1855-1928

 

 

Présentation.

Oeuvres en français (et où les trouver).

Bibliographie critique.

Quelques liens.

Lire le chapitre I de La maison du loup.

Autres auteurs britanniques.

Retour à la page des auteurs.

Retour à la page d'accueil.

Me contacter.

 

 

 

 

Présentation.

Peu connu en France, et un peu oublié en Grande-Bretagne, Stanley Weyman n’a pas connu le même succès posthume que son principal imitateur, Rafael Sabatini. Cela vient sans doute de ce que Weyman n’a pas bénéficié des supports du pulp et surtout du cinéma pour revivifier son œuvre. C’est dommage car, si elle est inégale, l’œuvre de Stanley Weyman est l’une des plus attachantes, loin devant les autres swashbucklers de l’époque, Conan Doyle et la Baronne Orczy. Les amateurs du romance d'aventures historiques ne s'y trompent pas, qui placent Weyman parmi les plus grands auteurs de l'époque, auprès de Rafael Sabatini (plus populaire) et Jeffery Farnol (plus sentimental). Son oeuvre combine en effet de façon équilibrée les exigences de l’historical romance et du swashbuckling, l'esthétique du roman historique à la Dumas (modèle évident de l’auteur) et le style du roman d’aventures réinventé par Robert Louis Stevenson.

 

Stanley Weyman a commencé tardivement la carrière des lettres. Après des études sans grand relief (« I was a bad classical scholar, and had no taste for mathematics », entretien paru dans The Idler, février 1895), il s’est d’abord tourné vers des études de Droit, et a été naturellement conduit à embrasser la carrière d’avocat à partir de 1881. Malheureusement (ou heureusement pour les amateurs de romans d'aventures historiques), il semble que ses compétences en la matière laissaient à désirer : « my practice at the bar was uneventful, and not very remunerative » (id.). Une anecdote permet d'illustrer ce manque de succès de l’auteur : un jour que Stanley Weyman avait été excédé par le juge, il dut sortir au milieu procès, et ne put revenir qu’après avoir avalé une demie bouteille de champagne. L’argent venant à manquer (« my average income as a barrister was 200 pounds a year ; and if in my best year I earned 300 Pounds, there was a year in which I earned only 20 Pounds »), Stanley Weyman a eu l’idée de tenter sa chance en proposant quelques articles à la presse afin de compléter ses revenus d’avocat. Il est alors profondément déprimé, ne voyant pas d'issue à son existence: « when, four years ago, I left the Bar and came back to Ludlow to live with my people, I considered myself – then a man of thirty-five – a complete failure […] I tried – God knows how hard – to eke out my altogether insufficient income in my pen » (id.).

Ses premiers articles (qui ne sont pas des oeuvres de fiction) sont publiés dans le St. James Gazette, sans grand succès. Le premier récit à paraître est « King Pepin and Sweet Clive » paru en juillet 1883 dans le Cornhill Magazine, journal littéraire originellement dirigé par Thakeray, et qui a publié des auteurs aussi fameux que Thackeray, Trollope, George Eliot, Meredith, Thomas Hardy ou Henry James, ainsi que des figures importantes de la littérature populaire telles que Wilkie Collins ou Charles Reade et… Robert Louis Stevenson. James Payn, écrivain fameux et directeur de la revue est enthousiasmé par le récit. D’autres nouvelles viendront rapidement, généralement publiées dans le Cornhill. Il importe de savoir que le Cornhill a été l’un des artisans du renouveau du romance (récit d’imagination) à la fin du XIXè siècle, ce qui explique que Stanley Weyman ait été, on le verra, l’un des auteurs sur lesquels Stevenson et Andrew Lang ont placé quelque espoir dans ce renouveau. Ce qui est certain, c’est que la carrière littéraire de Weyman est influencée par la ligne éditoriale du magazine.

Le Cornhill fut, avec l’English Illustrated Magazine, la principale revue à publier les nouvelles de Weyman. Ces textes sont publiés par la suite dans quatre recueils : The King's Stratagem (1891), For The Cause (1897), When Love Calls (1899), King's Byways (1902). Weyman publie trois ou quatre nouvelles tout au plus par ans, et continue en parallèle son métier d’avocat avec peu de succès. Il se lance également, sur les conseils de James Payn, dans la rédaction d’un roman réaliste, The New Rector, oeuvre médiocre de l’aveu même de l’auteur (« I wrote a novel of modern life, an dit was lamentably bad […] I am putting it to its best use, and am writing on the back of the pages of the manuscript », id.).

