Présentation générale.

Auteurs et thèmes propres à chaque période historique.

Autres types de romans d'aventures.

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Le récit d'aventures dans un cadre historique est sans doute le second type de roman d'aventures qui vienne immédiatement à l'esprit; sans doute parce que, en littérature comme au cinéma, des auteurs parmi les plus grands s'y sont illustrés. On pense certes à Stevenson ou à Falkner, mais c'est le cas également de Buchan, de Haggard et avant eux d'Alexandre Dumas… Quantitativement également, un grand nombre de romans d'aventures se déroulent dans le passé: on oublie trop souvent, par exemple, que la plupart des romans western de Gustave Aimard ou de Mayne Reid ont pour toile de fond la fin du XVIIIème ou le début du XIXème siècle - et des critiques ont fait remarquer que si la série des Winnetou de Karl May est sensée se dérouler dans les années 1860-1870, les actions qui sont dépeintes semblent davantage devoir être situées cinquante ans plus tôt..

S'il existe tant de romans d'aventures prenant pour cadre une période ancienne de l'Histoire, c'est sans doute parce que le passé se prête au rêve: il décrit un monde fantasmatique et imaginaire, puisque le lecteur ne l'a pas connu, mais crédible, puisque ce monde a existé. Or, le roman d'aventures est un type de romance, c'est à dire qu'il appartient à cette famille d'œuvres de fiction qui font de l'imaginaire l'un des éléments essentiels de leur esthétique (voir mon analyse de la place du roman d'aventures dans la littérature). Enfin, comme le passé est fréquemment perçu par l'époque positiviste comme une époque où il y avait moins de lois, le danger semble y être plus grand, la protection de la société, plus faible. Dès lors l'aventure peut surgir plus facilement. Espace à la fois fantasmatique et nostalgique, l'Histoire n'en est que plus romanesque.

Or, le décor historique joue un rôle à de nombreux niveaux des œuvres. L'intrigue tout entière possède un caractère initiatique plus marqué que dans les romans d'aventures géographiques; non seulement le héros vieillit et découvre le monde (voir la présentation générale), mais ses aventures sont également fréquemment l'occasion d'une initiation de l'humanité tout entière: ce qu'apprend le héros, il l'apprend au monde. L'illusion rétrospective qu'apporte le passé (on sait ce qui s'est passé dans l'Histoire) invite l'auteur à confronter son histoire à l'Histoire. Dans la guerre du feu de Rosny, Naoh apprend à allumer un foyer; dans Sir Nigel de Conan Doyle, le héros permet à ses alliés de gagner une importante victoire de la guerre de cent ans.

A l'inverse de cette vision progressive du roman d'aventures, le caractère nostalgique du regard vers le passé (liée au fantasme de l'âge d'or) joue également un rôle dans la caractérisation de l'action. En effet, la nostalgie se prête davantage au sentimentalisme, ce qui explique sans doute la plus grande présence d'intrigues sentimentales (comme dans Romance de Ford Madox Ford et Joseph Conrad, la plupart des récits de Dumas, les deux récits médiévaux de Conan Doyle, etc.).

Aussi, le récit d'aventures historique semble-t-il souvent être marqué par cette double exigence contradictoire: décrire le progrès d'un monde vers plus de civilisation, et regretter le passé, perçu comme un monde meilleur, plus pur. Le cadre historique actualise de façon originale la tension qui traverse tout roman d'aventures, cet affrontement ambigu de la civilisation (comme ensemble de valeurs: progrès, morale, loi, mollesse, etc.) et de la sauvagerie (liberté, simplicité, violence, pulsions). Il joue le même rôle que le couple Occidentaux / habitants "primitifs" des régions visitées qui existe dans le roman d'aventures géographiques.

A cette façon originale de représenter le conflit qui sous-tend tout roman d'aventures, correspond une caractérisation spécifique des personnages et de l'action. Elle n'affecte pas toutes les périodes représentées de la même façon. La préhistoire est plus barbare que le XVIIIème siècle aristocratique. Aussi, ici aussi, on peut opérer un certain nombre de distinction au sein des romans d'aventures historiques, lesquelles ne correspondent moins aux grandes périodes de l’Humanité qu’à un certain nombre d’invariants identifiables dans les récits.

