1865-1947
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La Baronne Emmuska Orczy (1865-1947) est l’un des auteurs populaires de romans anglais d’aventures historiques les plus connus. Plus populaire que Stanley Weyman et Henry Seton Merriman, ses aînés d’une dizaine d’années, plus sentimentale que Rafael Sabatini, elle offre, dans sa série des aventures du Mouron Rouge, un roman de cape et d’épée en définitive assez proche des œuvres des auteurs français de l’époque, Michel Zévaco, Paul Féval fils, ou Maurice Landay (l’auteur de la série des Carot Coupe tête), pour qui l’Histoire sert d’arrière-plan à des aventures rocambolesques sans grande incidence sur l’action. Pourtant, si l’on excepte les aventures du Mouron Rouge, son héros fameux, l’œuvre de la Baronne est peu connue en France, et son existence, plus méconnue encore.
La Baronne Orczy est née en Hongrie en 1865, à Tarna-Ors. Elle est la fille d’un musicien, le Baron Felix Orczy, qui était également propriétaire terrien. Intéressé par les avancées agronomiques, le Baron Orczy a tenté d’appliquer les dernières découvertes agronomiques européennes, afin de moderniser son exploitation, restée, comme la plupart de celles de Hongrie à l’époque, très largement liée à un fonctionnement médiéval. Mais la population n’a pas supporté ces modifications, et Felix Orczy a subi ce qu’on pourrait appeler une révolte luddiste de la part des paysans alentour : ses fermes et ses champs ont été incendiés, et le Baron, ruiné, a dû quitter les lieux, et partir, avec toute sa famille, à Budapest. De là, il a émigré à Bruxelles, puis à Paris (villes dans lesquelles la jeune Emmuska Orczy suivra une partie de sa scolarité) ; puis à Londres.
Cette catastrophe familiale paraît avoir profondément marqué Emmuska Orczy, qui l’évoque longuement non seulement dans son autobiographie, Links in the Chain of Life, mais aussi dans un de ses romans, A Son of the People, roman d’aventures sentimentales se déroulant en Hongrie qui prend pour arrière-plan une révolte de paysans contre un propriétaire terrien. Plus généralement, on peut penser que tout le discours de la Baronne sur les relations entre l’aristocratie et le peuple prend en partie pour arrière-plan cet événement.
Mais, si l’on y regarde bien, la position de la Baronne sur le peuple est plus complexe qu’elle n’y paraît. Certes, elle exprime constamment son horreur du peuple, décrit comme étant entièrement commandé par ses passions et ses instincts, et dirigé uniquement par la haine et le désir de prédation. Son discours s’inspire sans doute lointainement des idées de Scipio Sighele et de Gustave Le Bon sur la psychologie des foules, mais aussi de sa propre terreur irrationnelle de « l’homme de la rue » (elle écrit le mot entre guillemets dans son autobiographie), Mais l’origine véritable du chaos anarchique auquel la Baronne associe nécessairement toute révolte et révolution, c’est l’aristocrate lui-même, incapable d’écouter et de comprendre les doléances qu’on lui fait. Dans la série des Mouron Rouge, la Noblesse française est punie d’être trop longtemps restée crispée sur des privilèges démesurés. Quant à Bideskúty, le propriétaire de A Son of the People, il est également conduit à la ruine par excès de raideur et de mépris pour le peuple.