Ces récits et articles ne suffisent guère à compléter les revenus d’avocat, offrant tout au plus à l’auteur une cinquantaine de Livres supplémentaires par an, et Weyman commence à sentir le découragement le gagner. Un article sur Oliver Cromwell (personnage qui a également inspiré John Buchan) pour The Historical Review vaut à l'auteur un succès d’estime chez les spécialistes et le conduit à se tourner vers les études historiques. Lors de ses recherches, il tombe sur l’ouvrage du Professeur Baird History of the Huguenots, et commence à élaborer à partir du livre une intrigue de roman dans l’esprit des œuvres de Rider Haggard (« those were Rider Haggard’s imperial days, the days when fiction, to be popular and marketable, had to rumble with thunder, and drip with blood », id.) : ce sera The House of the Wolf, qui paraît dans l’English Illustrated Magazine en 1888-1889, et qui est son premier véritable succès.

La référence à Rider Haggard comme modèle littéraire est à plus d’un titre intéressante. Que le maître des récits d’aventures géographiques et des romans de « monde perdu » ait pu inspirer l’écrivain de l’aventure historique témoigne de ce que la nature du dépaysement (géographique ou historique) importe moins que sa relation à l’action. Ce qui inspire Weyman, c’est le lien entre un décor dépaysant et un type d’événements violents et mouvementés (« the days when fiction […] had to rumble with thunder, and drip with blood »). A travers Haggard, c’est aussi un niveau d’exigence littéraire que désigne Weyman: il s’agit avant tout d’être populaire, autrement dit, de gagner de l’argent et de séduire un large public. Préférer Haggard à Stevenson (dont Treasure Island fut le modèle avoué de King Solomon’s Mines), c’est limiter son ambition à une littérature de consommation.

L’autre référence revendiquée de l’auteur est bien sûr Walter Scott, modèle de tout le roman historique britannique, de Stevenson à Conan Doyle en passant par Ainsworth. Walter Scott a certes inventé le récit historique moderne, mais son nom renvoie également, en cette fin de XIXè siècle, à une certaine conception de la littérature, celle du romance, contre le récit réaliste (le novel). Walter Scott a été l’un des grands théoriciens du romance au XIXè siècle, et l’un des (ré)inventeurs du romance traditionnel : en se référant à un modèle formel issu de la tradition médiévale (puisque le romance renvoie à l’origine d’abord au récit chevaleresque), Scott va chercher dans l’histoire littéraire une forme adaptée à son inspiration historique. Mais au-delà de cette tentative de concilier fond et forme, il tente d’associer une esthétique de la distance, de l’imaginaire, celle des récits médiévaux et du merveilleux, à l’esthétique réaliste inventée au XVIIIè siècle par Fielding ou Richardson. Si pour le novel le problème central est celui de la fidélité au réel, pour le romance, la littérature se pose moins la question de l’imitation de la réalité (la fameuse mimèsis) que celle de la mise en forme d’un récit (réel ou non). Le problème central devient celui de la vraisemblance et de la conviction : faire croire, faire ressentir, produire des effets. Or, si Stanley Weyman se réfère volontiers au modèle de Walter Scott, c'est qu'il paraît bien envisager son œuvre dans la perspective du romance : dans la préface générale à ses « œuvres complètes » de 1911, il écrit « nous appartenons à cette espèce d’hommes qui ne grandit jamais. Tout le monde, étant enfant, joue à faire semblant, et passe le meilleur de son temps libre à des jeux d’imagination. On se cache, se marie, se bat, on est un ours ou Bonaparte ; et l’on se raconte à soi-même ou à sa poupée des histoires interminables. Plus tard, la plupart d’entre nous abandonne de tels amusements. On se tourne vers des jeux d’adresse, et l’on se prépare aux difficultés et aux bouleversements de l’existence. Mais nous prolongeons nos rêveries enfantines, nous persévérons dans ce monde où l’on fait semblant, et nous vivons et mourrons dans un tel monde. Certains d’entre nous jettent sur le papier les choses que nous imaginons » (« General Preface Essay »). La référence au jeu enfantin et au rêve est un lieu commun pour désigner à l’époque l’univers du romance. Il s’agit de proposer des récits d’imagination, ceux de la chasse au lion (« lion hunt ») et des villes anglaises capturées dans le Lancashire – autrement dit, de proposer des récits d’aventures géographiques ou historiques. Définir le récit comme rêve, c’est combiner les deux sens du romance – la rêverie et le récit d’imagination.

