Illustration tirée d'une couverture de Fernandez y Gonzalez. |
C'est grâce à l'aide érudite d'Alfredo Lara Lopez (qui dirige la collection "historica" des éditions Valdemar), qui m'a fait découvrir le roman d'aventures espagnoles, que cette page existe.
El Mundo de la Aventuras, Une revue spécialisée dans la publication de récits d'aventures, qui publia, entre autres, L'Ile au trésor en feuilleton.
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Le roman d'aventures espagnol est à peu près inconnu en France. A vrai dire, il est très peu connu en Espagne également. Pourtant, il existe des auteurs prolifiques de romans d'aventures qui méritent qu'on les exhume, et qui couvrent toutes les virtualités du genre: aventures extraordinaires, aventures exotiques, historiques, etc. On citera en particulier les oeuvres d'aventures géographiques et aventures extraordinaires du Capitaine Sirius (Jesus de Aragon), et surtout la tradition du roman d'aventures historiques, illustrée par les oeuvres de Manuel Fernandez y Gonzalez et de Ramon Ortega y Frias, qui a été abondamment étudiée par Juan Ignacio Ferreras dans son ouvrage El triunfo del liberalismo y de la novela histórica, (1830-1870). Dans cet essai, le critique espagnol décrit les différentes étapes qu'a connues la littérature historique espagnole: ce type de récit a évolué d'un modèle d'inspiration romantique (dont le modèle est à rechercher du côté de Walter Scott), où l'Histoire permettait d'exprimer une vision nationale, et où la mise en scène fidèle du passé représente la préoccupation première des auteurs, vers un modèle où l'Histoire devenait un arrière-fond stéréotypé, décor-prétexte aux aventures les plus débridées. Ces romans d'aventures historiques (novelas de aventuras historicas) s'inspirent évidemment de l'oeuvre d'Alexandre Dumas, et ressemblent davantage encore au récits de cape et d'épée dans la tradition de Paul Féval, Michel Zévaco, ou de Ponson du Terrail. Littérature de divertissement où l'Histoire n'est plus qu'une anecdote, ce type de romans laisse la plus grande place à la mésaventure et à l'action, mais aussi à une intrigue sentimentale et aux effets mélodramatique qu'affectionnait le feuilleton à l'époque.
Enfin, il faut citer l'oeuvre récente d'Arturo Perez-Reverte, qui revisite la tradition du récit de cape et d'épée dans une perspective à la fois ludique et nostalgique. Il est difficile de dire si cet auteur a été inspiré par la tradition nationale du roman d'aventures espagnol, ce qui est certain, c'est que ses oeuvres doivent à l'ensemble de la tradition dumasienne du roman d'aventures historiques.
Certes, si l'on excepte le cas d'Arturo Perez-Reverte, aucun de ces auteurs ne peut prétendre ni à la valeur littéraire d'un Stevenson, d'un Conrad ou même d'un Alexandre Dumas ou d'un John Buchan, ni à la popularité d'un Jules Verne, d'un Karl May ou d'un Emilio Salgari. Mais, si l'on reprend l'exemple de ces derniers auteurs, les romanciers espagnols, certes moins connus, n'ont pas à rougir, ni dans leurs intrigue, ni dans leur écriture, de la comparaison - et en tout cas, ils ne déméritent pas face à un Michel Zévaco ou à un Paul Féval fils, auteurs auxquels nous les avons comparés. Rares sont les oeuvres traduites en français: quelques romans de Fernandez y Gonzalez et un ou deux romans de Jesus de Aragon ont été publiés au début du siècle. En revanche, la trilogie d'Arturo Perez-Reverte est aisément accessible aux éditions du Seuil (collection Points).
Pour en savoir plus: Vous pouvez consulter l'ouvrage collectif La novela popular en Espana (Madrid, Robel, 2000).
