Présentation générale.

Le western (présentation courte, présentation longue).

Le roman d'aventures maritimes (et la robinsonnade).

 

Autres types de romans d'aventures.

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Présentation générale. 

Les analyses des romans d'aventures historiques et géographiques ont montré combien le décor, en apparence secondaire, puisqu'il n'est pas le centre du récit (comme dans les récits exotiques d'un Loti ou d'un Segalen), joue en réalité un rôle fondamental à la fois dans le déroulement du récit, dans le choix des aventures ou dans la caractérisation des personnages. Il est également apparu que, si tous les romans d'aventures prennent tous dans une certaine mesure pour cadre un décor à l'exotisme géographique, celui-ci ne joue pas un rôle aussi fondamental dans un roman d'aventures historiques et un roman d'aventures géographiques.

Reste qu'il existe dans le roman d'aventures un domaine original, où l'exotisme géographique et l'exotisme historique se combinent, formant un type de roman d'aventures aux caractéristiques propres, ni tout à fait historiques, ni tout à fait géographiques. En effet, le roman maritime, et ce qu'on appelle le roman western ont l'un comme l'autre cette particularité de proposer un exotisme ou histoire et géographie sont intrinsèquement mêlés. Le Western se déroule à la fin du XVIIIe ou au début du XIXe siècle, dans l'Amérique sauvage, le roman d'aventures maritime se déroule, à de rares exceptions près (Typhoon de Conrad, The Ebb Tide de Stevenson) sous l'ancien régime. Dans les deux cas, cette double particularité donne des caractéristiques originales aux récits.

 

  1. Le Western (présentation courte, présentation longue).

  2. Le récit maritime (et la robinsonnade).

 

Le Western (lire la présentation longue).

Un exemple de fascicule racontant des aventures de western , "Buffalo Bill", traduit d'un Dime Novel américain publié par Street and Smith à partir de 1907.

Un des problèmes que rencontre celui qui s'intéresse au western en littérature concerne la question de l'histoire du genre. En effet, si l'on définit ce type de récits par ses caractéristiques les plus évidentes et les plus permanentes: action violente dans un cadre exotique (comme dans le roman d'aventures), mais surtout spécificité du décor spatio-temporel (l'Amérique du Nord et centrale de la seconde moitié du XVIIIème à la première moitié du XIXème siècle), on trouve alors des romans-westerns assez tôt dans l'histoire de la littérature: le "père" du genre serait sans doute James Fenimore Cooper qui, avec sa saga des Leather stockings, posait les premiers éléments de ce type d'œuvres. Le succès de Cooper entraînera assez rapidement un florilège d'épigones: en Angleterre, avec le capitaine Mayne-Reid (1818-1883), en France avec Gabriel Ferry (1809-1852) et Gustave Aimard (1818-1883), en Allemagne avec Karl May et ses imitateurs, en Italie avec certains récits d'Emilio Salgari et aux Etats-Unis avec Jack London et James Oliver Curwood. Enfin, une abondante production de fascicules et de dime novels consacrés au wild west est redevable à James Fenimore Cooper.

Reste qu'on peut difficilement parler pour tous ces auteurs de westerns. D'abord, parce que la terme semble être apparu avec l'industrie du cinéma, ensuite parce qu'on ne retrouve pas encore tous les thèmes du futur western. Et pour cause: nombre de motifs propres au genre, sont inventés avec le cinéma qui leur donne un caractère essentiellement pictural: qu'on songe au costume du cow boy (stetson et foulard, colt au ceinturon, étoile à la poitrine, les santiags et les éperons, etc.), au décor (la ville de façades autour de la rue centrale, le saloon, le ranch, le paysage désolé du Texas…), aux véhicules (la diligences, le chariot bâché, la locomotive à vapeur…), autant d'éléments qui s'imposent avant tout visuellement. Aussi, si une relecture moderne de ces œuvres nous fait les identifier au western, c'est que nous avons tendance à leur associer des images cinématographiques qu'elles n'avaient pas à l'origine. Or, si on fait abstraction de cet ensemble de codes visuels surajoutés a posteriori, les romans westerns d’avant l’ère du cinéma ont des traits assez proches du roman d'aventures. Le cadre est dépaysant, le récit se déroule dans la nature sauvage, dans un temps passé, l’action est violente.

