1882-1958

 

 

Présentation.

Eléments biographiques.

Armandy et le roman populaire de l'entre-deux guerres.

Bibliographie.

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Si l’on se souvient encore parfois d’André Armandy, c’est probablement avant tout pour ses récits de la Légion Etrangère (Les réprouvés, 1926, Le renégat, 1929) et, parfois, pour ses récits intégrant des éléments d’anticipation (Le démon bleu, 1925, L’île de corail, 1925, Le grand crépuscule, 1929, Fossiles en sursis, 1954). Ses autres ouvrages ont peu à peu sombré dans l’oubli : récits maritimes (Régates, 1932, Sur la mer jolie, 1939) et, surtout, les nombreux romans d’aventures à enjeux géopolitiques (Quartiers des légations, 1951, L’or noir, 1957). Pourtant, l’œuvre d’André Armandy est exemplaire de l’esthétique et des thèmes du roman géographique de l’entre-deux guerres, marqué par une volonté de renouveler l’imaginaire colonial en collant davantage à l’actualité et à la « réalité » du terrain, et par un souhait d’offrir une écriture elle-même moderne – avec ce que cela peut supposer d’effets de mode. Cette position particulière explique qu’Armandy souffre de son statut ambigu d’auteur à la frontière de la littérature et de la paralittérature. Paralittéraire, il l’est par les thèmes choisis, empruntés à la littérature de genre – anticipation, aventures exotiques, roman sentimental, intrigues policières… Littéraire, il l’est par son style recherché souvent jusqu’à l’affectation un peu tape à l’œil, qui témoigne de son refus de se confondre avec la transparence de l’écriture populaire qui prévaut depuis les années 1920 ; il l’est aussi par son refus marqué d’épouser trop fidèlement les stéréotypes de la littérature populaire, préférant le drame au triomphe du héros, les amours malheureuses aux épousailles finales, les caractères fêlés aux schémas manichéens. Certes, en agissant de la sorte, Armandy troque d’autres stéréotypes contre ceux du roman de consommation : ceux du mélodrame et du récit exotique sentimental en particulier, mais aussi ceux de l’écriture et des thèmes modern style. Pourtant, si ces facilités sont celles d’un auteur qui cède à la mode, elles traduisent dans un même mouvement un souhait authentique d’échapper au tout-venant du populaire.

 

 

Eléments biographiques.

De son vrai nom Albert-André Aguilard, André Armandy est né le 29 novembre 1882 à Paris, et mort le 2 janvier 1958. Il est le fils d’un capitaine au 76e régiment de ligne. Il existe quelques incertitudes sur son existence. Ainsi, il aurait été condamné pour vol par la cour d’assise d’Ille et Vilaine le 8 février 1901 à quatre ans de prison ferme, mais le dossier de la Société des Gens de Lettres indique que son casier judiciaire est vierge. Il se serait engagé en 1902 (peut-être pour fuir la justice) dans le 5e bataillon d’Infanterie Légère d’Afrique, celui-là même qu’il campe dans son roman Les réprouvés. Il aurait ensuite déserté en 1904, et aurait encore été condamné pour coups et blessures en 1912 – condamnation également absente du dossier de la SGDL. Qu’ils soient vrais ou non (ils le sont probablement), ces traits dessinent le portrait d’un soldat dur à cuir et indocile, proche des Légionnaires qu’il peint dans ses premiers romans. Il a participé aux combats de la première guerre mondiale et a reçu la Croix de Guerre à la suite d’une blessure. Il est réformé en 1916 – l’année qui voit mourir le Capitaine Danrit et, après quelques temps passées dans l’industrie, il se met à écrire. Ce sont d’abord des nouvelles et des contes : « L’irrésistible passage » (Je sais tout, noël 1922), « Rien à signaler » (Je sais tout, novembre 1922), « La pierre de touche » (Le Gaulois, mai 1923), « La panthère » (Le Gaulois, juillet 1923), « La bête de moulin » (Le Gaulois, septembre 1923), « Le disque » (Le Gaulois, novembre 1923), « Sister Ships » (Le Gaulois, décembre 1923)… Très vite viennent ses premiers romans : Le Yacht Callirhoé, publié dans Lectures pour tous en 1923, puis chez Tallandier, l’année suivante ; Le Corail qui tue, publié dans Le Matin en 1924, puis chez Tallandier l’année suivante, etc.