Pio BAROJA (1879-1956). Auteur majeur de la littérature espagnole, Pio Baroja a écrit de nombreux récits inspirés du roman populaire espagnol et européen. Il puise dans l'esthétique des romans historiques de Fernandez y Gonzalez ou d'Alexandre Dumas une inspiration originale. Ses héros sont des révoltés qui refusent les contraintes d'une société de classe sans échappatoire. Ils décident de s'engager dans l'action pour échapper à leur destin; en cela, se sont des aventuriers au sens où l'entendait le XVIIIème siècle, à la limite de la légalité, profitant des failles du système et des soubresauts révolutionnaires (guerres carlistes, etc.). On peut citer parmi ses oeuvres Aventuras, inventos y mixtificaciones de Silvestre Paradox (1901), Zalacain el aventurero (1909), et la série des Memorias de un hombre de accion (1914)
Manuel FERNANDEZ y GONZALEZ
(1821-1888). Manuel Fernandez y Gonzalez est sans doute l'un des feuilletonistes
espagnols les plus importants. Il représente en tout cas la charnière entre la
première période du roman historique espagnol, inspiré du modèle de Walter Scott
et du roman historique romantique et la seconde, que l'on qualifierait en France
de cape et d'épée, et qui se place nettement sous l'influence de l'oeuvre de
Dumas. Fernandez y Gonzalez débute en effet sa carrière d'écrivain à une époque
où le roman espagnol est tout entier tributaire de la littérature étrangère.
Jusqu'en 1820, les romans originaux sont en effet pratiquement inexistants dans
ce pays, et pendant la première moitié du siècle, les oeuvres d'importation -
celles de Walter Scott, de Chateaubriand ou de lord Byron, puis celles d'Eugène
Sue, de Victor Hugo et d'Alexandre Dumas - fournissent l'essentiel des lectures
espagnoles. Aussi n'est-il pas étonnant que la littérature (re)naissante se soit
inspirée de ces modèles dominants. Or, à partir des années 1840, le
roman-feuilleton (folletin) et sa variation typiquement espagnole, de la "novella
por entregas", devient le principal vecteur de la littérature nationale, et, à
l'intérieur de cet ensemble, la littérature historique représente la grande
majorité de la production littéraire. Cette diffusion plus grande de la
littérature, en ouvrant le roman à un public plus vaste, offre certes une plus
grande assise à la production nationale, mais elle le fait au prix d'une perte
de qualité sensible. Alors que dans un premier temps, les auteurs de récits
historiques de première génération (comme José de Larra) avaient le souci de
faire vivre une époque passée et d'enraciner ainsi la littérature dans
l'histoire du pays, la nouvelle génération paraît bien souvent ne choisir le
cadre historique que parce qu'il plait au public. Progressivement, la peinture
de l'Histoire a cessé de devenir la préoccupation première du récit pour devenir
le cadre d'un récit qui se souciait avant tout de narrer les aventures et les
malheur du héros. On le sait, ce glissement est celui qui se produit entre roman
historique et roman d'aventures historiques: en se réduisant à un cadre pour
l'événement, l'Histoire produit ce dépaysement qui est nécessaire au
surgissement de l'aventure. Désormais, l'action est première, et le dépaysement
rend possible l'avènement d'une logique de l'extraordinaire. Or, ce qui rend la
figure de Manuel Fernandez y Gonzalez si intéressante, c'est que son trajet
personnel d'auteur l'a conduit précisément d'un modèle de récit dans lequel la
peinture historique reste une préoccupation primordiale, vers un récit qui
s'apparente davantage au récit de cape et d'épée. Don Ramiro de Aragon
(1855) ou Allah Akbar (1849) donnent encore une place de choix à
l'Histoire, et les périodes choisies, celles des guerres d'émancipation de
l'Espagne contre les Maures, témoignent d'une volonté de créer, à travers la
figure d'un héros vertueux et tourmenté, une sorte d'image du héros ibérique, et
de description des valeurs qui ont fait de l'Espagne ce qu'elle est. Mais
rapidement, Manuel Fernandez y Gonzalez, pressé d'enchaîner les oeuvres dans une
production trop nombreuse, s'est mis à proposer des oeuvres de série, obéissant
toujours aux mêmes recettes: les héros se ressemblent, et les rebondissements
trop nombreux paraissent interchangeables, quelle que soit l'époque abordée.
Désormais, le cadre historique n'est plus brossé que dans des présentations
rapides, au début de certains chapitres, dans les intervalles de l'action. La
mécanique du feuilleton l'a emporté sur celle de l'Histoire. Cette dégradation
de l'imaginaire de l'auteur a accompagné un affaiblissement stylistique, puisque
les travers du feuilleton se ressentent de plus en plus (formules stéréotypées,
dialogues interminables, sentimentalisme inauthentique...). De cette époque, on
retiendra cependant quelques oeuvres qui échappent au lot commun: El
pasterelo de Madrigal (1862), Lucrecia Borgia (1864), appartiennent à
cet ensemble, même si les dates où elles ont été écrites témoignent de leur
caractère transitoire. Après 1870-1875, peu d'oeuvres échapperaient au jugement
sévère du lecteur moderne.