Outre ces traits fondamentaux (qui persistent dans le western moderne), le roman western de cette époque possède d’autres traits caractéristiques du roman d'aventures: le caractère impérialiste de l’idéologie (qu’il partage avec les roman d'aventures exotiques), ou l’ambiguïté du rapport à la sauvagerie (le héros désire cette vie sauvage, et en même temps il tient un discours moral qui va à l’encontre de ses pulsions violentes) sont des caractéristiques fortes des romans d'aventures de l’époque. Enfin, le roman western, s’il est affecté par son cadre exotique, l’est beaucoup moins que dans le western moderne: certes, le décor joue un rôle dans le choix des épisodes et le déroulement de l’action, mais il n’est pas pour autant un système de signes suffisants, comme il l’est devenu depuis l’avènement du cinéma.

Reste à déterminer ce qui fait la spécificité du roman western au sein du récit d'aventures (et qui explique peut-être que ce genre se soit distingué plus rapidement comme type autonome de fiction). On l’a vu, cette sorte d'œuvres est caractérisé par un exotisme à la fois géographique (l’Amérique) et temporel (le XVIIIème siècle et la première moitié du XIXème siècle).

Couverture du premier - et sans doute du plus célèbre - des romans western de Mayne Reid, The Riffle Rangers (1850).

Or, son discours est affecté par cette double appartenance: d’un côté, on trouve un discours de l’impérialisme triomphant propre au roman d'aventures exotiques (rien ne peut arrêter la marche du Blanc, les Indiens sont autant de rebelles à pacifier, et en même temps, leur peuple fascine le héros, et la sauvagerie et la violence qu’ils incarnent deviennent progressivement celles du héros); de l’autre côté on trouve le discours nostalgique propre aux récits d’aventures historiques (le monde disparu est regretté, mais le héros participe à cette disparition. Les mœurs du monde disparu sont présentées comme plus pures, mais cette civilisation archaïque est également celle qui permet le déchaînement d’une violence salutaire). Ces deux thématiques se mêlent le plus souvent, et donnent au western un caractère si souvent nostalgique, et au cow boy ce côté mélancolique: le monde où il évolué a déjà disparu, son travail héroïque de pacification est déjà venu à bout de toute sauvagerie, et rend impossible tout héroïsme futur. Déjà, chez Karl May et chez Cooper, le héros vieillissant contemple la mort du wild west qu'il aime tant. Déjà, Salute to Adventurers, de John Buchan, semble chanter un monde perdu où les héros n'ont qu'une alternative: mourir (le mystérieux Ringan), ou fuir sans cesse cette civilisation où ils n'ont plus leur place (l'Indien Shalah).

Il existe une série de pages très intéressantes (en Allemand) consacrées aux romans-westerns du XIXème siècle. On y trouve des illustrations de Gustave Aimard par Gustave Doré, des pages générales sur la figure de l'Indien, et des textes d'auteurs peu connus, Möllhausen, Gerstäcker, etc. Elle se trouve dans le site Ibis. Si vous parlez l'Allemand, allez y…

(Lire la présentation longue).

 

Le roman d'aventures maritimes.

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Couverture des Robinsons italiens de Salgari, version française d'I Robinson italiani.

Le roman d'aventures maritimes bénéficie d'une riche généalogie. Sans le faire remonter à L'Odyssée de Homère, on peut le lier à deux œuvres majeures: Narrative of Arthur Gordon Pym de Poe, et le Robinson Crusoe de Defoe.

  1. Robinson Crusoe est à l'origine de toute une part du roman d'aventures, ce qu'on appelle la "robinsonnade", c'est à dire l'ensemble de ces récits qui décrivent la survie d'un homme isolé dans un espace hostile. Des œuvres de ce type ont fleuri tout au long du XIXème siècle, à commencer par Les Robinsons Suisses de Wyss (traduit en anglais par Kingston). On trouve un Robinson russe, une Robinsonnette (par Granström), des Robinsons italiens (par Emilio Salgari), une Ecole des Robinsons (Jules Verne)… Outre les œuvres comprenant explicitement le nom de Robinson (ou celui de son acolyte, comme c'est le cas dans le Vendredi ou les limbes du Pacifique de Michel Tournier), il faut compter de nombreux récits reprenant les thèmes de Defoe: Jules Verne s'y est illustré à plusieurs reprises (Deux ans de vacances, L'Eternel Adam, L'Ile mystérieuse), Mayne Reid a décliné le thèmes dans tous les décors imaginables (The Cliff Climbers, Robinsonnade à la montagne, The Forest Exiles, en Amazonie, The Desert Home dans le désert, etc.).

