 ans.

 

 

Principales oeuvres de Luigi Motta en français:

 

L’océan de feu, Paris, Tallandier, 1907.

Les hommes volants, 1909, en feuilleton dans Nos loisirs.

L’eau tournoyante, Paris, Delagrave, 1913.

Des flammes sur le Bosphore, Paris, Delagrave, 1915.

La princesse des roses, Paris, Delagrave, 1918.

Le Dominateur de la Malaisie, Paris, Delagrave, 191-.

Le naufrage de la Méduse (sous la double signature de Motta-Salgari), Paris, Ferenczi, 1926.

Les ravageurs des mers de Chine, Paris, Fernczi, 1926.

Le tunnel sous-marin, Paris, Tallandier, 1927.

Le capitaine du Samarang, Paris, Tallandier, 1927.

Le tunnel sous-marin, Paris, Tallandier, 1929.

Saydar le rebelle, Le capitaine du Samarang, Paris, Tallandier, 1927.

Fille des parias, Paris, Tallandier, 1928.

Les abandonnés du Galveston, Paris, Tallandier, 1928.

Les adorateurs du feu, Paris, Ferenczi, 1928.

Les flagellateurs de l’océan, Paris, Ferenczi, 1928.

Prisonnier chez les cafres, Paris, Tallandier, 1929.

Le secret des rois Bassoutos, Prisonnier Paris, Tallandier, 1929.

L’occident d’or, Paris, Ferenczi, 1929.

Dans la jungle transvaalienne, Paris, Tallandier, 1929 (suite du précédent).

Le trésor de Gut Moreland, Paris, Tallandier, 1932.

Epouse du soleil ? Paris, Tallandier, 1934.

Le prospecteur, Paris, Tallandier, 1935.

Tigres du Gange, Paris, O.D.E.J., 1959.

 

Bibliographie critique :

 

Cette présentation de l’œuvre de Luigi Motta doit beaucoup aux travaux de Felice Pozzo. J’espère qu’il me pardonnera mes erreurs. Pour en savoir plus sur cet écrivain italien, on peut se reporter aux articles et ouvrages suivants :

P. Azzolini : “L’avventura di Luigi Motta. Appunti per una biografia”, Bolletino della Biblioteca Civica di Verona, n° 3, automne 1997.

C. Lombardo: “Luigi Motta: un anticipatore della letteratura fantastica e scientifica italiana”, Viaggi straordinari tra spazio e tempo, sous la direction de Claudio Gallo, Vérone, Biblioteca civica di Verona, 2001.

F. Pozzo : « Luigi Motta », LG Argomenti, n°3, août-septembre 1981.

F. Pozzo: “Luigi Motta. La sua attività di romanziere sino al 1920”, Almanacco Piemontese, 1984.

F. Pozzo: Emilio Salgari e dintorni, Naples, Liguori Editore, 2000.

 

Liens internet:

 

Une biographie de Luigi Motta en italien, privilégiant les relations de l'auteur avec l'imaginaire fantastique.

Une bibliographie des oeuvres de Luigi Motta en français.

Une bibliographie des oeuvres fantastiques de Luigi Motta, en italien. Pour y accéder, tapez "Motta" dans le moteur de recherche à gauche de l'écran.

Une évocation des luttes antifascistes de Luigi Motta, en italien.

 

Où trouver les oeuvres de l'auteur?

 

 

 

Présentation.

Principales œuvres en français.

Bibliographie critique.

Autres auteurs italiens.

Retour à la page d'accueil.

Me contacter.