Mason caricaturé par Vanity Fair.

 

1865-1948

 

Éléments biographiques et bibliographiques.

Une tentative pour renouveler l’écriture romanesque.

Le roman d'aventures selon A. E. W. Mason.

Conclusion.

Bibliographie.

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Éléments biographiques et bibliographiques.

Alfred Edward Woodley Mason est aujourd’hui un peu oublié. Tout au plus parle-t-on de lui dans les histoires du roman policier comme un des précurseurs du genre ou trouve-t-on son nom dans les encyclopédies du cinéma parce qu’un des romans qu’il a écrits, The Four Feathers  a donné lieu à une belle adaptation cinématographique.

Pourtant, Mason appartient à cette génération d’auteurs qui ont tenté de créer un roman d'aventures adulte, sérieux, en conciliant dans leurs récits la forme du roman d'aventures et celle du récit psychologique. Dans cette génération, Mason tient une place de choix avec des récits de bonne facture, même si l’auteur se lance trop aisément dans des réflexions conventionnelles sur la nature humaine. Sans doute a-t-il subi l’influence de Joseph Conrad, comme en témoignent les sujets de sa nouvelle Hatteras (très inspirée de Heart of Darkness) ou des Four Feathers (qui fait un peu penser à Lord Jim). N’oublions pas que quelques années après lui, à la suite de la découverte en France de Conrad, Jacques Rivière se lançait, dans la Nouvelle Revue Française dans une défense du roman d'aventures qui jouera un grand rôle dans le monde des lettres.

 

Après des études littéraires à Oxford, Mason se tourne rapidement vers le théâtre ou il ne rencontre pas vraiment de succès, mais qui lui permet de rentrer dans les cercles littéraires de l’époque. Son premier roman, A Romance of Wastdale (1895), connaît un certain succès, aussi Mason décide-t-il de se tourner vers l’écriture.Il multiplie les tentatives littéraires dans des genres très différents : Miranda of the Balconny (1899), roman réaliste dans un cadre contemporain, comme Running Water (1907, traduit en Français par L’eau vive) ou Musk and Amber (1942) ; The Courtship of Morrice Buckler (1896) ou Clementina (1901), romans historiques (qui en précèdent d’autres, quelques années plus tard, Fire over England en 1936 ou Königsmark en 1942) ; et surtout The Four Feathers (1902), roman d’aventures exotiques, qui sera suivi de plusieurs autres récits du même genre (The Broken Road, 1907).

Progressivement, pourtant, Mason va se spécialiser dans le roman policier : il publiera des œuvres prenant pour héros le fameux Hannaud : At the Villa Rose (1910) The House of the Arrow (1924), The Prisoner in the Opal (1928) ou encore They Wouldn’t be Chessmen (1935) ; et encore No Other Tiger (1927) sans Hannaud.

 Enfin, on doit à Mason plusieurs pièces de théâtre : The Witness for the Defence (1911), A Present for Margate (1934) ou Blanche de Malétroit (1894) adapté de la nouvelle de Stevenson « Sire de Malétroit’s Door » (New Arabian Nights).

Si le roman d'aventures ne représente qu’une partie réduite de l’œuvre de cet écrivain, on retrouve dans la vie de Mason les traits caractéristiques de l’auteur de romans d'aventures britanniques : c’est un notable, qui a fait une carrière politique (comme John Buchan et Anthony Hope – mais avec plus de succès que ce dernier) et a été un membre du parti libéral au parlement, officier de l’armée britannique durant la première guerre mondiale (Buchan, Conan Doyle et Rider Haggard ont également travaillé pour l’armée britannique) et a participé aux Services Secrets (comme Anthony Hope ou John Buchan).

 

Une tentative pour renouveler l’écriture romanesque.

Le roman d'aventures ne représente qu’une faible partie de l’œuvre de Mason : quelques romans exotiques, des romans historiques proche de la tradition de la cape et épée. Mais ces récits eux-mêmes n’appartiennent que partiellement au genre, puisqu’ils mèlent le plus souvent à l’aventure une intrigue aventureuse.

En réalité, tous ses récits témoignent de cette même volonté d’associer les charmes du romanesque au réalisme psychologique.