Préhistoire. Tension principale: Affrontement entre des tribus encore bestiales et d'autres plus évoluées (Darwinisme). La vogue à la fin du XIXe siècle est très probablement liée à l'avancée des théories du darwinisme social. La question de la lutte des races est déjà présente chez Weinland et son Rulaman; on la rencontre encore chez Rosny, et elle sera formulée, de façon originale, dans cet autre récit préhistorique qu'est en un sens Le monde perdu de Conan Doyle. Episodes clés : combats contre des peuplades moins évoluées ; lutte contre des animaux disparus... Motifs récurrents : violence excessive (wild); description de mœurs primitives ; importance de la lutte contre les éléments; acquisition de connaissances nouvelles ; importance du thème de l’apprentissage...

Ce type de récits se retrouve chez Rosny essentiellement (dans La guerre du feu, mais aussi dans Le félin géant ou Vamireh), mais également chez d'autres auteurs fameux: Before Adam de Jack London (1906), The Ice Gods de Rider Haggard (si l'on fait exception du prologue et de l'épilogue) dont est assez proche The Eternal Lover de Burroughs, A Story of Stone Age (1897) de H. G. Wells, ou The Cave Girl (1913) de Rice Burroughs; un certain nombre d'autres auteurs, moins connus, ont également utilisé un décor préhistorique, souvent à des fins didactiques: Edmond d'Haraucourt, avec Daâh, le premier homme (1914) ou Paul Max, Volcar le terrible (1913).

D’autres textes en exploitent ponctuellement les ressorts. C’est le cas de The Lost World de Conan Doyle (qui décrit un monde préhistorique ayant subsisté de nos jours), Pellucidar de Burroughs (Idem). D'autre part, les récits d'aventures se déroulant dans des époques barbares possèdent bien des traits communs avec les récits préhistoriques (qu'on pense par exemple à Ambor le loup de Rosny).

Enfin, on peut noter que le genre a bénéficié d'une popularité non démentie au cours du XXème siècle, à travers la bande dessinée bien sûr (Rahan de Cheret et Lecureux, ou Timour), mais aussi à travers le cinéma, qui sut exploiter les possibilités romanesques (et souvent teintées d'érotisme) de cette époque: on peut citer parmi d'autres: One Million Years B. C. (Don Chaffey), ou Prehistoric Women (1968, Michael Carreras). Enfin, il faut évoquer l'excellente adaptation de La guerre du feu de Rosny par Jean-Jacques Annaud (1981).

On trouvera de précieuses informations (en anglais) sur la littérature préhistorique à l'adresse suivante: http://www.trussel.com/f_prehis.htm.

Ceux qui s'intéressent aux récits d'aventures préhistoriques peuvent se reporter à l'article de M. Guillaumie "Le roman préhistorique, un roman pour enfants?" (Le Roman Populaire en Question(s), PULIM, Limoges, 1997.

Antiquité. Si les récits d'aventures prenant pour cadre l'antiquité sont peu importants en nombre, ils jouent un rôle intéressant dans l'évolution du roman d'aventures. Leur trame et leurs motifs empruntent à la fois à ceux des récits préhistoriques et des récits médiévaux (figure du barbare, goût pour une certaine cruauté, présence d'animaux sauvages) auxquels ils ajoutent presque systématiquement des images de décadence, une certaine sensualité et une perversion raffinée. On peut l'expliquer aisément: le tournant du siècle a produit bien des oeuvres de l'esthétique décadente prenant pour cadre Rome; et des auteurs comme Pierre Louys (avec Aphrodite) ont compris l'intérêt qu'il pouvait y avoir à jouer de l'érotisme d'une telle époque.

On retrouve ces différents aspects dans les récits d'aventures se situant dans l'antiquité. Ils sont rares. On citera Ambor le Loup de Rosny l'Aîné (1931), I am a Barbarian de Rice Burroughs, Cleopatra ou Moon of Israel de Rider Haggard, ou encore "The Last Legion", une nouvelle de Conan Doyle. On notera enfin la présence de plusieurs civilisations antiques survivant dans notre monde dans la série des Tarzan (Tarzan and the Lost Empire, Tarzan and the Jewels of Opar) de Rice Burroughs.