En 1894, la Baronne épouse Montague Barstow, avec lequel elle va publier quelques textes, et en particulier un recueil de contes populaires hongrois (Old Hungarian Fairy Tales, 1895). Mais les véritables débuts littéraires d’Emmuska Orczy se feront sous l’influence de Sherlock Holmes et de Jack l’Eventreur. La légende veut que le second a tué l’une de ses victimes devant la porte de Barstow, marquant la Baronne. Mais c’est probablement davantage à la figure littéraire créée par Conan Doyle qu’Emmuska emprunte lorsqu’elle crée le personnage de The Old Man in the Corner, détective amateur accompagné d’un très féminin Watson, Miss Burton. Le succès des nouvelles, publiées dans la presse à partir de 1901, a conduit la Baronne à se tourner plus résolument vers l’écriture (elle qui s’imaginait plus volontiers peintre auparavant). C’est alors qu’elle en vient à imaginer l’intrigue du Mouron Rouge. Elle raconte dans son autobiographie les circonstances l’ayant conduite à mener à bien un tel projet. L’idée, née lors d’une promenade dans le Quartier Latin, aurait pris forme lors d’une rencontre avec Arthur Pearson. « L’éditeur cherchait à lancer un feuilleton, et il me suggéra, parmi d’autres écrivains inconnus, de lui soumettre un projet de récit d’aventures de grande dimension, quelque chose d’aussi excitant, dans un autre genre, qu’un roman d'aventures […] Mais je reçus une douche froide à l’instant même où je prononçai les deux mots ‘Révolution française’. ‘Non, non et non !’ fut la réponse emphatique : ‘il nous faut quelque chose de moderne. Le public se moque de la France et de sa Révolution. Offrons à l’homme de la rue quelque chose qu’il comprendra et qui puisse arriver à nouveau aujourd’hui ou demain, plutôt qu’une de ces visions romantiques du passé ». Malgré ce départ malheureux, la Baronne s’est attelé à la tâche après avoir écrit pour Pearson un récit contemporain (n’ayant reçu qu’un faible succès), « The Shamrock », qui ne serait rien d’autre que la première version du Mouron Rouge.
Ecrit en cinq semaines, Le Mouron Rouge a été refusé par de nombreux éditeurs, avant d’être publié en 1905, et de connaître un succès considérable. Cela a conduit la Baronne à en proposer de nombreuses suites qui, sans recevoir un aussi bon accueil, sont restées très populaires en Angleterre, donnant lieu à plusieurs adaptations cinématographiques du vivant de l’auteur. Malgré les efforts de la Baronne pour échapper à son personnage, elle ne rencontrera jamais un succès aussi important pour ses autres romans – généralement des romans d’aventures historiques. Elle a écrit, jusqu’à sa mort en 1947 à Monte Carlo, près de 60 romans.
La Baronne Orczy fait partie de ces auteurs, comme McCulley et Zorro ou Marcel Allain et Fantômas, que le public associe à un personnage. Pour beaucoup en effet, elle reste essentiellement l’auteur du Mouron Rouge (The Scarlet Pimpernel), cet aristocrate anglais du nom de Sir Percy qui sauve les Nobles français des geôles révolutionnaires au temps de la Terreur. Le cycle des aventures du Mouron Rouge a en effet valu à la Baronne sa popularité, et l’a accompagné tout au long de sa carrière, au fil de dix-sept ouvrages :outre les dix romans et les deux recueils de nouvelles décrivant les exploits du Mouron Rouge, il faut compter le récit dont Sir Percy est le narrateur (Child of the Revolution), le regard de Sirius sur notre monde offert par The Scarlet Pimpernel Looks at the World, les deux récits décrivant les aventures de l’ancêtre de Percy Blakeney au XVIIe siècle (The First Sir Percy et The Laughing Cavalier), et le roman mettant en scène son descendant Peter Blakeney durant la seconde guerre mondiale (Pimpernel and Rosemary). On y ajoutera la pseudo autobiographie de Sir Percy, sans doute écrite par le fils d’Emmuska Orczy (The Life and Exploits of the Scarlet Pimpernel) et, pour ne pas oublier les suites nationales, l’autre Mouron Rouge que fut le Sir Percy de J.-C. Lavocat, dans Le Retour du Mouron Rouge.