Clementina, qui nous conduit d'Angleterre en Italie au XVIIIe siècle

 C’est vrai aussi bien des romans historiques (Clementina) que des romans exotiques (The Broken Road), des récits contemporains (Miranda of the Balcony) ou des romans policiers (At the Villa Rose). Cette variété romanesque n’est qu’apparente : le style de Mason, sans être original (il reprend les ficelles du réalisme psychologique), est toujours identifiable. Il reprend certains stéréotypes des genres qu’il explore (exotisme, conspirations historiques, enquêtes dédutives), en leur associant un certain nombre de traits « réalistes », qui sont en réalité eux-mêmes des procédés conventionnels : amour interdit (The Broken Road), rachat impossible de l’honneur (The Four Feather), découverte d’une faille en soi (Hatteras), etc. Dans ses récits policiers, Mason ajoute des fragments de vie, donnant de l’épaisseur non seulement à son héros Hannaud, mais aussi aux différents suspects. Avec lui, le roman cesse d’être un simple problème mathématique, un pur « whodunit ? », pour devenir plus humain.

 

Le roman d'aventures selon A. E. W. Mason.

Une image tirée de la version de 1939 des Four Feathers.

Le plus fameux des romans de Mason est sans doute The Four Feathers (Les quatre plumes blanches), qui fut porté à l’écran à sept reprises (une huitième version est en préparation), la première fois en 1915 par J. S. Dawley – mais la version la plus célèbre est celle de 1939, par Zoltan Korda).

L’intrigue des Four Feathers narre l’impossible rédemption d’Harry Feversham (fever-shame: honte fiévreuse ou honte d’une fièvre), un jeune officier britannique qui a préféré quitter l’armée plutôt que de devoir partir pour un conflit soudanien à la veille de son mariage. Ses pairs lui envoient chacun une plume blanche, symbole de sa trahison. La quatrième lui sera remise par sa fiancée elle-même. Harry est un lâche, et cela le bannît non seulement de la société de ses proches, mais de la civilisation elle-même (du moins de la civilisation aristo-militariste de l’Angleterre impérialiste). Les traits de son visage traduisent cette malédiction : « the face […] was a haggard, wistful face, a face stamped with an extraordinary misery, the face of a man cast out from among his fellows ». Désormais, Feversham n’aura qu’un but, celui de racheter cet honneur perdu et de réintégrer la société des hommes en parvenant, par la force de ses actes, à faire reprendre à chacun de ses amis et à sa fiancée elle-même la plume fatidique.

Le récit de Mason, comme les autres œuvres exotiques de cet auteur, est fondé sur une conception datée des valeurs : le courage, le patriotisme et le sentiment d’appartenir à une caste de seigneurs sont fondamentaux dans ses œuvres. A aucun moment, la mission civilisatrice de l’Angleterre n’est réellement remise en cause. Certes, Mason évoque la possibilité d’une lâcheté d’un officier britannique – évocation qui en elle-même était une hardiesse – mais c’est pour en limiter la portée : ce n’est pas sous le feu de l’ennemi que le héros perd ses moyens (même si une telle faiblesse a été évoquée dans le premier chapitre), mais chez lui, lorsqu’il s’agit d’abandonner sa nouvelle fiancée pour partir bien loin, dans une guerre coloniale ; Mason condamne sans équivoque cette lâcheté : face à un tel abandon, tous se détournent du héros comme d’un monstre ; et s’il y a faute c’est pour permettre le rachat : le héros au final sera plus courageux que jamais et incarnera la quintessence des valeurs impériales. En venant retrouver triomphalement sa bien-aimée au terme du voyage, Feversham est devenu un autre homme : « the man who stood quietly before her now was not the same man whom she had last seen in the hall of Ramelton. There had been a timidity in his manners in those days, a peculiar diffidence, a continual expectation of other men’s contempt, which had gone from him. He was now quietly self-possessed. He had put himself to a long, hard test; and he knew that he had not failed ».

Cette image, tirée de The Broken Road illustre bien la séparation qu'établissait Mason entre deux mondes, la civilisation et la sauvagerie.