  2. Enfin, il faut noter qu'il existe de nombreux passages de récits dont les thèmes font penser à une Robinsonnade: dans King Solomon's Mines de Rider Haggard, Sir Henry retrouve son frère en Robinson du désert, le premier Tarzan (de Burroughs) débute par une Robinsonnade (la survie du couple Greystoke sur la côte africaine), et Stevenson lui-même a apporté, de façon ironique, son écot au mythe, en décrivant la difficile survie de David Balfour sur une île séparée de l'Ecosse par un bras de mer qu'on peut traverser à gué (Kidnapped).

    Si la Robinsonnade a connu un tel succès, c'est qu'elle offre à l'aventure les conditions d'avènement les plus pures : ici, la survie est poussée à son point extrême: il s'agit de résister au froid, à la faim, à la soif, à la fatigue et au découragement. La nature tout entière semble se liguer contre le héros. Il est seul face à un monde hostile: le naufragé est - par définition - isolé. La civilisation est le plus souvent réduite à portion congrue: une caisse d'outils, quelques armes, parfois plus (comme dans L'Ile mystérieuse, où la liste des objets récoltés prend des proportions impressionnantes), parfois moins (L'Eternel Adam). Aussi, l'opposition qui existe dans tout roman d'aventures entre civilisation et sauvagerie est ici poussée à son maximum (pour en savoir plus sur le rapport civilisation/sauvagerie, ou sur les règles de l'aventure, voir ma page sur la forme du roman d'aventures).

    Reste que le thème de la Robinsonnade est plus proche du roman d'aventures géographiques que du roman d'aventures maritimes: le voyage en mer ne semble souvent là que pour conduire au naufrage, et le naufrage mène naturellement au cœur véritable du récit: la survie sur l'île déserte. La Robinsonnade est moins liée à la mer qu'à l'isolement dans un espace hostile qu'on ne peut pas quitter. La preuve en est qu'il existe de nombreuses robinsonnades qui ne se déroulent pas sur une île: on l'a vu, Mayne Reid (avec The Desert Home) et Haggard (avec King Solomon's Mines), ont décrit les aventures de Robinsons des sables. Mais d'autres décors peuvent servir à ce type d'aventures: La Princesse des airs de Gustave Le Rouge peut être lu comme une Robinsonnade dans les montagnes; The Forest Exiles de Mayne Reid est une robinsonnade en forêt, etc. et la science fiction elle-même a décrit à plusieurs reprises les aventures de Robinsons de l'espace.

  3. L'influence d'Edgar Poe sur le développement du roman d'aventures maritimes est déjà plus important. On y trouve en effet la plupart des épisodes propres à ces récits: la tempête, le naufrage, le cannibalisme, la mutinerie, la découverte d'îles inconnues… ne manque que l'attaque des pirates et l'on découvre l'essentiel des thèmes du genre). La plupart des récits nés par la suite reprennent ces thèmes, y ajoutant parfois des intrigues originales (comme, dans The Sea Wolf, de London, la réflexion sur le surhomme, permise par la structure hiérarchisée de cette mini société qu'est le bateau; ou dans Typhoon, de Conrad, où la tempête est l'occasion pour l'auteur de réfléchir sur la nature du courage, de la responsabilité).

Une belle image de naufrage tirée du Chancellor de Jules Verne.

Jules Verne s'inspire dans Le Chancellor de la scène du naufrage / cannibalisme qu'on trouvait dans Pym (déjà présente dans La Salamandre d'Eugène Sue). Mais à l'origine de ces récits, il y a surtout l'épisode traumatisant du radeau de la Méduse…

Les récits de mutinerie sont également nombreux: on citera en premier chef The Mutiny of the Elsinore de Jack London. Ici aussi, il existe des sources moins connues, mais sans doute considérables. L'épisode de la mutinerie du Bounty a ainsi beaucoup influencé la littérature, à commencer par The Island, dernière pièce de Lord Byron, et le récit qu'en fit Jules Verne (Les révoltés de la Bounty).

