1879-1940
Un roman d'aventures occultes.
Bibliographie des oeuvres de Talbot Mundy.
Où trouver les oeuvres de Talbot Mundy?
Peu connu en
France (à l’instar de son prédécesseur de quelques années
C. J. Cutcliffe Hyne qui mériterait également
d’être redécouvert), Talbot Mundy est l’un des derniers grands auteurs de
romans d’aventures
géographiques de facture classique. Comme cela a été le cas d’autres
écrivains anglais de l’entre-deux guerres – à commencer par
Rafael Sabatini – sa carrière n’a pas été
essentiellement anglaise, mais américaine : avec
Henry Bedford Jones
et Edgar Rice Burroughs,
il a en effet été l’un des écrivains les plus fameux des pulps d’aventures
américains (dont le principal titre était Adventure). Preuve du
caractère ambigu de ses œuvres – et de leurs liens en particulier avec cette
branche du fantastique qu’on appellera par la suite la fantasy, plusieurs
de ses œuvres seront rééditées dans le pulp spécialisé dans la science
fiction et la fantasy Famous Fantastic Mysteries (comme le sera
d’ailleurs, à côté de Sax Rohmer, d'Abraham Merritt ou d'Austin Hall, un autre
écrivain Anglais, Henry Rider Haggard).
Une des réécritures d'après guerre de Talbot Mundy en version spicy. |
Pourtant, même s'il est marqué par leur esthétique, le style des récits de Talbot Mundy ne se confond pas avec celui des grands auteurs de pulps d’aventures américains - ni avec les aventures urbaines de Sax Rohmer, ni avec les aventures fantastiques dans des jungles utopiques et uchroniques d’Edgar Rice Burroughs, ni avec les exploits d’aventuriers sans attaches de Bedford Jones. Auteur anglais, Talbot Mundy se rattache à la tradition du roman d'aventures anglais. Il a d'ailleurs eu à subir à ses débuts les remarques de certains éditeurs, pour qui les récits prenant pour héros des soldats britanniques n'intéresseraient personne. Conséquence de cet écart, après la seconde guerre mondiale, les œuvres de Mundy seront d’ailleurs proposées dans des versions prétendument non expurgées – en réalité, il s’agissait de versions réécrites, avec un langage plus cru, une violence plus explicite, et des sous-entendus sexuels plus marqués que dans les versions originales – bref, un style correspondant davantage à l’esprit hard boiled des pulps.
A la lecture des romans de Talbot Mundy, l’inspiration principale de l’auteur se devine aisément, à l'écart des modèles américains : c’est d'abord du côté de l’œuvre de Rider Haggard qu'il faut la rechercher, pour la rêverie sur des mondes perdus et des pouvoirs cachés, et celle de Rudyard Kipling pour le cadre indien et l’imaginaire colonial. En ce sens, même s’il écrit après ces auteurs, on peut voir en Talbot Mundy l’un des derniers écrivains de romans d'aventures edwardiens.
La position
particulière de l’auteur – entre le roman d'aventures à l’anglaise des
edwardiens et le roman d'aventures à l’américaine des pulps – s’éclaire
considérablement si l’on donne quelques éléments biographiques. Son
existence comporte de fait bien des traits communs avec celle des grands
écrivains anglais de la génération précédente, en même temps qu'elle retrouve
celle des professionnels du pulp américain. De son vrai nom, William
Lancaster Gribbon, Talbot Mundy est le frère d’un soldat de l’Empire à la
carrière prestigieuse. D'autres écrivain avaient vu leur existence liée à
l'Empire: par exemple la famille Haggard,
Rudyard Kipling ou John Buchan - pour ne citer que les plus fameux. Moins
brillant que son frère, Talbot Mundy partira lui-même aux Indes en 1899, puis en
1901. Durant deux ans, il voyage en Asie. Il est difficile de retracer son
itinéraire, d’autant que, comme beaucoup d’écrivains à l’époque
(rappelons-nous des vies mythiques de
Gustave Aimard, de Karl May ou d’Emilio
Salgari), Talbot Mundy a considérablement enrichi les détails biographiques
d’anecdotes imaginaires; ainsi, on s'accorde aujourd'hui à mettre de plus en
plus en doute ses prétendues activités à l'intelligence service. Après un séjour en Grande-Bretagne, il se rend ensuite
en Afrique (essentiellement en Afrique du Sud), liant ici encore son parcours à
celui de l'Empire britannique. En 1909, Talbot Mundy s’installe aux Etats Unis.