En 1924, un an après la publication de son premier roman, il pose une première fois sa candidature à la Société des Gens de Lettres. L’un de ses rapporteurs, Jacquin (qui est à l’époque le rédacteur en chef de Lectures pour tous), remarque qu’« Armandy […] a su se faire très rapidement par son talent et son activité littéraire une place enviable parmi les écrivains d’aujourd’hui ». A ses débuts, Armandy paraît en effet avoir voulu se faire rapidement une place dans le monde des lettres : outre sa candidature à la SGDL, il publie dans des revues plutôt réputées (Lectures pour tous, la Revue de France…), fait éditer plusieurs de ses romans chez Lemerre, éditeur dont la gloire est certes passée, mais qui reste prestigieux, ou chez Calmann-Lévy, autre éditeur qui échappe au tout venant du populaire. De même, à la sortie des Réprouvés, il envoie son livre aux principales figures politiques et militaires de l’époque – ce qui lui vaut quelques réponses élogieuses. Récompense de ses efforts, en 1926, lors de sa seconde candidature à la SGDL, sa réputation est en partie faite : Jacquin peut désormais écrire qu’il « s’est rapidement classé parmi nos meilleurs romanciers d’aventure », et Maurice Renard en parle comme d’un « écrivain de grand mérite », aux ouvrages « dont la tenue égale l’agrément ». Pourtant, c’est cette même Société des Gens de Lettres qui constatera le déclin de la légitimité de l’auteur lorsqu’il postulera à nouveau en 1934, après avoir démissionné en 1929 (suite à un conflit avec l’écrivain Anne Armandy). A cette époque, alors que ses romans nombreux connaissent un vrai succès populaire, Jean Vignaud le présente désormais à travers des expressions réservées cette fois aux écrivains populaires : il connaît un « grand et légitime succès », et « est tenu aujourd’hui pour un de nos meilleurs romanciers ». Les termes vantent naturellement l’auteur (qui, par ses revenus, est une recrue de choix pour la SGDL), mais avec des formules qui soulignent non la qualité d’un écrivain romanesque, mais le succès de l’écrivain populaire. L’étoile d’Armandy a déjà terni, et son déclin va désormais être continu. Il n’empêche qu’il va résister un peu mieux que la plupart des écrivains de romans d’aventures de l’entre-deux guerres à la décolonisation. En 1953, ses droits s’élèvent encore à 436.484 f., et en 1957, à 533.497 f. En 1957, la radio française adapte Les épaves dorées ; en 1960, la Radio Nationale Belge réalise L’île de corail, et en 1961, il s’en faut de peu pour que soit adapté au cinéma Le trésor des îles Galapagos. Durant cette période, ses romans sont massivement publiés en feuilletons dans la presse régionale et sont également presque systématiquement adaptés en bandes dessinées (La dernière plongée en 1957, La cité profonde en 1958, Le bar du bout du monde en 1963). Certes, le succès n’est pas comparable à celui dont jouissait l’auteur dans les années 1930, quand étaient adaptés coup sur coup au cinéma Rapa Nui (1927) Le renégat (1930), Barranco Ltd (1932), La voie sans disque (1933), Les réprouvés (1936) et Le paradis de Satan (1938), mais il reste important. Ce ne sera plus le cas après la mort de l’auteur. Sans œuvres nouvelles pour nourrir l’intérêt de la presse, et avec des éditions en livres qui voient leur succès baisser rapidement, les droits d’auteur s’effondrent, au point que sa veuve s’en émeut dès 1964 (« malgré nos efforts, la reproduction baisse considérablement depuis deux ans »), et qu’en 1967, Tallandier, l’éditeur historique, décide de lui venir en aide financièrement. Dès 1970, les droits sont inférieurs à 1.000 NF, et ils oscilleront dans les années 1970 entre 650 et 2.100 NF – en partie grâce à l’éditeur, qui accepte quelques rééditions dans Les Floralies en sachant qu’elles ne lui rapporteront guère. Certes, l’œuvre s’étiole du fait de la mort de son auteur, mais elle décline aussi d’avoir vu s’éteindre le monde qui l’a engendrée : un monde exprimant sa fascination pour l’armée (celle d’un fils d’officier militaire lui-même, mais aussi celle de toute une époque pour la patrie), une confiance dans la mission colonisatrice de la France (dont les derniers romans, à commencer par L’or noir, ont du mal à faire le deuil), et une certaine vision de la société – des rapports entre les hommes et les femmes, de la vie du sportsman élégant et ruiné, d’un certain confort de vivre…

 

Armandy et l’aventure populaire dans l’entre-deux guerres.