C'est avec Burroughs que se révèle le rôle que va jouer l'antiquité dans l'évolution d'une partie du roman d'aventures: alors que le XIXème siècle consacre des oeuvres appartenant à la grande littérature à cette période historique (Salammbô de Flaubert, ou les récits de Bullwer-Lytton, ou encore certains récits de Marcel Schwob), le XXème siècle va emprunter à l'imaginaire antique dans un domaine tout différent, celui de l'heroic fantasy (tout au moins la tradition héritée de R. E. Howard). Si l'heroic fantasy est très proche du roman d'aventures (on en trouve déjà les prémisses chez Burroughs ou Haggard), il s'est spécialisé considérablement, au point de devenir un genre bien distinct de celui qui nous intéresse. Mais son origine doit sans doute être partiellement cherchée dans le roman d'aventures historiques antiques, médiévales et préhistoriques: goût pour la barbarie (dans le langage, les coutumes, les actions: Burroughs, Rosny), pratiques de la magie (Red Eve ou She de Rider Haggard), érotisme voilé (Haggard, Burroughs), etc.

Sur la littérature d'aventures antiques, on consultera avec profit l'ouvrage collectif Péplum: l'Antiquité dans le roman, la BD et le cinéma (Les Cahiers des paralittératures 5, Liège, Editions du CEFAL, Bibliothèque des paralittératures de Chaudfontaine, 1993).

Moyen Age. Tension principale: opposition entre les valeurs déjà déclinantes de la chevalerie et les valeurs bourgeoises en train de naître (qui apparaissent en particulier à travers le matériel de la guerre moderne). Episodes clés : rencontres Franco-Anglaises ; description d’une bataille historique avec combat d’archer ; scènes d’adoubement... Motifs récurrents : figure du faux moine ou du moine perverti ; thème du mauvais seigneur et des révoltes paysannes (et problèmes qui leur sont liés du rapport entre la loi, la légitimité et le pouvoir ; questions de pouvoir associé au rang et questions de préséance)... Caractérisation des personnages: héros comme noble à cheval sur les valeurs courtoises et héroïques, bandit au grand cœur (influence de la légende de Robin des Bois).

Cet exotisme se retrouve entre autres dans Sir Nigel et The White Company de Conan Doyle, Red Eve de Rider Haggard, The Black Arrow, de Stevenson, ou Hereward the Wake de Charles Kingsley. En France, ce type de récits est plus rare. On citera toutefois Robin Hood le proscrit d'A. Dumas (1873).

XVI^e-début XIX^e. Tension principale: opposition entre le monde romanesque passé (souvent lié au valeurs aristocratiques) et les valeurs prosaïques de la bourgeoisie montante. Episodes clés : duels à l’épée (d’où l’expression de " récit de cape et d’épée ") ; scènes d’auberge ; épisodes liés aux récits de pirates... Motifs récurrents :description d’événements politiques majeurs (plutôt que de batailles, comme dans les récits médiévaux) ; lutte entre catholiques et autres religions ; colonisation de l’Amérique et guerre d’indépendance... Personnages: aristocrates sans le sou (thème de la mort de l'aristocratie), figures historiques.

Illustration tirée de The White Gauntelet de Mayne Reid, auteur spécialisé dans le roman western

On trouve ce type de récits de cape et d'épée et de romans d'aventures historiques dans tous les pays d'Europe: En France, on citera les nombreux romans d'Alexandre Dumas (dont le lien avec le roman d'aventures est souvent problématique), et ses épigones (Paul Féval, Amédée Achard, Michel Zévaco, etc.).

En Grande-Bretagne, on évoquera, outre certaines illustrations ponctuelles (The White Gauntelet (Romance), de Mayne Reid, Micah Clarke et The Refugees de Conan Doyle,  Moonfleet de John Meade Falkner, Clementina d'A. E. W. Mason ou Romance de Conrad et Ford Madox Ford), les auteurs spécialistes de ce type de récit sont la Baronne Orczy (The Scarlet Pimpernel), Stanley Weyman (A Gentleman of France),  Sabatini (Scaramouche, The Sea Hawk, The Black Swan) ou John Buchan (A Lost Lady of Old Years, John Burnet of Barns).

En Italie, l'incontournable Emilio Salgari s'est illustré dans le genre (même si ses oeuvres - Il Corsaro Nero, Gli Ultimi Flibustieri, appartiennent en général au genre du récit de piraterie).

Enfin, en Espagne, on citera les récits de Manuel Fernandez y Gonzalez (El Condestable Don Alvaro de Luna), de Ramon Ortega y Frias (El caballero relampago) et, plus récemment, les récits d'Arturo Perez-Reverte (la trilogie du Capitaine Alatriste).

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