En 1916, il acquiert la nationalité américaine. C’est là qu’il se met à écrire, proposant articles et nouvelles aux différents
pulps de l’époque. Il a donné dans un entretien pour le périodique
The Writer en 1921 les raisons toutes pragmatiques de son "désir" d'écrire:
"Pourquoi me suis-je mis à écrire? C'est le prix du porc et des haricots qui m'y
a contraint. J'avais faim, ce qui est toujours un bon point lorsqu'on débute".
Talbot Mundy se revendique donc comme un écrivain commercial, comme un écrivain
alimentaire. L'errance, l'existence d'écrivain professionnel n'établissant pas
de distance fondamentale entre l'écriture de fiction et les articles qu'il place
ailleurs, la prise en compte par l'auteur des contraintes de telle ou telle
publication avant même la rédaction de son oeuvre, tous ces éléments apparentent
davantage Talbot Mundy aux écrivains de pulps.
On le voit, la famille de l’auteur, ses voyages sur les territoires de l’Empire, en font un véritable écrivain britannique, mais sa carrière d’auteur est liée en profondeur à l’histoire et aux formes du pulp américain, reprenant en particulier la distinction opérée par les éditeurs américains, entre short story, novelette et novel (nouvelle, roman bref et roman). De même, Talbot Mundy sait jouer, comme les auteurs de l'époque, de la présence de héros récurrents qui répondent aux contraintes d'une publication mensuelle. Car les héros de Talbot Mundy (Jimgrim, King, Yasmini, Ranjoor Singh, Chullunder Ghose…) reviennent d’un récit à l’autre, parfois comme personnage principal, parfois comme personnage secondaire, donnant une unité tout à fait particulière à son œuvre, en créant un effet de cosmologie qui vient renforcer la cohérence d'ensemble. Mais si les héros reviennent, c'est aussi parce que la périodicité mensuelle du pulp se prête mal à la publication de longs feuilletons, parce qu'elle conduit au contraire les éditeurs à proposer des récits complets (comme le faisaient déjà les Dime Novels), et à supposer une alternance entre les auteurs - autant d'éléments qui expliquent le choix des protagonistes récurrents, garants d'une certaine fidélisation, mais n'impliquant pas nécessairement de présence mensuelle du personnage (à moins bien sûr que le pulp ait un personnage-titre).
Un roman d'aventures occultes.
Si Talbot Mundy est un
auteur de pulps, l’inspiration, les thèmes et les personnages
s’inscrivent plutôt dans la tradition du roman d'aventures européen – et c’est
sans doute entre autre pour cette raison « exotique » que Talbot Mundy a séduit
les lecteurs américains. Certes, en 1914, au moment où Talbot Mundy commence à
écrire, les rêveries d’Empire qui animaient les écrivains de romans d'aventures
européens n'ont plus la même acuité - en tout cas, elles ont changé de nature.
La question n’est plus d’étendre le pouvoir des Anglais, ou de profiter de
terrae incognitae pour mettre la main sur des richesses infinies.