En se référant à Walter Scott, c’est certes à l’inventeur du roman historique que songe Weyman, par exemple lorsqu’il évoque son attention au détail vrai (« Scott was the last writer who was conscientious as to his documentation », id.), mais c’est aussi à une longue tradition littéraire qu’il renvoie : derrière Walter Scott, il y a Ainsworth et Alexandre Dumas, maîtres du romance historique, mais il y a également Stevenson, Haggard, Kingsley, Marryat et toute la littérature d’aventures. En ce sens Haggard et Scott se retrouvent: à l'époque de Weyman, le romance est incarné avant tout par la littérature d’aventures. L’action l’emporte de fait sur l’évocation d’une époque (ce qui n'était pas le cas de Scott). Les personnages historiques passent au second plan, et l’intrigue suit moins les péripéties de l’Histoire que les intérêts du héros. Là où Scott est un auteur de romans historiques, Weyman, suivant en cela la pente du romance, est véritablement un auteur de romans d'aventures historiques.

 

Après The House of the Wolf, Weyman écrit The Story of Francis Cludde (1891), puis A Gentleman of France (1893), premier grand succès de l’auteur (qui sera adapté au cinéma en 1921). L’œuvre décrit les aventures d’un noble pauvre et vieillissant, Gaston de Marsac, qui se voit confier une mission périlleuse durant les heures les plus sombres des guerres de religions françaises. Gaston de Marsac figure le modèle du héros à la Weyman : loin des bretteurs gascons du roman de cape et d’épée à la française, loin des héros flamboyants des swashbucklings du XXè siècle, le héros à la Weyman est un homme timide et vieillissant, souvent affligé de défauts un peu grotesques (ici, un sens du devoir qui ne va pas sans quelque ridicule), et que les femmes en particulier ridiculisent au cours du récit. Il trouve son double en Gilles de Bérault (Under the Red Robe) ou Martin Schwartz (My Lady Rotha). Mais surtout, il semble offrir un portrait de l’auteur lui-même, tel qu’il apparaît du moins dans les rares textes autobiographiques.

D’autres œuvres de Weyman doivent être citées. Il faut d’abord évoquer Under the Red Robe (1894), qui a connu de nombreuses adaptations au théâtre et au cinéma (en 1923 et 1937). Ce récit raconte les tribulations d’un aventurier, Gilles de Bérault, contraint par Richelieu de mettre la main sur des opposants au pouvoir et de le livrer à son ennemi. The Red Cockade (1894) prend pour arrière-plan la montée de la Terreur révolutionnaire en France et a sans doute servi d’inspiration pour le premier Scaramouche de Rafael Sabatini (qui a également beaucoup emprunté au Capitaine Fracasse de Théophile Gautier). Ces deux œuvres forment, avec A Gentleman of France, la trilogie centrale de l’auteur. D’autres romans méritent d’être cités : The Long Night (1903), que Weyman décrit comme l’une de ses œuvres préférées, et qui se situe en Suisse durant les Guerres de Religions, Count Hannibal qui se déroule, comme The House of the Wolf, durant la Saint Barthélémy (1901), My Lady Rotha (1894), qui décrit cette fois les guerres de Religion vues d’Allemagne (durant la Guerre de Trente ans). Ce dernier roman, en mêlant intrigue sentimentale et aventures, préfigure ce que sera le romance historique au XXè siècle dans les romans de Rafael Sabatini et Jeffery Farnol, et annonce le glissement toujours plus fort du récit historique de l’aventure vers l’amour – et son basculement, depuis Georgette Heyer, vers le récit à l’eau de rose. Évoquons encore quelques récits napoléoniens : Starvecrow Farm (1905), qui, comme My Lady Rotha, mêle de près intrigue sentimentale et aventure, Queen’s Folly (1925) récit anglais plus intimiste précédant de peu la bataille de Trafalgar, ou Ovington’s Bank (1922), qui sont un autre témoignage de l’intérêt de l’auteur pour l’Histoire de France : même lorsque l’action se déroule dans d’autres pays, les événements français ne sont jamais absents du récit.