Pourtant, l’œuvre d’Emmuska Orczy ne se limite pas au cycle du Mouron Rouge. On lui doit de nombreux romans historiques, situés à toutes les époques, de l’Antiquité (Unto Caesar) à quelques décennies avant la date de rédaction (A Spy of Napoleon, ou A Son of the People, roman autobiographique), en passant par la Renaissance (The Tangled Skein). Ses œuvres sont situées dans tous les pays, de l’Angleterre (Meadowstreet), à la Hongrie (Marivosa) en passant par l’Italie (Pride of the Race) et le Canada (Blue Eyes and Grey). Enfin, les spécialistes de la littérature policière n’ignorent pas que la Baronne est l’auteur d’une série de récits d’enquête dans lesquels apparaît l’un des premiers « armchair detectives » (« détectives dans un fauteuil »), ces enquêteurs qui résolvent des énigmes sans se déplacer sur les lieux du crime, par leur seule puissance déductive. Ce personnage, « The Old Man in the Corner », apparaît dans une série de nouvelles qui ont été réunies dans trois recueils : The Old Man in the Corner, Unravelled Knots et The Case of Miss Elliot. Le « vieil homme » résout, pour le plaisir et non pour aider la justice, une série d’affaires mystérieuses, sous les yeux ébahis d’une journaliste, Miss Burton. La Baronne exploitera avec un succès moindre d’autres personnages de détectives, comme celui de Lady Molly (Lady Molly of Scotland Yard), et surtout le mystérieux « Monsieur Fernand », le policier de Napoléon de The Man in Grey qui permet à l’auteur de marier ses deux genres favoris, le romance historique et le récit d’énigme. Enfin, il faut citer le personnage d’Hector Ratichon, le héros de Castles in the Air, espion, mouchard et voleur à gages. Ce personnage grotesque et vaniteux s’inscrit dans une autre tradition littéraire qui influencera considérablement l’histoire du roman policier et qui connaissait un grand succès à l’époque en Grande-Bretagne, les « rogue story », récits de voleurs et de malfrats. Ce type d’œuvres, qui trouve sa source littéraire dans les romans de W. H. G. Ainsworth (Rookwood, Jack Sheppard), et son avènement populaire dans la série des Raffles de Hornung, se situe ici encore au croisement du roman historique (essentiellement celui de la Restauration) et du récit policier et permet à l’auteur d’évoquer une fois encore, mais de façon beaucoup plus anecdotique, les affrontements, en France, entre Royalistes et Républicains.
Dans ces deux dernières œuvres (Castles in the Air et The Man in Grey) se dégage une étrange alchimie entre différentes influences littéraires : celles du roman feuilleton et de la littérature populaire du XIXe siècle, avec ses changements d’identité, ses machinations, ses conspirations et ses passages secrets ; en même temps, on devine les prémisses de ce qui sera le récit d’espionnage, avec les liens que la baronne établit entre la politique et l’aventure dans une perspective éminemment populaire et fantaisiste : les Chouans et les bonapartistes, ce sont déjà, en un sens, les espions et le contre-espionnage du roman des années 50 ; enfin, s’y ajoute cette vision crapuleuse de la France qu’a toujours un peu la Baronne, et qui la conduit à présenter ce pays comme le terreau de tous les mystères urbains, avec ses nobles pervertis, ses brigands à tous les coins de rues, ces femmes traîtresses et ses coupe gorges.
Cet univers de mystères urbains et de conspirations reste un trait fondamental de la série du Mouron Rouge. Le récit de justicier s’apparente aussi aux aventures des rogues, dans la mesure où le Mouron Rouge, s’il est un justicier, est également l’ennemi de la police. Ses procédés s’apparentent à ceux des bandits bien aimés : déguisements, vols aux riches pour donner aux pauvres, nargue à la police, etc. Les forces de l’ordre sont moquées de la même façon qu’elles le sont dans les récits de rogues : les chefs de la police sont pervers et cruels, et les hommes de mains et simples agents sont des imbéciles faciles à berner.