Désormais, les Occidentaux se sont partagé l’ensemble du globe, et la plupart
des territoires ont été explorés et cartographiés. L’aventure
géographique a désormais changé de nature. Il ne s’agit plus de découvrir le
monde, il s’agit de lutter contre ceux qui voudraient expulser les Occidentaux
des territoires qu’ils dominent. Un tel discours sera la marque du roman
d'aventures de l’immédiat avant-guerre et de l’entre-deux guerres. En
Grande-Bretagne, John Buchan (Greenmantle) ou
Alfred Edward Woodley Mason (The Broken Road)
seront deux exemples d’un tel discours colonial. En France, des écrivains
comme André Armandy (Les réprouvés) ou Jean d’Esme proposeront des romans
de ce type. Dans ces œuvres, ce qui terrorise les colons, ce sont désormais les
révoltes des autochtones. Les armées coloniales sont faibles, et il suffirait
d’un effort (souvent, imagine-t-on, téléguidé par les puissances ennemies) pour
que les populations se révoltent. Une telle trame a le mérite de s’appuyer sur
des faits (la faiblesse des positions impériales) sans évoquer leurs causes
politiques (l’absence de légitimité des puissances d’occupation) : quand ils
n'ont pas pour causes les ennemis d'Europe, les complots sont organisés par une
poignée de fanatiques, réunis en sociétés secrètes (et dans les récits de Talbot
Mundy, une telle trame rappelle évidemment Kim de Rudyard Kipling).
Ce glissement vers un
modèle de conspirations et de trahisons annonce en réalité le virage du roman
d'aventures géographiques vers le récit d’espionnage : conflits entre les
grandes puissances dans des pays dominés, intérêts masqués dont on découvre
progressivement les enjeux, puissances cachées diaboliques qui manipulent toutes
les Nations pour leurs intérêts personnels… autant de thèmes que partagent
souvent ces auteurs et que l’on retrouve dans la littérature d’espionnage. Les
récits que publiera Talbot Mundy dans les années 1920 décriront d’ailleurs les
aventures d’un agent secret américain employé par les Anglais, Jimgrim ; et
Yasmini, autre personnage récurrent, est également une aventurière liée au monde
de l’espionnage.
Mais la position de Talbot
Mundy est plus ambiguë que celle de ses pairs. Il ne se contente pas d’exalter
les mérites des soldats de l’Empire. Certes, le héros est généralement un
officier britannique, et il lutte, comme les protagonistes des autres romans
coloniaux, pour restaurer la légitimité d’un Etat déclinant. Mais son aventure
l’entraîne sur des terres fort éloignées de celles que l’on rencontre
usuellement dans les romans d'aventures. En réalité, le modèle des récits
thématise fortement cette structure initiatique que l’on rencontre dans bien des
romans d'aventures, en lui donnant une dimension mystique. Car ce que rencontre
le héros au fil de son aventure, c’est l’existence de forces occultes, issues de
savoirs millénaires de l’Orient, et qui donnent à ceux qui en connaissent les
arcanes des pouvoirs infinis (et l’on peut songer par exemple à la fascination
pour l’Inde qui animait, quelques décennies auparavant,
Louis Jacolliot dans ses
œuvres). Les étapes de
son trajet sont souvent les mêmes. Le héros apprend d’abord qu’une menace – dont
il ne comprend bien ni la nature ni les enjeux – pèse sur le monde. Cette menace
provient de régions insoumises dans lesquelles la domination britannique est
toute symbolique. Le héros part donc dans un périple qui doit le conduire dans
ces régions lointaines. Au fil de son trajet, il croise des personnages hauts en
couleurs (bandits, potentats locaux, érudits, prêtres, montagnards, guerriers…)
qui lui donnent généralement des bribes d’informations sur la région qu’il
recherche. Progressivement, les êtres qu’il rencontre sont de plus en plus
savants, mais ils paraissent masquer bien plus de connaissances qu’ils n’en
révèlent.