Stanley Weyman a connu un certain succès de son vivant. Sa carrière a connu son apogée entre 1890 et 1910, encore que sa réputation littéraire semble avoir connu ses beaux jours avant 1900. En 1911 paraissent ses « œuvres complètes » provisoires, consécration de son travail ; elles seront rééditées, complétées des nouveaux récits en 1922. Pourtant, déjà en 1900, Weyman est présenté, aux côté de Conan Doyle, comme un exemple de « disappearing authors » : dans un article portant ce nom (North American Review, mars 1900), le critique Justin McCarthy affirme en effet que le succès commercial de ces deux auteurs ne les empêche pas d’être déjà « old fashioned » en termes de littérature. Au contraire, dans les années 1890-1900, la presse se fait l’écho de l’œuvre de Weyman de façon souvent élogieuse, même si un certain nombre de critiques, toujours les mêmes, reviennent régulièrement. On goûte en lui le grand conteur, l'écrivain capable de maintenir le rythme de son récit, d’élaborer des intrigues solides et sans temps mort, et de frapper durablement l’imagination du lecteur (c'est ce qui est écrit par exemple dans The Atlantic Monthly, janvier 1895, à propos de My Lady Rotha, ou en avril 1894, à propos de A Gentleman of France; de même, les critiques de The Man in Black semblent avoir apprécié l'efficacité de la construction du récit). On admire également sa façon de restituer l’atmosphère d’une époque en évitant les lourdeurs descriptives et les surcharges documentaires. Harper’s New Monthly Magazine évoque ainsi, à propos de The Red Cockade, son art de rendre la ferveur des foules françaises durant la révolution grâce à l’immersion que permet le récit à la première personne (mai 1896). The Overland Monthly prise quant à lui la vérité de la peinture de l’époque que proposent les Memoirs of a Minister of France (octobre 1895). C’est dans ce sens également que l’on vante, par exemple dans The Atlantic Monthly (février 1896, à propos de From the Memoirs of a Minister of France) son style à la fois travaillé (pour rendre le sentiment de l’époque) et simple (ce qui permet une lecture aisée de son œuvre). Ce sont ces deux aspects, l’art du récit et la faculté de restituer simplement et sans pédantisme une époque, que les critiques ont la plupart du temps souligné.

Amour et violence. Cette lutte entre la jeune femme et son adversaire, tirée de The Abbess of Vlaye illustre bien les deux principaux ingrédients de l'oeuvre.

C’est pourquoi ils associent fréquemment l’auteur avec les deux figures tutélaires du récit historique : Walter Scott et Alexandre Dumas. C’est peut-être le second qui s’impose le plus évidemment, car le projet de Dumas de raconteur l’Histoire de façon plaisante est ce qui s’approche le plus du projet de Weyman. L’Overland Monthly place ainsi Weyman aux côtés de Dumas et de Conan Doyle comme maître du récit historique (octobre 1895. Déjà, en avril 1894, Rounsevelle Wildman établissait la même filiation, dans ce journal : « two novels within the year had invaded the elder Dumas’s so far uncontested field, both by Englishmen - The Refugees, by Conan Doyle, and A Gentleman of France, by Stanley J. Weyman », mais c’était pour souligner la supériorité du second sur le premier : Conan Doyle avait naïvement suivi de trop près le modèle dumasien, tandis que Weyman avait su renouveler, aussi bien dans le style que le traitement de l’intrigue, l’imaginaire emprunté à Dumas. Car il faut reconnoitre que l’inspiration des oeuvres doit beaucoup à l’imaginaire du Français: ainsi, on retrouve, au fil des œuvres la France de Richelieu déjà rencontrée dans la trilogie des Mousquetaires (Under the Red Robe), la Cour de Henri de Navarre telle qu’elle apparaît en filigrane dans la série initiée par La Reine Margot (Memoirs of a Minister of France), ou les guerres de Religions qui faisaient le sujet de cette même série (The House of the Wolf, A Gentleman of France), enfin, il serait possible de trouver des liens entre la France de The Red Cockade et celle de Joseph Balsamo. Et même lorsque Weyman choisit d’évoquer d’autres contrées que la France, le thème des romans se rapproche des préoccupations de Dumas : My Lady Rotha évoque les guerres de religion, mais en Allemagne. Si l’on rencontre certaines figures historiques chères à Dumas, Richelieu, Henri de Navarre ou les figures de la période pré-révolutionnaire (The Red Cockade), on croise également un Gascon bretteur (Under the Red Robe) au caractère cependant fort éloigné de celui de d’Artagnan. Enfin, le voyage de Monsieur de Marsac pour sauver sa protégée (A Gentleman of France) n’est pas sans rappeler d’autres voyages tentés par les mousquetaires. Thématiquement, Weyman doit énormément à Dumas. Ainsi, l’Atlantic Monthly écrit encore que « the time and manner of the story will, of course, suggest comparisons with Dumas ; but while the author cannot rival his master, he proves to be an excellent second » (avril 1894). Car si la comparaison avec Dumas peut paraître flatteuse, elle souligne également le manque d’originalité de l’Anglais par rapport au Français. « Excellent second », il se condamne à n’être qu’un épigone, « un Dumas de son temps » - c’est le titre que choisit avec une certaine cruauté un critique de l’Atlantic Monthly en août 1894.