La description de la ville reste une description avant tout sociale, qui représente les différentes classes et leurs conflits, avec, comme c’est généralement le cas dans cette sorte d’œuvres, une fascination toute particulière pour le peuple et pour les symptômes de maladie sociale qu’on trouve en l’observant. Mais la vision que propose la Baronne est bien éloignée des descriptions, généralement généreuses, proposées par les grands auteurs du genre, d’Eugène Sue à Victor Hugo en passant par Reynolds et Mastriani. Ici, loin de la compassion sociale, même superficielle, le peuple ne génère qu’une horreur viscérale : le héros peut parfois être un bourgeois, comme dans Le Serment (I Will Repay) ou The Bronze Eagle, mais ce n’est qu’exceptionnellement un véritable prolétaire. L’emploi même par la Baronne du terme de « prolétaire », pourtant anachronique lorsqu’il s’agit d’évoquer la France de la fin du XVIIIe et du XIXe siècle, montre bien qu’elle a en tête la menace d’une révolution à venir, d’une révolution bolchevique. La Baronne souligne dans son autobiographie avoir appris l’Histoire de France loin de Michelet, mais dans les livres d’Histoire catholique, et sa vision des choses a certainement été influencée par de telles lectures. L’Histoire de France devient celle des ennemis de la Religion et de l’Aristocratie, et la guerre entre laïques et religieux, entre républicains et partisans de l’Ancien Régime, se fait encore, en France, à travers le contenu des enseignements.
Dès lors, Sir Percy n’est pas un justicier comme l’était Rodolphe dans Les Mystères du peuple. Certes, comme ce dernier, son but est d’aider la veuve et l’orphelin, mais c’est une veuve et un orphelin au sang bleu, et leurs ennemis appartiennent à cette plèbe qui préoccupait Rodolphe. L’affrontement entre la Noblesse et le peuple (ou leur association contre-nature) structure en effet généralement le récit, y compris dans les œuvres qui n’appartiennent pas au cycle du Mouron Rouge. C’est le cas par exemple de A Son of the People bien sûr, mais aussi des récits chouans (The Man in Grey, A Joyous Adventure, A Sheaf of Bluebells), ou du récit de bandit Skin o’My Tooth.
Le peuple est répugnant pour la Baronne, et il l’est d’autant plus qu’il est français. En effet, la France est le terrain privilégié des romans d'aventures historiques de cet auteur : elle sert non seulement de cadre au cycle du Mouron Rouge, mais aussi à pas moins de dix autres ouvrages. Reste que si la Baronne paraît s’intéresser particulièrement à ce pays (dans lequel elle a d’ailleurs passé une partie de son existence) elle ne l’aime pas pour autant. Lorsqu’elle évoque son enfance française, elle prend soin de remarquer que les Français critiquaient toujours injustement les Anglais. Plus généralement, elle met en évidence l’affrontement de deux systèmes de valeurs (cet affrontement est clairement décrit dans The Bronze Eagle, dans lequel elle compare longuement les caractères anglais et français). De même attaque-t-elle l’amour des Anglais pour la culture française… Bref, la Baronne ne manque pas d’opposer deux pays, autant pour rabaisser l’un que pour vanter les mérites de l’autre. La vision de la France est toujours celle de bourgeois ambitieux, de peuple répugnant et de nobles arrogants. Plus généralement, les Français sont vaniteux et intolérants. Rares sont ceux qui échappent au courroux de l’auteur, à l’exception peut-être de quelques belles et jeunes aristocrates, généralement élevées en Angleterre. C’est en cela que l’intertexte des récits de rogue est remotivé et renouvelé dans le cycle du Mouron Rouge et un certain nombre de romans d'aventures historiques : le bandit est un justicier, c’est aussi un soldat anglais contre l’ennemi héréditaire, la France. Le conflit du Mouron Rouge et des révolutionnaires français retrouve les affrontements de la France et de l’Angleterre coloniales et les modèles qu’elles opposaient.