Plus le héros progresse, plus l’espace que décrit Talbot Mundy paraît se déliter : les descriptions des lieux traversés sont de plus en plus confuses, les espaces, de plus en plus abstraits (grottes, escaliers géants, rivières souterraines, vallées perdues…). Les espaces qu’il doit rejoindre sont isolés, souvent protégés par des barrières naturelles qui figurent autant d’épreuves à franchir. Pour se rendre dans ces régions hostiles, le héros doit généralement se grimer, afin (comme René Caillié entrant dans Tombouctou ou Richard Burton arrivant à la Mecque) de pénétrer des sanctuaires interdits aux Occidentaux. On le voit, les épreuves franchies donnent lieu à autant de révélations occultes, le monde se transforme pour devenir une terre du religieux et du sacré, et le novice devient lui-même un autre : c’est bien à un processus initiatique (mais d’une initiation qui recourt volontiers au sensationnel) que nous convie Talbot Mundy, et l’espace abstrait que traversent les héros a une valeur symbolique : royaumes souterrains (King of the Khyber Rifles, The Gray Mahatma…) montagnes infranchissables (Om) sont autant d’images d’un savoir à conquérir.
Certes, le contenu de
cette initiation sera généralement fumeux, mélangeant dans un syncrétisme
confinant au fourre-tout les époques et les régions, les pratiques religieuses
et certains motifs du merveilleux et du récit de genre. On rencontre des pierres
qui sondent les âmes, des Lamas omniscients, des civilisations disparues à la
sagesse infinie, Les cités cachées sont certes des sanctuaires religieux
rattachés à une tradition indienne, mais ils évoquent également les conventions
des récits de mondes perdus. Les royaumes protégés que l’on atteint après un
long voyage dans les montagnes d’Asie (ceux d’Om ou de King of the
Khyber Rifles) rappellent ceux de The Man Who Would be King de
Rudyard Kipling. Dans Full Moon, l’évocation d’une porte qui s’ouvrirait
vers d’autres dimensions fait évidemment penser à certains traits des récits
d’Abraham Merritt. Comment ne pas retrouver encore dans la Yasmini de King of
the Khyber Rifles l’Ayesha du cycle de She imaginée par
Rider Haggard ? Elle porte le même prénom,
possède les mêmes ambitions de domination, tisse surtout le même type de liens,
par-delà les époques, entre un amour antique et l’aventure présente – à tel
point que l’on peut voir dans cette œuvre (au même titre que dans L’Atlantide
de Pierre Benoit et peut-être
que dans Tarzan et les joyaux d’Opar d’Edgar
Rice Burroughs) l’une des réécritures importantes de She. Plus
généralement, le mysticisme qui anime l’œuvre de Talbot Mundy paraît concentrer,
sur le seul territoire de l’Asie, le fantastique empreint de sacralité qui
marquait toute l’œuvre de Rider Haggard,
de ses lost
race tales (Ayesha, Queen Sheba’s Ring…) à ses romans
bibliques (Moon of Israel, Belshazaar…). Mais en se concentrant
sur le seul domaine des savoirs occultes des Hindous, Talbot Mundy donne à ses
récits une portée et une force de séduction qui les rend beaucoup plus
convaincants que ne l’étaient les évocations disparates de
Rider Haggard.
Doit-on pour autant dire de ses récits, comme l’avait fait avec une complaisance assumée Jacques Bergier, que « toute l’Inde mystérieuse y paraît et les aventures des personnages sont autant d’études de caractère tout à fait admirables. Sur le plan des révélations, on voudrait évidemment en savoir davantage. Mais Talbot Mundy, visiblement, ne cherche pas à fabuler et manifeste même un certain scepticisme » ? Evidemment non. Il y a dans cette représentation de temples cachés et de savoirs ésotériques une vertu romanesque dont Talbot Mundy a su user avec habileté, faisant aussi de l'occultisme un ingrédient séduisant du pulp d'aventures. L’Inde mystérieuse est pour l'auteur un moyen de rendre pseudo-réaliste les événements et les univers merveilleux qu’il décrit. Elle lui permet de substituer aux défuntes terrae incognitae qui offraient à ses prédécesseurs des univers au merveilleux rationalisé propre à susciter l’aventure, un autre type de merveilleux rationalisé. Plus tard, Talbot Mundy déplacera d’ailleurs ses univers occultes vers le Moyen-Orient, lors même qu’il se rendra en Palestine dans les années 1920.