Stylistiquement pourtant, il existe un écart important entre Dumas et Weyman. Le simple fait de s’inspirer généralement de l’Histoire de France et non de son propre pays témoigne de ce que son récit historique cherche davantage à dépayser (géographiquement autant qu’historiquement), plutôt que de tenter de mettre à jour les racines culturelles de sa propre nation (ce qui était le projet de Walter Scott et, dans une moindre mesure, celui de Dumas). En outre, ce dont s’inspire Weyman, c’est moins de l’Histoire de France que de l’œuvre de Dumas, se plaçant résolument dans une perspective intertextuelle plutôt que dans une mimèsis réaliste. C’est peut-être ce qui explique qu’on ait pu reprocher à son œuvre le caractère conventionnel de sa conception des personnages et de l’époque (The Atlantic Monthly, mars 1896, à propos de The Red Cockade) : la remarque est huste, même s’il n’est pas évident qu’il doive s’agir nécessairement d’un reproche. En fait, Weyman s’inscrit dans la tradition de l’historical romance, c’est-à-dire dans une perspective générique, avec ses contraintes, ses stéréotypes et ses règles. Dès lors, il est logique que son récit n’apparaisse pas comme original. La logique du récit (et celle surtout du récit d’évasion) prime sur le réalisme. Cela explique que tel journaliste ait pu souligner qu’il faut voir uniquement Stanley Weyman comme « un excellent conteur », mais rien de plus : le romance est une littérature de conteurs, avec le charme que cela suppose. Stevenson et Andrew Lang ne s’y sont pas trompés : l’un comme l’autre ont prisé et recommandé l’œuvre de Weyman. Le second évoque Weyman dans son fameux essai sur la littérature de jeunesse et d’aventures Adventures Among Books, affirmant que, s’il était Roi, il prendrait Weyman comme conseiller, aux côtés de Kipling et de Mason. Quant à Stevenson, plusieurs de ses lettres évoquent Weyman, et des témoignages évoquent son plaisir à lire A Gentleman of France. Pour l’un comme pour l’autre, Weyman représente un de ces modèle du romance dont ils appellent le retour de leurs vœux. La légèreté de son récit, la mécanique du charme, le refus du réalisme et du prosaïsme, sont autant d’éléments que ne pouvait que goûter Stevenson.

L’œuvre de Weyman s’inscrit dans la tradition du roman d'aventures réinventé par Stevenson : son attention pour une structure narrative cohérente et fortement charpenté, son refus de trop multiplier les rebondissements, mais de mettre en scène certains d’entre eux (en dramatisant leur fonction dans l’économie générale du récit) pour leur donner un maximum d’efficacité, son attention aux figures où aux faits excentriques (proche de l’esthétique de l’image chère à Stevenson), son choix d’une économie dans le style, son refus d’un trop grand recours aux excès du feuilleton, son usage enfin de la narration à la première personne, caractéristique du roman d'aventures stevensonien, en font un élève attentif de Stevenson. Tous ces traits l’éloignent en tout cas résolument du récit d’aventures populaires : moins d’événements, moins d’effets grand-guignolesques, un style moins stéréotypé (faiblesse qui n’a rien à voir avec l’usage stéréotypique des codes génériques, lequel est une exigence de tout récit de genre). C’est donc dans ce courant anglo-saxon post-stevensonien qui fit les beaux jours de la littérature de la fin de l’époque victorienne et de l’époque edwardienne que s’inscrit Weyman, aux côtés d’Anthony Hope, John Meade Falkner ou Arthur Conan Doyle. On peut le rapprocher également des maîtres du roman d'aventures populaire de l’époque : Henry Rider Haggard ou la Baronne Orczy. Son rôle dans l’histoire du roman d’aventures historiques ne doit pas être négligé : il est certain qu’il a influencé Rafael Sabatini, qui n’a jamais caché son admiration pour lui. Sans doute a-t-il influencé Jeffery Farnol, premier auteur du récits historique d'aventures sentimentales: on trouve en effet déjà chez Weyman une place importante pour l'intrigue sentimentale, car dans son aventure, le héros est toujours accompagné d'une jeune fille dont il finit par tomber amoureux. Il a peut-être également influencé la Baronne Orczy. Il est possible, plus généralement, qu’il ait participé à ce mouvement qui a permis au roman d’aventures historiques britannique de survivre tout au long du XXè siècle (jusqu’aux parodies récentes de George MacDonald Fraser, un de ses admirateurs, qui réconcilient, par la grâce du temps, l’inspiration historique et l’inspiration géographique du roman d'aventures) là où le roman d'aventures historiques à la française s’est rapidement essoufflé.