Ici encore, le cycle du Mouron Rouge annonce aussi certains aspects du récit d’espionnage, en associant aventure individuelle et arrière-plan géopolitique. C'est ce qui fait du Mouron Rouge un justicier très particulier: cet agent qui cherche à libérer un pays de l'oppression d'un gouvernement injuste en annonce un autre, tout aussi connu, le Zorro de Carson McCulley. L'un comme l'autre endossent le rôle d'un personnage romanesque pour accomplir leurs exploits, l'un comme l'autre masquent leur identité véritable derrière une apparence falote: Sir Percy Blakeney et don Diego della Vega. L'un comme l'autre donnent à leur action une portée politique. Peter Royston n'a pas tort de remarquer que le Mouron Rouge figure l'un des premiers héros masqués de l'histoire de la littérature, qui annonce, outre Zorro, le Spider et Superman (voir son essai). Avant lui, il existait d'autres personnages à l'identité masquée, comme l'Edmond Dantès de Dumas (et le cycle du Mouron Rouge n'est pas sans rappeler la série des Mémoires d'un médecin de cet auteur) ou Le Bossu de Paul Féval père, mais il est le premier à être essentiellement systématiquement fondé sur ce principe de la fausse identité, et à tirer parti de l'intérêt de ce changement d'identité pour la dimension romanesque du texte.
Il ne faut donc pas réduire l’œuvre de la Baronne à sa dimension politique. L’essentiel reste, pour cet auteur, de privilégier l’esprit d’aventure, le romance qui a été une valeur fondamentale de l’esthétique et des idéologies anglaises de la fin du XIXe siècle et du début du XXe siècle. Sir Percy est un dandy que la vie tranquille ennuie, et s’il est commandé par son goût de la justice, il l’est aussi par celui de l’aventure. Cet esprit d’aventures est exprimé par la chanson que Percy Blakeney invente lui-même, et qui sert de refrain aux aventures du Mouron Rouge :
“They seek him here, they seek him there.
Those Frenchmen seek him everywhere.
Is he in Heaven? - Is he in hell?
That damned annoying Pimpernel.”
C’est bien à l’aspect ludique des aventures du Mouron Rouge – jeu de cache-cache, jeu de gendarmes et de voleurs – qui est mis en avant, comme dans A Joyous Adventure, l’aventure de Saint-Denys est commandée par le désir du héros d’échapper à son ennui. L’aventure romanesque est cette aventure irréelle, peu sérieuse, dont Stevenson avait défini les règles au temps de L’Ile au trésor et du Pavillon sur la lande : une aventure infantile, qui a souvent caractérisé le récit de cape et d’épée anglo-saxon (swashbuckling).
Mais si la Baronne s’inscrit dans la tradition du romance d’aventures inventé par Stevenson, elle représente également une charnière dans l’histoire du romance historique anglais : chez elle, plus encore que chez son prédécesseur Stanley Weyman ou que son contemporain Rafael Sabatini, l’aventure romanesque est autant féminine que masculine. En termes narratifs, cela se traduit par un schéma actantiel qui laisse une place importante aux personnages féminins, comme Marguerite dans Le Mouron Rouge (dans lequel c’est autour d’elle, et non de son mari Sir Percy, que se construit le récit, on ne l’a pas assez noté), Juliette, dans Le Serment, ou Fernande, dans A Sheaf of Bluebells : à chaque fois, les personnages de femmes jouent un rôle fondamental dans la structure narratif. Souvent même, elles assument le rôle de narrateur, comme dans les récits mettant en scène « Le vieil homme ». Plus généralement, les personnages féminins ont un fort caractère dans les œuvres d’Emmuska Orczy : ce sont des femmes de tête qui s’engagent sans hésiter dans l’action. Elles manipulent sans hésiter les hommes (A Sheaf of Bluebells, Castles in the Air, The Man in Grey, etc.), sont prêtes à participer à des aventures risquées (comme dans The Bronze Eagle), et n’ont plus généralement pas grande chose à voir avec les héroïnes falotes de Weyman et de Sabatini, ou de leurs homologues françaises, chez Paul Féval fils ou Maurice Landay (Michel Zévaco tout au plus échapperait à cette vision de la femme, avec son Héroïne et sa version sombre, La Fausta). On est plus loin encore de Stevenson, qui affirmait que les femmes n’avaient pas de place dans ses récits (mais qui a inventé pourtant plusieurs personnages féminins charmants, dans Catriona ou La flèche noire).