Cette exploitation de
l’ésotérisme dans une perspective romanesque permet de renouveler de façon tout
à fait originale la structure des récits d’aventures, en remotivant d’une façon
inattendue le principe de la structure initiatique (généralement associée
jusqu’alors au passage du héros enfant, alter ego du lecteur, à l’âge
adulte), ou celui des royaumes oubliés. Il donne également une nouvelle force à
l’imaginaire fantastique en l’inscrivant dans un cadre exotique. Or, il est
possible que l’association du
dépaysement géographique et du
dépaysement
fantastique soit l’un des traits fondateurs du récit de science fiction.
C’est déjà ce qui caractérisait les récits d’aventures extraordinaires de Jules
Verne et de Paul d’Ivoi, c’est aussi
ce qui rapprochait les premiers space operas de
Rice Burroughs des aventures de Tarzan. C’est le cas enfin de Talbot Mundy,
ou de son contemporain Abraham Merritt. Dans bien des cas (mais pas toujours),
si l’on ôte la dimension ésotérique des récits, on rencontre souvent une trame
de romans d'aventures géographiques beaucoup plus classique : les œuvres de
Mundy se déroulant en Afrique (comme The Ivory Trail) paraissent en tout
cas beaucoup moins originales.
Il ne faut pas cependant limiter l’imaginaire fantastique de Mundy à un simple procédé romanesque de surface. Il y a une authentique fascination de l’auteur pour les pensées mystiques : ce qu’il évoque de l’Inde ou du Tibet (la vallée perdue d’Abhor ou les neuf inconnus) ne se cantonne pas à de l’invention pure et simple, mais trouve son origine dans des légendes qui n’étaient guère connues des Occidentaux à l’époque. De même, l'auteur s'est lui-même associé à des courants mystiques: dans les années 1920, il s’inscrit ainsi à la Société Théosophique ; plus tard, il propose un recueil d’essais marqués par un mysticisme diffus, I Say Sunrise, qui rappelle les écrits tardifs du belge Maurice Maeterlinck.
Quelle que soit la qualité
et la cohérence de la pensée de Talbot Mundy, il y a une authenticité chez lui
qui explique le caractère souvent fascinant de son œuvre : tout ne se limite pas
à l'aventure romanesque ici, tout ne se cantonne pas à des procédés fantastiques
et à des effets sensationnels. Certains thèmes (les neuf inconnus, les
civilisations aux savoirs oubliés, les cités enterrées, etc.) se retrouvent d’un
récit à l’autre, comme s’il s’agissait à chaque fois d’apporter de nouvelles
révélations. Les exergues des chapitres, proposant souvent des sentences de
lamas et de sages issues de livres d'autant plus mystérieux qu'ils sont
imaginaires, paraissent toutes renvoyer à une pensée cohérente. Dans cette forme
de récit, ne pourrait-on penser, mutatis mutandi, à un autre ensemble de
récits de fiction jouant de l'ésotérisme et de l'initiation, celui formé par les
oeuvres de Carlos Castaneda?
Si l’on laisse de côté
certaines expériences tout à fait marginales (Her Reputation, récit qu’on
pourrait rattacher à l’ensemble plus vaste du roman populaire), l’autre grand
ensemble créé par Talbot Mundy est celui de Tros of Samothrace, série d’aventures
historiques se déroulant dans l’Antiquité. Publiés à l’origine dans le
pulp Adventure en neuf épisodes distincts, ces récits ont été édités
en un fort volume de près de 1000 pages, et réédités par la suite sous les
titres Tros, Helma, Liafail, Helene, Cleopatra
et The Purple Pirate. Ce cycle d’aventures épiques laisse généralement de
côté la précision historique, pour offrir la vision d’un univers barbare en
lutte contre une Rome militariste et dominatrice. Tros est une sorte d’Ulysse
relu par les pulps, mélange de héros épique et d’aventurier hard
boiled. Il affronte un César qui fait parfois penser plutôt au diabolique Fu
Manchu de Sax Rohmer qu’à son modèle historique. Le référent des récits est
moins en effet l’Histoire que les
swashbucklers.