Si le serviteur de l’empire peut ainsi être sûr de sa supériorité morale, c’est qu’il ne doute jamais de sa mission : la défaite de Gordon au Moyen-Orient est ainsi présentée comme une étape avant la reconquête : « I shall come back […] For one thing, we know – every Englishman in Egypt too knows – that this can’t be the end. I want to be here when the work’s taken in hand again. I hate unfinished things ». L’Anglais est sûr de son bon droit et de sa supériorité. C’est ce qui rend contre-nature l’amour que décrit un autre roman de Mason, The Broken Road : l’Indien Shere Ali a beau avoir été l’égal de Dick lors de leurs études communes en Angleterre, en revenant en Inde, il redevient un inférieur. Aussi commet-il une dramatique transgression en désirant Violet, la jolie britannique. Si Mason compatit aux souffrances de l’Indien, il ne remet pas fondamentalement en cause cette division du monde entre seigneurs anglais et hommes liges des colonies.

Et lorsque l’aventure se déplace vers les régions africaines, l’idée d’un mélange entre le Blanc et le « sauvage » paraît encore plus monstrueuse : si Hatteras, le héros de la nouvelle éponyme, doit mourir, c’est qu’il est ravagé par sa fascination pour la sauvagerie qu’il découvre en Afrique : il se grime en Noir pour vivre parmi les populations locales et – du moins Mason le suggère-t-il – cela fait de lui une bête sauvage. L’intrigue est très proche de Heart of Darkness, mais ici, il n’y a aucune nuance (si tant est que ces nuances aient existé dans le récit de Conrad) : le Noir, le sauvage, c’est le Mal.

On aurait tort pourtant de faire de Mason un théoricien de l’Empire britannique. Contrairement à ses pairs et à ses aînés, il a le mérite de se poser la question de la nature de cet empire, de ses valeurs et de ceux qui le composent. Les réponses qu’il apporte restent cependant chargées des présupposés de son temps.

 

Conclusion.

Si, dans toutes ces œuvres, on découvre une psychologie de convention, une structure de récit pseudo-réaliste au final assez conventionnelle et des idées moins hardies qu’elles le paraissent, il ne faut pas négliger l’effort entrepris par Mason, qui témoigne de l’évolution qui affecte le genre dans l’histoire littéraire : après une première génération (1830-1870) de romans d'aventures éducatifs et moraux et une deuxième génération de romans d'aventures pour enfants et adolescents (1870-1910), vient une troisième génération cherchant un lectorat adulte en intégrant dans le récit une intrigue sentimentale et des indications psychologiques (Pierre Benoit, Rafael Sabatini, etc.). Dans cette nouvelle génération, Mason tient une place importante, et ses récits, malgré leurs défauts, restent d’une qualité littéraire largement supérieure à la moyenne. L’aventure avec lui cesse d’être cette affaire frivole que Stevenson avait imaginée, où le danger n’était qu’un effet de style sans que jamais on n’aie peur pour le héros. Désormais, les risques de l’aventure sont bien réel : on y perd ses illusions, comme dans The Broken Road, mais on peut aussi y perdre la vue, comme dans The Four Feathers, ou encore la raison, comme dans « Hatteras ».

 

Où trouver les œuvres de A. E. W. Mason ?

Aujourd'hui, seuls deux romans de Mason sont encore traduits en Français: Les quatre plumes blanches (10/18) et Le trésor de la villa rose (Les introuvables du Masque). 

Mason a peu été traduit en Français, et l'on trouve surtout ses récits réalistes ou policiers: on citera pêle-mêle Le reflet dans la nuit (Gallimard), Les Guetteurs (Larousse), Le témoin de la défense (dans une version romanesque) et Les méprises de Lady Ariane (Albin Michel). Nelson a publié L'eau vive. Quelques nouvelles sont parues dans La petite illustration sous les titres Sur les trois continents et Sur les trois continents. Enfin, Mystère magazine n° 41 proposait L'affaire du "Semiramis", une nouvelle policière.

Pour trouver ces titres, ou les oeuvres en version originale, le plus simple est de vous rendre sur abebooks.fr, site de livres d'occasion.

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