Mais l’originalité de la Baronne ne tient pas seulement à la place qu’elle donne aux femmes, peut-être parce que, femme, elle ne pouvait qu’ouvrir les portes du romance à des héroïnes de son sexe. Si elle féminise le romance, c’est aussi qu’elle modifie en profondeur la trame et les thèmes de la littérature historique pour les rapprocher davantage de ceux que l’on rencontre dans les genres destinés aux lectrices. En effet, désormais, l’un des éléments structurants du récit est la relation amoureuse entre un homme et une femme. La Baronne donne systématiquement une place centrale à l’intrigue sentimentale, et va jusqu’à emprunter aux auteurs de récits à l’eau de rose leurs stéréotypes les plus attendus : jeune fille rougissante, héros chevaleresque et scène de première rencontre n’évitent aucun des stéréotypes du genre. Cette intrigue sentimentale se mêle naturellement à la trame historique : héros et héroïnes viennent généralement des deux camps qui s’opposent, et leur amour s’affronte aux intérêts de l’aventure. On sait combien Le Serment que fait Juliette rend problématique sa relation avec Delatour, ou comment l’amour de Fernande pour Maurel ne se révèlera que quand elle aura su dépassera haine des bonapartistes. Ainsi, intrigue historique, intrigue aventureuse et intrigue sentimentale voient leurs enjeux se combiner et dialoguer constamment. C’est donner au romance historique une direction qui n’était pas encore la sienne : de récit d’aventures destiné aux hommes, il s’ouvre au lectorat féminin, pour lui donner une place de plus en plus importante. Ce mouvement initié chez la Baronne va s’accentuer encore par la suite en Grande-Bretagne : Jeffery Farnol représentera une étape supplémentaire dans ce glissement – et chez lui, l’amour l’emportera nettement sur l’action – puis viendra le temps de Georgette Heyer et des romans historiques sentimentaux. Dans cette perspective, la Baronne Orczy annonce le mouvement futur de la littérature historique, le changement qui se produit dans le lectorat de ce genre au cours du XXe siècle et les modifications stylistiques et thématiques qui l’accompagnent, y compris en France avec les œuvres de Juliette Benzoni et d’Anne et Serge Golon.
Il existe de nombreux sites consacrés au personnage du Mouron Rouge. Malheureusement, ils évoquent plus volontiers les films, séries télévisées et comédies musicales adaptés de l'oeuvre de la Baronne, que les romans eux-mêmes. Nous en avons pourtant comptés quelques uns qui offrent des informations fort utiles - mais ils sont malheureusement tous en anglais.
- Sir Percy's Place: site fort bien fait et très complet, mais de navigation parfois malaisée. Le détail du site se trouve dans le "site map" (plan du site) de la page d'introduction.
- Blakeney Manor: Très bon site consacré au cycle du Mouron Rouge. Les informations sur l'auteur et l'oeuvre se trouvent sur la page Books. On notera également la présence de l'autobiographie de l'auteur en ligne.
- The Hidden Hero: Un (bref) essai consacré à l'identité secrète dans la série du Mouron Rouge.
- The Doyle Era: Une notice sur l'oeuvre policière de la Baronne.
- Esther's Scarlet Pimpernel Site: Un site consacré au personnage du Mouron Rouge, mais davantage centré sur les adaptations médiatiques du roman.
- Kirjasto: Ce site de biographies propose, comme d'habitude, une excellente notice consacrée à l'auteur et à son oeuvre.
Où trouver les oeuvres de l'auteur?
La série du Mouron Rouge (du moins les oeuvres qui avaient été auparavant traduites en français chez Nelson et Marabout) est éditée aux éditions Presses de la Cité, collection Omnibus. De nombreux textes en anglais sont accessibles en ligne. On peut les trouver en ligne sur The Online Bookpage (puisque IPL a renoncé à ce service). Pour trouver les oeuvres en version française ou originale, le plus simple est de vous rendre sur abebooks.fr, site de livres d'occasion.