C’est dans ces récits, et dans ceux d’Howard quelques années plus tard, qu’il
faut rechercher l’origine des peplums, autant (sinon plus) que dans la
littérature antique. La violence est ainsi souvent évoquée de façon crue, non
seulement parce qu’il s’agit de décrire des « mœurs barbares », mais aussi parce
que ces mœurs sont évoquées dans un média, le pulp, qui privilégie une
aventure plus brutale que celle offerte par les romans edwardiens. Les
récits de Tros désignent on le voit l’infléchissement de l’imaginaire
antique du modèle décadent et religieux vers un modèle romanesque et populaire
qui se développera progressivement. Si Tros n’est pas Anglais, le récit s’ouvre
sur les terres britanniques, parce que la logique raciale et nationaliste n’est
jamais éteinte dans les romans antérieurs à la seconde guerre mondiale.
Rappelons patr exemple que le héros du seul peplum de
Rice Burroughs, I am
a Barbarian, sera Britannicus… Tros, lui, est Grec, mais c’est un Grec qui
lutte pour empêcher l’invasion de l’Angleterre par César et ses Légions. La
vérité historique s’efface derrière l’aventure romanesque : la mer, le voyage,
les affrontements d’hommes, l’emportent sur les événements authentiques. En même
temps, Talbot Mundy n’abandonne pas les éléments de mystique qui ont animé
l’ensemble de son œuvre : évocation des druides (dont les paroles ouvrent les
chapitres du roman comme ailleurs celles des yogis étaient mises en exergue des
romans géographiques), des mystères égyptiens et romains, présentation de mages
et astrologues (comme Apollodore), allusions aux Dieux et à leur puissance, etc.
Ainsi, loin de
dépareiller avec le reste de l’œuvre de Mundy, la série des aventures de Tros
participe de cette ambiguïté d’un auteur dont l’œuvre oscille entre une
authentique fascination pour toutes les formes d’occultisme et l’exploitation
habile des procédés et des stéréotypes du roman d’aventures dans sa plus grande
amplitude – roman d’aventures
géographiques et roman
d'aventures historiques, pulps et esthétique edwardienne, imaginaire
du récit colonial et procédés du roman d’espionnage, discours mystiques et
procédés du roman
d'aventures fantastiques. L’un des intérêts de Talbot Mundy tient sans doute
à ce caractère indécidable d’une œuvre dont on a du mal à définir la part
laissée à l’authenticité, et celle prise par l’opportunisme. Mais c’est une
question qu’il faudrait plus généralement se poser dans le domaine de la
littérature populaire, où l’on a tôt fait de condamner les appétits commerciaux
des auteurs sans accorder de place à la foi pour dans l’écriture et le plaisir
du récit.
Où trouver les oeuvres de Talbot Mundy?
On trouve encore dans les pays anglo-saxons un certain nombre de titres de Talbot Mundy. On trouve également en ligne un grand nombre d'oeuvres de l'auteur en version électronique (par exemple sur The Online Book Page). Ce n'est pas le cas malheureusement en France: depuis la fermeture des éditions NéO, aucune oeuvre de Talbot Mundy n'est accessible - pour un auteur qui a été assez peu traduit en règle générale (voir ci-dessous la bibliographie).
Pour trouver les ouvrages épuisés en langue française ou en version originale, le plus simple est de vous rendre sur abebooks.fr, site de livres d'occasion.
Comme tous les grands auteurs de pulps, Talbot Mundy est évoqué par de nombreux sites d'amateurs sur Internet. Parmi les meilleurs, citons les suivants:
- Dustfall propose une excellente biographie de l'auteur.
- Le site Blackmask online présente un bibliographie et des analyses passionnantes sur cet auteur, par Bradford M. Day.
- Un bref entretien avec Talbot Mundy dans The Writer sur le site Pulprack.
- Une bibliographie (incomplète malheureusement) proposée par le site Fantasticfiction.
- La présentation de quelques romans de Talbot Mundy sur le site de Dr Hermes.