André Armandy fait partie de ces écrivains dont le discours, lié à une certaine vision du monde, n’a pas survécu à l’époque qui l’a généré. Proche, dans ses thèmes et son imaginaire, de Pierre Benoit, qui l’a rapidement éclipsé avant de disparaître quelque peu à son tour, proche, par son style, de Maurice Dekobra, duquel il n’a jamais égalé le succès, André Armandy a vu sa carrière décliner de façon continue de ses débuts salués par la presse et les milieux littéraires et politiques, jusqu’à son ultime réédition dans une collection sentimentale, les Floralies de l’éditeur Tallandier. Ce déclin s’explique certes par la disparition du monde colonial qui avait porté son œuvre dans l’entre-deux guerres, il tient également au vieillissement d’un style trop apprêté pour être tout à fait honnête, mais pas seulement. L’œuvre d’Armandy, trop copieuse, n’a pas su se renouveler, et l’auteur en est vite venu à s’auto-plagier dans des récits qui n’avaient plus la puissance de ses premières œuvres. Le Renégat imite de façon un peu pâle Les réprouvés ; les récits maritimes varient constamment sur cette poésie de l’océan qu’on trouvait déjà dans certains textes de Maupassant ; les ouvrages publiés par Tallandier dans la collection des Romans mystérieux empruntent trop volontiers au sensationnalisme de la littérature populaire ; et la figuration des relations renouvelées entre les hommes et les femmes libérées masquent mal les ficelles thématiques et stylistiques du roman sentimental.

On aurait tort cependant de confondre l’auteur avec le tout venant du roman d'aventures géographiques. Si André Armandy s’inscrit dans une tradition, c’est celle du renouveau du roman d'aventures en France dans l’entre-deux guerres. Non pas tant celui, porté par les écrits de Jacques Rivière dans la Nouvelle Revue Française et, dans le monde des lettres, par André Malraux et Blaise Cendrars. Mais dans cette nébuleuse d’un romanesque à la française, dans laquelle se trouveraient des écrivains comme Paul Chack, Edouard Peisson, Claude Farrère, et bien sûr Pierre Benoit dont le critique Albert Thibaudet faisait le représentant par excellence de ce qu’il considérait comme le médiocre roman d’aventures à la française.

Le lien entre tous ces auteurs serait à rechercher dans une volonté de saisir l’essence du roman d'aventures dans la tension entre des esthétiques réaliste et romanesque. L’esthétique romanesque traduirait l’enthousiasme pour les confins, pour les valeurs élevées de l’existence (courage, abnégation, sens du sacrifice, force morale…), le refus du quotidien, l’engagement dans une existence riche en événements grisants, etc. L’ensemble est soutenu par une écriture empruntant souvent à la tonalité épique. L’esthétique réaliste se traduirait par la volonté d’opposer au roman d'aventures populaire la réalité de l’existence lointaine, sa brutalité, son aridité, loin des stéréotypes de la mythologie coloniale, mais aussi par une tendance à insister sur la souffrance des corps et des âmes dans une aventure vécue comme une expérience de la mort et de la douleur ; stylistiquement, cela se traduit par des passages privilégiant une écriture âpre, souvent dépouillée, contrebalançant les envolées épiques. Rien n’exprime mieux cette tension que le trajet du protagoniste, jouant sur la tension entre le mythe du héros solaire (celui là même qui structure l’aventure romanesque) et l’initiation à l’existence comme marquée par la mort et le déclin. C’est par exemple l’un des traits du « réalisme magique » de Pierre Benoit, même si ce dernier donne en apparence la première place à la magie, et limite généralement le réalisme aux virtualités d’une relecture ironique. Mais c’est aussi en un sens cette tension que l’on retrouve dans les premiers romans de Malraux (La Voie royale), et plus tard dans les récits de Kessel (Les Cavaliers, Fortune carrée) ou de Monfreid. C’est enfin, à son niveau, l’une des caractéristiques de l’œuvre d’André Armandy qui aime les destins tragiques, dans Les Réprouvés, dans Le Renégat, dans Les Cribleurs d’océan, et qui préférera finalement des récits plus euphoriques pour répondre aux attentes de celui qui deviendra son éditeur exclusif, Jules Tallandier.