Reste que, dans ses premières oeuvres, Manuel Fernandez y
Gonzalez a su combiner la peinture - ailleurs par trop empesée - de l'Histoire,
avec les charmes d'une aventure feuilletonesque qui n'avait pas encore
entièrement imposé sa marque au récit. Ainsi, Fernandez y Gonzalez, comme
ailleurs Alexandre Dumas ou, plus tard,
Stanley Weyman, a-t-il pu échapper aux
travers à la fois de la reconstitution fidèle (roman historique) et du
carton-pâte (cape et épée). Certes, les dialogues sont souvent trop
longs, selon les convention d'une littérature payée à la ligne (et les éditions
récentes de l'auteur ont sanctionné ce travers de coupes sévères dans le texte
original); certes, le romantisme des personnages (Pedro dans Men Rodriguez)
paraît parfois de seconde main; mais il n'empêche que l'on découvre dans les
oeuvres de cet auteur une vraie originalité, qui tient à la fois au cadre
historique méconnu, au mélange de brutalité et de courtoisie chevaleresque, et
au style de l'auteur qui conserve, pour le lecteur français habitué aux
productions du roman-feuilleton hexagonal, une vraie spécificité: la
spécificité de l'imaginaire - et, osons le dire, des stéréotypes - populaire
espagnol, assez éloigné en définitive des visions "couleur locale" qu'en proposait la
littérature française à l'époque. C'est en ce sens qu'il dépasse largement en
qualité les autres écrivains espagnols de romans d'aventures historiques, y
compris ceux qui échappent au lot du tout venant, Ramon Ortega y Frias ou
Florencio Luis Parreño, dont les oeuvres se rapprochent plus nettement et plus
systématiquement d'un modèle de récit de cape et d'épée plus sériel (dans le
pire des cas) ou d'un feuilleton sympathique (dans le meilleur).
Il est pratiquement impossible de proposer une bibliographie complète de cet auteur extrêmement prolifique, dont un grand nombre d'oeuvres ont sans doute été irrémédiablement perdues. On peut cependant se reporter à l'excellente, bien qu'un peu ancienne, bibliographie de F. Hernandez Girbal, Una vida pintoresca. Manuel Fernandez y Gonzalez, Madrid, 1931, Biblioteca Atlantico. Certaines oeuvres, parmi les plus célèbres, ont été republiées, dans des versions tronquées, chez l'éditeur Tebas (collection La novela historica española), dans les années 1970: Don Ramiro de Aragon, El Cid Campeador, Men Rodriguez de Sanabria, Lucrecia Borgia, etc.
On peut trouver certaines de ses oeuvres en Espagnol sur abebooks.fr.
José MALLORQUI: Auteur de la série de romans westerns El Coyote, et figure central du roman populaire d'aventures espagnol au XXè siècle. Notice en préparation.
Ramon ORTEGA y FRIAS
(1825-1889) Notice en préparation.
Florencio Luis PARRENO (1822-1897) Auteur de romans d'aventures historiques dans la veine de Fernandez y Gonzalez et d'Ortega y Frias.
Arturo PEREZ-REVERTE: Auteur contemporain, Arturo Perez-Reverte s'est inspiré à plusieurs reprises de la littérature d'aventures, soit en rendant hommage à l'un de ses plus grands auteurs, Alexandre Dumas, dans El club Dumas, soit en s'inspirant directement (et avec humour) de la tradition du récit de cape et d'épée dans sa trilogie, Capitan Alatriste (à la triste figure?), Limpieza de sangre et El sol de Breda.
Il existe de nombreux ouvrages de Perez Reverte à être disponibles dans les librairies en français.
Capitaine Sirius (Jesus de ARAGON): Auteur de romans d'aventures géographiques, de romans de "mondes perdus" (découverte de civilisations disparues) et de romans d'aventures extraordinaires dans la tradition de Jules Verne. On lui doit des oeuvres comme El continente aereo, La ciudad sepultara, El demonio del Cauvaso ou Los cuatro mosqueteros del Zar.