Enfin, obéissant partiellement à ce second type de romans d'aventures maritimes, il faut citer la multitude de récits de pirates et de corsaires qui a nourri la littérature populaire. La série des Sandokan de Salgari en est sans doute le meilleur exemple. Dans ces oeuvres, l'auteur italien répète inlassablement les mêmes procédés, les mêmes aventures: poursuites, combats, victoires… Rafael Sabatini (The Sea Hawk, The Black Swan) suit le même schéma, comme Louis Noir, dans Surcouf.

Les récits de pirates ont cependant une origine littéraire plus complexe que le seul modèle de Pym: les caractéristiques du pirate (romantique, tourmenté, parfois cruel) sont redevables des textes que Defoe lui a consacrées, mais aussi à The Corsair de Byron, ou à The Red Rover de Fenimore Cooper.

Le roman d'aventures maritimes a connu un succès considérable à partir des années 1830: en France, avec Eugène Sue, Corbière ou de la Landelle, en Grande Bretagne avec Marryat (Mr Midshipman Easy, Peter Simple), et aux Etats Unis avec Fenimore Cooper ou Herman Melville (Moby Dick, White Jacket). Il faut noter que le genre se développe au moment où naît la marine à vapeur. Les auteurs mettent très souvent en scène dans leurs récits le débat entre marine à l'ancienne et marine moderne. Si le récit maritime ne propose pas nécessairement un exotisme historique (The Ebb Tide de Stevenson, comme la série des Sandokan de Salgari ou les récits de Conrad sont contemporains au temps de l'écriture), il se situe fréquemment dans le passé, au temps de la marine à voile. C'est sans doute que les auteurs voyaient dans cette époque la grande période de la marine (il suffit de lire les remarques nostalgiques qu'on trouve chez Conrad: pour lui, la grande marine est morte), celle où l'aventure était encore possible: après tout, une des principales origines du roman d'aventures n'est-elle pas à chercher dans les récits de voyage des grands explorateurs? D'autres auteurs, comme Jules Verne, prennent parti pour la marine moderne (la fin du Tour du Monde en 80 jours est en cela explicite).

Pourquoi les aventures maritimes choisissent-elles si souvent de prendre pour cadre l'époque de la marine à voile? C'est sans doute qu'avec les progrès techniques, la mythologie du marin (courageux, respectueux, simple, parfois alcoolique et violent, mais profondément moral) est essentiellement passée: la marine à vapeur ne demande pas les mêmes compétences, la même discipline. Ce monde est également passé parce que l'époque des explorateurs et des terrae incognitae à conquérir est terminée: le temps est maintenant aux colons et aux pacificateurs (qu'on retrouve dans le roman d'aventures exotiques). L'aventure est terminée, et un autre mythe maritime, le pirate (nourri de Byron et de Cooper), semble avoir disparu (sauf à situer le récit, comme Salgari, en Malaisie). On n'espère plus retrouver des coffres enterrés en hâte dans une île perdue .

Ainsi, le roman d'aventures maritimes, quand il se réfère à une époque passée, est nourri d'une longue tradition culturelle, celle des récits de marins (The Phantom Ship de Marryat s'inspire d'une légende ancienne qui a également influencé Poe), celle de l'imaginaire romantique (Byron…), celle encore d'un âge d'or de courage et de danger… Après tout, Captains Courageous de Kipling et The Sea Wolf de London n'opposent-ils pas l'un comme l'autre l'espace mondain et creux du Transatlantique moderne, et la vie rude, à l'ancienne, des marins? C'est encore ce courage mythique du marin que ne retrouve pas Lord Jim, dans le roman du même nom de Conrad. Mais Conrad montre que ce monde héroïque n'est qu'une dangereuse illusion. Car si les romans d'aventures maritimes se situent souvent dans le passé, c'est qu'ils ne renvoient pas tant à un espace réel qu'à un monde fantasmatique, la société du navire réduite à sa plus simple expression, la mer, sorte de no man's land au fonctionnement simplifié, et le pirate, réduit à "une barbe en pantalons bouffants littéralement hérissés de pistolets" (Stevenson, "Une humble remontrance"). L'exotisme historique et l'exotisme géographique ne sont plus qu'un pur espace fantasmatique, fait de culture et de stéréotypes, avec lesquels le récit joue.

 

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