Car l’évolution de l’œuvre d’Armandy se fait aussi d’un modèle mélodramatique de récit, marqué par la mort sacrificielle du ou des héros allant au bout de leur destin, à un modèle solaire du héros triomphant, plus en accord avec les goûts du public populaire. Ses héros sont pourtant en apparence fort éloigné des personnages sans tâches des écrivains des générations précédentes – Jean d’Agraives ou Louis Noir. Certes, comme c’est souvent le cas dans le roman d’aventures, ce sont eux aussi des officiers de l’armée française, souvent aussi des aristocrates. Mais, ruinés, ils sont hantés par l’idée du déclin, quand ils n’ont pas fauté, comme les héros des récits de la Légion. C’est là un autre cliché de la littérature, que l’on rencontre à la même époque dans les ouvrages des écrivains américains, qui est convoqué. Ce cliché permet à Armandy de modifier en grande partie les conventions du roman d’aventures populaire à la française. Au fond de l’abîme, les personnages sont contraints d’accepter des emplois dangereux dans les mines (La Cité profonde), les exploitations forestières (Le Démon bleu) ou pétrolières (L’Or noir) de régions lointaines ; pour échapper à sa condition, ils peuvent se faire encore chasseurs de trésors (Le Trésor des îles Galapagos) et bien sûr légionnaires (Le Renégat). Loin des héros des générations précédentes, loin évidemment de ceux des romans d’aventures pour la jeunesse, le protagoniste est donc un aventurier au sens moderne du terme, un homme qui a décidé de vivre en marge, comme les héros du Reflux de Stevenson ou ceux que peint Bernard Traven. Le roman devient l’œuvre d’une rédemption et non, comme autrefois, celui de l’ascension d’un homme-enfant vers l’âge adulte (tel qu’on le découvre par exemple avec Phileas Fogg chez Jules Verne, Rodolphe chez Anthony Hope, et les célibataires d’Albert Bonneau…). Cela vient certes de ce que l’auteur s’inscrit, qu’il le veuille ou non, dans cette mystique de l’aventure qui a nourri la littérature de l’époque (Malraux, Kessel, et bien sûr Monfreid) et qui tend désormais à valoriser l’engagement personnel dans l’action, indifférent aux autres lois que celles de la morale et de la volonté.

Si le héros est au-dessus des lois, c’est bien qu’il est un aristocrate – non seulement de sang (car les héros d’Armandy sont tous aristocrates ou anciens officiers) mais surtout d’âme. Ils ont le ton ironique, les manières de grand seigneur, une certaine distance dédaigneuse avec les subalternes (bourgeois, fonctionnaires, commerçants) et les femmes (petites sottes fortunées, héritières cachant leur romantisme sous de feintes allures émancipées), et le panache des fins de race (tous dépensent leurs derniers billets de banque dans un geste de grand seigneur). Attitude aristocrate qui témoigne de cette fascination d’Armandy pour une caste aristo-militaire dont il ne cesse de déplorer le déclin devant la bourgeoisie d’argent : le héros du Trésor des iles Galapagos préfère la ruine plutôt que de faire un mariage de raison, et kidnappe littéralement l’un de ses créanciers ; le héros de L’Or noir lutte contre le sentiment qu’il a d’être acheté par le père d’une de ses amies qui lui offre un poste influent dans l’espoir de la contraindre au mariage… Le Démon bleu exprime bien l’idée selon laquelle l’aventure est le moyen ultime de restaurer les valeurs aristocratiques :

« Avant de reconstruire, j’avais à liquider. Ayant abdiqué tout orgueil, la tâche était facile […]

« Restait le nom lui-même : un peu lourd à porter pour le besogneux que je suis. En changer ?... difficile ! […] Je l’ai donc adapté à ma nouvelle situation en l’amputant de sa fâcheuse particule. Un grattage au canif sur mes pièces d’état-civil, et l’orgueil de cinq siècles s’en est allé en poudre de papier.

« Puis s’est posée la question matérielle : la lutte pour la vie, cinq petits mots moins cruels que la chose. »

L’aventure permet de restaurer ce nom, en substituant une chevalerie d’action à la chevalerie d’héritage – ou plutôt, selon une rhétorique ambiguë, pour faire coïncider ces deux valeurs, comme si l’auteur les jugeait complémentaires, l’action venant légitimer ce que le sang porte en puissance. On le voit, l’idée d’un monde en déclin qui hante l’œuvre renvoie moins à une classe qui n’a guère existé que dans les fantasmes de l’auteur, qu’aux valeurs qui ont porté le colonialisme et le patriotisme d’avant 1914 et qui se survivent avec des difficultés de plus en plus grandes. Ce patriotisme, c’est celui des Chevaliers sans éperons évoqués par Jean d’Esme, des boy scouts du Colonel Royet et de Jean de La Hire, et des hagiographies des serviteurs de l’Empire que fait paraître Tallandier dans les années 1930. Tous reformulent un esprit chevaleresque qui défend la Nation française tout en s’inspirant d’un modèle antirépublicain. Il y a en tout cas un désir de transgresser les normes d’un monde trop étriqué pour les héros, qui conduit les protagonistes à se mettre en marge de la société, et qu’ils ne trouvent un univers à leur mesure que dans les régions lointaines. Ces régions, Armandy en souligne à l’envi le caractère primitif, en particulier dans sa peinture des habitants, à travers des tirades contre la fourberie et la paresse – au choix – des métis, des Noirs, des Maghrébins, ou contre l’incurie des gouvernements coloniaux : une telle présentation paraît souligner que ces êtres sont faits pour être dominés par les héros – d’où sans doute le dégoût affiché d’Armandy pour les métis et pour l’idée même de mixité.