 

 

Oeuvres en français (et où les trouver).

 

 

L'une des rares  adaptations en français de Weyman, La Comtesse Rose est très éloigné de l'original, My Lady Rotha, au point que la narration à la première personne n'est pas même conservée.

On peut regretter la méconnaissance de l’œuvre de Stanley Weyman en France. Alors que notre pays possède une tradition importante du roman historique feuilletonesque, avec Alexandre Dumas, Auguste Maquet, Paul Féval, Amédée Achard, etc., jusqu’à Michel Zévaco, nous connaissons fort mal la tradition anglo-saxonne du roman historique, préférant les récits les plus feuilletonesques de la baronne Orczy (Le Mouron Rouge) ou les romans maritimes de Rafael Sabatini – par ailleurs excellents (The Sea Hawk, Captain Blood, The Black Swan), aux œuvres de Stanley Weyman, ou aux grands romans historiques de Sabatini et de A. E. W. Mason. Quelques œuvres ont pourtant été publiées. La Maison du loup (Armand Colin, lire le chapitre I), traduction de The House of the Wolf, La comtesse rose (Mame, publié également sous le titre de La chaîne d’or), adaptation très infidèle et édulcorée de My Lady Rotha, La Cocarde rouge (Nelson), traduction assez fidèle de The Red Cockade (qui n’est malheureusement pas le meilleur roman de l’auteur), enfin H. B. Gausseron, La clémence du Cardinal (Tallandier), traduction sans doute (au vu du titre) de Under the Red Robe.

Tous ces romans sont difficiles à trouver en français. On peut en revanche les trouver assez facilement en anglais: nombreux sont ceux à avoir été convertis en version électronique (voir par exemple sur le site IPL Online Collection), et les titres les plus fameux, en version originale ou en réédition, sont accessibles sur abebooks.fr, qui possède également quelques rares titres en français.

 

 

 Bibliographie critique.

Rares sont les travaux à avoir été entrepris sur Stanley Weyman. On citera néanmoins les textes suivants:

- Helen Hughes: The Historical Romance, Londres et New York, Routledge, 1993.

- Matthieu Letourneux: "Alexandre Dumas et le roman d'aventures historiques; Les exemples de la France, de l’Espagne et de la Grande-Bretagne" Colloque Alexandre Dumas et l’Histoire organisé par Michel Arrous Université de la Sorbonne-Paris III, 16-18octobre 2002 (à paraître aux éditions Maisonneuve et Larose en 2003).

- Harold Orel: The Historical Novel from Scott to Sabatini, New York, Saint Martin's Press, 1995.

- Stanley Weyman, "General Preface Essay", The House of the Wolf, premier volume de The Works of Stanley Weyman, Smith, Elder and Co., 1911.

- John Williams, "Stanley John Weyman, Novelist and Man of Letters", Rhuthun Local History Broadsheet, Issue No. 38 June 1994.

 

 

 Quelques liens.

The Life and Work of S. Weyman: remarquable site (en anglais) consacré à l'auteur. Outre une biographie et une bibliographie, on y trouve des romans en version électronique, le texte de sa "General Preface", un entretien avec l'auteur, etc.

Violet Book sur Weyman: Article du site - toujours excellent - Violet Books, consacré à Stanley Weyman.

The Lost Club Journal: Bon article en anglais sur l'auteur.

http://home.freeuk.com/castlegates/weyman.htm: biographie et bibliographie.

 

 

Autres auteurs britanniques.

Retour à la page des auteurs.

Retour à la page d'accueil.

Me contacter.