Si l’on est tenté d’étendre le regard porté sur le monde par les protagnistes à un discours de l’auteur, c’est qu’il existe une grande proximité entre Armandy et ses personnages. De fait, les héros s’expriment comme le narrateur, et portent le même regard condescendant sur le monde que lui ; aussi n’y a-t-il pas lieu de s’étonner de ce mimétisme : quand il ne propose pas un récit à la première personne (permettant d’épouser au mieux le point de vue du héros), Armandy ne met-il pas fréquemment en scène un narrateur premier qui se lie avec le héros avec lequel il se découvre bien des affinités, pour mieux proposer le récit de ses exploits ?

C’est sans doute avant tout l’écriture qui révèle cette proximité : par sa recherche affectée un peu clinquante, Armandy tente d’inventer un style qui serait dans la langue l’équivalent de la personnalité des héros. Ainsi de cette description du jury du club des régates, organe administratif (donc méprisable) dont la description en termes choisis permet d’exprimer le mépris ironique : « ses oukases, promulguées en bâtarde, décoraient les parois en cimaise de textes absolus, que d’irrévérencieux diptères étaient d’ailleurs les seuls à prendre en considération » (Régates) : la condescendance aristocratique pour l’administration trouve ici un étrange écho dans ce style affecté qui est l’un des traits de l’écriture d’Armandy ; ainsi encore de la description du notaire Maître Tanche : « Maître Tanche, retrouvant sa gourme d’ex-officier ministériel pour insérer son chétif individu dans les bras accueillants d’un fauteuil rebondi, toussa discrètement pour tonifier son organe aigrelet » (Le Trésor des îles Galapagos).

Ce ton rogue se convertit en une sorte d’élégance empathique lorsque le héros (ou le narrateur) se retrouve face à ses pairs – un officier ou, plus rarement, une jolie jeune fille de son monde (riche héritière ou enfant de belle famille ruinée). Telle cette rencontre que fait le narrateur sur le pont d’un navire : « nous nous croisâmes. Il chercha ma rencontre et esquissa un sourire hésitant. Il tira de sa poche une main timorée qui n’osa point aller au-delà d’une invite » (Hommes de roc, forteresses d’argile). Il est clair ici encore que l’écriture est une façon de choisir son camp, de réassurer des valeurs. Mais en cela, Armandy ne fait qu’exploiter une tendance du genre : car le roman d’aventures a besoin du manichéisme, et son goût de l’héroïsme le conduit naturellement à valoriser les hommes d’exception, fondant d’une façon ou d’une autre une aristocratie de l’action. C’est ce qui explique la tendance qu’a le genre à défendre les idées élitistes : affirmation d’une classe de chasseurs supérieure au commun des mortels (Rider Haggard, Rice Burroughs), défense de l’aristocratie contre la plèbe (Baronne Orczy, Stanley Weyman), patriotisme exacerbé jusqu’à générer une xénophobie universelle (Louis Boussenard, Cutcliffe Hyne), fardeau de l’homme blanc et mission civilisatrice (Kipling) nostalgie compassée pour un esprit d’aventures perdu (Armandy, Jean d’Esme)… il est difficile dans le genre d’échapper à une valorisation de l’individu, même quand celle-ci prend la forme, comme chez Michel Zévaco, d’un individualisme anarchisant. Et si l’œuvre d’Armandy prend cette forme nostalgique et désenchantée, c’est simplement que ce discours s’affronte ici avec le déclin du genre.

 

Bibliographie critique.

 

Liens.

- Une page (remarquable, comme toujours avec ce site) de The Adamantine est consacrée à Armandy.

- Une page lui est consacrée sur le site du Matricule des anges.

 

Où trouver les œuvres de l'auteur?

On l'aura compris, l'oeuvre d'André Armandy ne peut plus guère se trouver que sur les sites des libraires d'occasion. Ses romans sont cependant assez faciles à trouver.

 

 

 

Bibliographie.

Autres auteurs français.

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